Victime-de-pression-au-bureau

  • 06 mai 2024

Chère Advy,

J’ai adoré travailler à domicile pendant la pandémie. Cela m’a permis de trouver l’équilibre dans ma vie, et j’ai vraiment senti que ma pratique s’en trouvait améliorée, car je n’avais pas à prévoir ma sortie du bureau pour aller chercher mes enfants ou à craindre de perdre du temps en faisant la navette entre la maison et le travail. Maintenant que nous sommes obligés de retourner au bureau, mon anxiété et mon stress ont augmenté. Je dois jongler avec plusieurs horaires (pas toujours avec succès), et tout cela me semble vraiment insensé. Je pourrais demander au dirigeant de mon cabinet un accommodement, mais cette perspective me préoccupe. J’ai l’impression que mes collègues croient que je veux simplement travailler de la maison pour « prendre ça relax » et qu’ils ont la conviction que je ne peux pas abattre autant de travail à la maison qu’au bureau. Puisque je pensais que nous avions plus que fait nos preuves pendant la pandémie, cette perception me laisse perplexe. Des suggestions?

Sincèrement,
Victime-de-pression-au-bureau


Chère Victime-de-pression-au-bureau,

La première chose à garder à l’esprit est que, sans l’ombre d’un doute, il est normal de ressentir du stress et de l’anxiété lorsque vous devez faire la navette entre la maison et le travail, aller chercher vos enfants à l’école ou à la garderie, jongler avec plusieurs horaires et relever d’autres défis. Vous n’êtes pas dysfonctionnelle et vous ne valez pas moins parce que vous vous sentez ainsi. En fait, il serait plus préoccupant si ces défis ne vous apportaient aucun stress ou anxiété. Votre corps vous dit simplement : « Eh oui, tu es bel et bien un être humain. » Ne vous prenez pas trop la tête avec ça.

Prenons un moment pour examiner les raisons pour lesquelles votre patron ou votre cabinet peut vous obliger à retourner au bureau et pour soupeser la validité de ces raisons, puis jetons un coup d’œil à quelques façons de réagir à ces préoccupations. Non, je ne tiens pas pour acquis que les préoccupations de votre patron sont de bonne foi pour me ranger de son côté. Vous dites vous-même que la perspective de demander un accommodement vous préoccupe. Je pars de cette hypothèse parce que si nous abordons votre cause pour faire du travail à distance en partant du fait qu’il existe des raisons de bonne foi de s’en inquiéter, vous pourrez être beaucoup plus persuasive au moment de parler de ce que vous cherchez à obtenir.

Il est possible que certaines personnes soient improductives lorsqu’elles travaillent à domicile. Les environnements de travail à domicile varient considérablement. Une personne peut travailler dans un environnement exempt de distractions où il est facile de se concentrer. Une autre peut être assise à la table de la cuisine, entourée d’enfants qui jouent et regardent des dessins animés avec le volume élevé. Examinez attentivement et de manière critique la mesure dans laquelle votre situation de travail à domicile favorise la productivité. S’il y a des choses que vous pourriez faire pour vous aider à être plus concentrée, faites-les. Il pourrait s’agir de mesures aussi simples que de changer votre routine de travail (par exemple, je fais ce que j’appelle un « faux déplacement au bureau », comme un tour de vélo ou une marche, avant de m’occuper de tâches qui requièrent de l’attention, juste pour que mon corps sente que je m’éloigne de la maison pour entrer en mode « travail »). Pour y parvenir, il est possible que vous ayez à réorganiser votre espace de travail à domicile de façon à maximiser votre concentration et à minimiser les distractions, notamment en achetant des meubles ou des technologies qui vous aideront à accroître votre productivité (un casque pour milieu bruyant, ça vous dit quelque chose?). Peu importe les conclusions que vous tirez à la suite de l’examen de votre productivité en situation de travail à domicile, parlez à votre patron de ce que vous avez découvert et dites-lui ce que vous faites pour y remédier.

Les employeurs sont généralement préoccupés par la productivité des employés qui travaillent à distance. Il ne s’agit pas d’un phénomène propre à votre cabinet, à la pratique privée ou même à la profession juridique. Dans une étude menée en juillet 2022, près de la moitié des cadres d’entreprises interrogées disait croire que les personnes travaillant à l’extérieur du bureau ne travaillaient pas aussi fort que celles se trouvant sur place. Une explication intéressante (et certes biaisée) de cette déconnexion est que les employés et les cadres conçoivent différemment ce qu’est une journée de travail. Les travailleurs y incluent généralement le temps de déplacement, alors que les cadres ont tendance à compter uniquement le temps où la personne se trouve au travail. Vous dites vous-même qu’une partie de ce que vous percevez comme une amélioration de votre productivité lorsque vous travaillez à distance est le temps que vous économisez en déplacements quotidiens. Si vous plaidez en faveur du travail à domicile, gardez à l’esprit que vous et votre patron parlez peut-être une langue différente en matière de productivité et soyez prête à tenir compte de cette divergence d’opinions dans votre analyse de la situation.

Le travail à domicile se prête possiblement mieux à certaines tâches que le travail au bureau. Si vous avez déjà eu à écrire un factum et à gérer plusieurs courriels, appels téléphoniques et collègues qui passent vous voir pour vous parler de quelque chose, vous avez vécu les inconvénients du travail au bureau. D’un autre côté, vous avez peut-être tiré profit de la possibilité d’apostropher un collègue au coin-repas de votre bureau pour obtenir un point de vue qui vous a aidée à résoudre un problème difficile. La liste des choses qui fonctionnent bien et moins bien lorsque vous travaillez à domicile plutôt qu’au bureau est longue et il vaut la peine d’examiner de près ce que vous faites au cours d’une journée de travail pour déterminer si le travail à distance vous convient.

Les humains – et il est important de se rappeler que même les associés d’un cabinet de juristes en sont – sont soumis à de nombreux biais conceptuels qui exercent une incidence sur la façon dont ils traitent l’information. Un biais, ou heuristique, qui vient probablement à l’esprit du ou des cadres de votre cabinet, est le biais de disponibilité. Lorsque nous pensons à un phénomène, nous nous concentrons généralement sur un exemple précis, généralement sur l’exemple qui nous vient le plus facilement à l’esprit. Un exemple qui est inhabituel ou marquant semble beaucoup plus important dans notre esprit que quelque chose de plus banal. Le biais de disponibilité est au centre de nombreuses études qui expliquent le paradoxe selon lequel, même si les statistiques sur la criminalité révèlent des baisses importantes des comportements criminels et surtout des comportements violents, les enquêtes sur les perceptions du public à l’égard de la criminalité montrent presque toujours une crainte généralisée d’une augmentation, et non d’une baisse, du taux de criminalité. Une explication semble être que les reportages sur les crimes violents font davantage les manchettes et que les gens ont plus tendance à en parler, notamment dans les médias sociaux. Une histoire sur un meurtre attire notre attention. Il n’y a aucun intérêt médiatique à signaler que personne n’a été agressé dans votre ville un jour donné. Aussi, rares sont les gens qui publient sur Facebook qu’ils ont passé la journée au parc sans se faire voler leur vélo. Nous avons tendance à considérer les histoires croustillantes ou scandaleuses comme la norme et à oublier que nous entendons parler d’elles parce qu’elles sont si inhabituelles.

Vous vous demandez peut-être ce que tout cela a à voir avec votre conversation avec votre patron et avec le travail à distance. Votre patron se souviendra plus facilement de cas – que ce soit à votre cabinet, dans les nouvelles ou simplement dans la machine à rumeurs – où le travail à distance a mal fonctionné. Par exemple, il est difficile d’oublier une nouvelle sur des gens à distance qui travaillent pour plusieurs employeurs en même temps afin de maximiser leurs gains, mais qui ne font du bon travail pour aucun d’eux. D’un autre côté, vous vous souvenez d’avoir bien travaillé pendant les confinements parce que c’est ce que vous avez vécu. Il est très facile pour votre patron d’oublier que la plupart des employés étaient consciencieux et s’assuraient de bien effectuer leur travail pendant les confinements, car il s’agit d’une histoire sur quelque chose qui ne s’est pas produit. Rappelez-vous que votre employeur est aux prises avec les mêmes limitations cognitives que nous tous, alors soyez prête à être confrontée avec cette mentalité et à le convaincre que vous ne ressemblez en rien aux histoires d’horreur de gestion qu’on voit aux nouvelles. Vous vivez cette déconnexion viscéralement lorsqu’un client ou même une connaissance vous parle d’un juriste qui a volé de l’argent à des clients et qui sous-entend que tous les juristes sont les mêmes. Les pires exemples de personnes qui vous ressemblent superficiellement ne vous définissent pas. Lors de votre conversation, vous devrez vous distancer de ce qui vient automatiquement à l’esprit de votre patron quand il pense au travail à domicile.

Le manque de clarté lorsque vous parlez d’un accommodement pourrait en partie expliquer l’objection à l’égard de votre demande. Dites clairement ce que vous souhaitez obtenir. Est-ce que vous demandez à votre employeur de vous autoriser à travailler exclusivement à domicile? Est-ce que vous lui demandez de vous permettre de travailler en partie à domicile et en partie au bureau, ce qu’on appelle souvent le « travail hybride »? Certaines des études qui démontrent que le travail à distance diminue la productivité en viennent aussi à la conclusion que le travail hybride est à peu près aussi productif que le travail qui se fait exclusivement au bureau. Le modèle hybride, par opposition au travail à distance exclusivement, peut vous permettre de trouver un équilibre entre le travail en personne et les tâches où vous avez besoin de toute votre concentration. Si le dirigeant de votre cabinet craint que le travail à domicile fasse de vous une travailleuse moins productive, vous pouvez apaiser ses inquiétudes en optant pour le modèle de travail hybride.

En ce qui concerne votre patron, de nombreuses autres raisons que je n’ai pas énumérées ici peuvent expliquer ses préoccupations au sujet du travail à distance. Qui est le mieux placé pour connaître les objections que le dirigeant de votre cabinet peut soulever par rapport à votre demande de travail à domicile? Le dirigeant de votre cabinet. Oui, il faut un peu de courage, mais demandez-lui ce qui suscite des préoccupations dans votre demande. Compte tenu de l’information que j’ai exposée ci-dessus, démontrez-lui que vous ne posez pas cette question de façon rhétorique. Montrez-lui que vous « comprenez » qu’il puisse avoir des inquiétudes de bonne foi au sujet de votre demande et que vous lui posez des questions parce que vous tenez vous aussi à vous assurer de pouvoir continuer à contribuer efficacement au travail de votre équipe. Écoutez respectueusement les raisons qu’il évoque pour expliquer ces inquiétudes, réfléchissez à ses points de vue en paraphrasant ce qu’il vous dit, puis engagez un dialogue sur les mesures que vous pourriez prendre pour résoudre ce problème. En vous exposant ses préoccupations, votre patron vous donne l’occasion de réagir aux objections qu’il soulève et de mentionner des facteurs qui contribuent à votre efficacité et à celle du cabinet, et non qui y nuisent.

Voici quelques points positifs sur le travail à distance que vous pouvez garder en réserve pour persuader votre employeur que ce que vous lui demandez est une bonne idée :

  • Le travail à distance permet aux employeurs d’économiser en moyenne 11 000 dollars (USD) par employé si des postes de travail flexibles et d’autres solutions d’espace de travail partagé sont mis en œuvre.
  • Ces économies de coûts et les gains de temps dégagés par la réduction ou l’élimination des déplacements compensent largement les coûts associés à la perte de connectivité avec les collègues ou à la perte de concentration au travail lorsqu’ils sont mesurés en matière de profits.
  • Avoir un exemple d’entente de travail à domicile mutuellement bénéfique qui fonctionne bien avec un employé peut aider votre patron à élaborer un plan de travail à distance plus complet pour d’autres employés. Si vous gérez bien la situation, votre entente peut être un bon modèle que le cabinet peut utiliser pour accroître le bonheur de ses employés, pour soutenir la rétention des travailleurs et même pour contribuer aux efforts déployés afin d’accroître la diversité et l’inclusion au travail.

Vous mentionnez la perception selon laquelle le travail à domicile est simplement la recherche d’une occasion de « prendre ça relax ». J’ai l’impression que vous ne parlez pas seulement des membres de la direction de votre cabinet. Vos collègues font aussi partie du public à qui vous vous adressez lorsque vous tentez d’obtenir un accommodement. Considéreront-ils que vous apporterez une moindre contribution au travail d’équipe? Profiteront-ils de votre absence pour vous faire concurrence? Une façon de traiter les objections de ce public est simple : montrez-leur au fil du temps qu’ils ont tort. Surprenez-les en trouvant une solution à un problème auquel ils n’ont pas pensé. Partagez des idées que vous avez réussi à générer parce que vous avez pu vous concentrer davantage sans avoir à composer avec toutes les priorités concurrentes que vous mentionnez. Établissez un bilan qui montre que vous n’êtes pas une fainéante.

Vous réalisez peut-être en lisant ces lignes que les types de conversations que je décris ici ne sont pas quelque chose qui se produira en une seule réunion et certainement pas dans un seul courriel à votre patron. Comme je l’ai dit plusieurs fois, la persuasion est un jeu de patience, et c’est particulièrement le cas lorsque vous essayez de changer une (fausse) perception répandue, comme celle que vous abordez dans cette chronique. Faites preuve d’un peu de patience avec les gens avec qui vous parlez. Ils peuvent ne pas comprendre tout ce que vous leur dites immédiatement. Laissez le temps aux arguments que vous soulevez de produire leurs effets et renforcez-les en recourant à vos réussites personnelles que vous attribuez à votre travail à domicile.

Prenez bien soin de vous,
Advy

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