Offre-de-soutien

  • 17 avril 2023

Chère Advy,

Je suis associĂ© dans un grand cabinet de l’Ontario. Je fais de mon mieux pour favoriser le bien-ĂŞtre au sein de mon cabinet, car j’ai moi-mĂŞme souffert de dĂ©pression. Ce n’est pas un problème constant, mais c’est une question dont je dois tenir compte de façon permanente. J’ai la chance d’avoir pu compter sur une Ă©quipe qui a Ă©tĂ© rĂ©ceptive et qui m’a apportĂ© du soutien. Plus rĂ©cemment, j’ai dĂ©couvert que plusieurs de mes clients semblent ĂŞtre aux prises avec les mĂŞmes problèmes sans avoir de soutien. Je me demande donc ce que je peux faire (le cas Ă©chĂ©ant) pour les aider. Je sais que je ne suis pas mĂ©decin et que je ne peux pas rĂ©gler tous leurs problèmes, mais j’espère pouvoir les orienter dans la bonne direction sans dĂ©passer les limites.

Sincères salutations,
Offre-de-soutien


Cher Offre-de-soutien,

C’est formidable que vous remarquiez ces problèmes chez vos clients. Non seulement vous prĂ©occupez-vous de leur bien-ĂŞtre, mais vous cernez aussi leurs besoins non comblĂ©s. Nous oublions souvent que ces deux Ă©lĂ©ments sont essentiels Ă  une bonne reprĂ©sentation.

Bien sĂ»r, vous et moi exerçons tous deux le droit, alors permettez-moi d’y aller d’un avertissement.

Vous devez faire preuve de prudence. Pour citer le sage philosophe Mufasa, du Roi Lion : Rappelez-vous qui vous ĂŞtes. Il est important de se rappeler que vous n’ĂŞtes ni un mĂ©decin ni un professionnel de la santĂ© mentale, comme vous l’avez dĂ©jĂ  soulignĂ©. En matière de santĂ© mentale et de la maladie, vous ĂŞtes un amateur. Il est tentant de faire un diagnostic sommaire d’une personne avec qui vous travaillez Ă©troitement et d’essayer de lui apporter de l’aide afin de rĂ©gler le problème de santĂ© avec lequel, selon vous, elle doit composer. Il est cependant possible que vous Ă©tablissiez un diagnostic erronĂ© et que vous lui nuisiez davantage que vous l’aidiez. Toute tentative de diagnostic ou, pire encore, toute proposition de traitement Ă  quelqu’un que vous reprĂ©sentez dans une affaire juridique compromet Ă©galement votre capacitĂ© Ă  prodiguer des conseils fiables et impartiaux. Le travail le plus important que font les juristes pour des clients consiste sans doute Ă  leur dire ce qu’ils ne veulent pas entendre, souvent dans des circonstances qui ajoutent Ă  leur dĂ©tresse psychologique, plutĂ´t que de les soulager. En ce qui concerne l’aide que vous pouvez apporter, vous ne devez pas sortir de votre cadre professionnel.

Quelques conseils sur ce que vous pouvez faire par opposition Ă  ce que vous ne devriez pas faire. Certains de ces conseils – et une mise en garde – sont issus d’une chronique rĂ©cente que vous pouvez lire pour avoir d’autres idĂ©es.

La meilleure chose que vous puissiez faire pour vos clients qui traversent des pĂ©riodes difficiles est de leur donner un modèle d’attitude qui favorise une bonne santĂ© mentale. PrĂŞtez attention Ă  vos propres besoins, prenez des mesures constructives et proactives pour soutenir votre santĂ© mentale, obtenez de l’aide professionnelle pour vos problèmes de santĂ© mentale personnels et parlez-en ouvertement Ă  vos clients. Ils auront beaucoup plus tendance Ă  ĂŞtre inspirĂ©s par ce qu’ils vous voient faire qu’Ă  Ă©couter ce que vous leur dites de faire. PrĂŞchez par l’exemple.

Les litiges sont extrĂŞmement stressants pour certaines parties. La rĂ©silience est la capacitĂ© de maintenir (ou de retrouver) son Ă©quilibre pendant ou après une pĂ©riode de stress. Historiquement, nous avons toujours considĂ©rĂ© la rĂ©silience comme un attribut individuel. Cependant, la rĂ©silience entretient souvent un lien plus intime avec le contexte social et culturel dans lequel les gens vivent qu’avec leurs caractĂ©ristiques individuelles. Avoir un rĂ©seau de soutien, que ce soit de la famille, des amis ou des assistants professionnels, ou une combinaison de ces choses, est aussi important ou peut-ĂŞtre plus important que la constitution individuelle d’une personne.

Malheureusement, les Ă©lĂ©ments suivants, entre autres, ont tendance Ă  isoler les gens de leurs rĂ©seaux de soutien :

1. être impliqué dans un litige;

2. avoir un problème de santé mentale.

Les deux peuvent avoir pour effet (et ĂŞtre causĂ©s par) la rupture de relations existantes de quelqu’un avec d’autres personnes qui lui permettraient autrement d’avoir accès Ă  un rĂ©seau de soutien. Les deux peuvent causer (et ĂŞtre causĂ©s par) la pauvretĂ©. Les deux peuvent amener les gens Ă  oublier des habitudes saines ou interfĂ©rer avec des routines passĂ©es qui leur ont permis de rester en bonne santĂ©. Du mauvais sommeil, une mauvaise alimentation et d’autres difficultĂ©s de nature semblable sont souvent liĂ©s Ă  une interaction avec le système de justice et Ă  des problèmes de santĂ© mentale. Rien de tout cela n’est inĂ©vitable, bien sĂ»r. En fait, vos clients peuvent ĂŞtre confrontĂ©s Ă  un ensemble de difficultĂ©s qui contribuent Ă  la crĂ©ation de problèmes juridiques que vous les aidez Ă  rĂ©soudre, mais qui en dĂ©coulent Ă©galement.

Ayez conscience de la complexitĂ© de ce rĂ©seau causal de dĂ©tresse. Dans la mesure du possible, soutenez-les dans la construction ou la consolidation de leurs rĂ©seaux de soutien, qu’ils ont possiblement utilisĂ©s au maximum de leurs capacitĂ©s. Ă€ moins que cela ne soit inĂ©vitable, ne permettez pas qu’une rĂ©union avec vous les empĂŞche de s’occuper de tâches comme aller chercher les enfants Ă  l’Ă©cole ou prendre un repas en famille.

Si votre client a dĂ©jĂ  une relation avec un professionnel de la santĂ© mentale, encouragez-le Ă  discuter avec lui de la dĂ©tresse que le diffĂ©rend lui cause peut-ĂŞtre. Certains de ces professionnels vont mĂŞme se prĂ©senter devant le tribunal avec leur client si on leur demande. Si votre client n’a personne pour l’aider, ayez une liste d’organismes locaux qui offrent de l’aide en santĂ© mentale et mettez-la Ă  sa disposition. Un point de dĂ©part serait de communiquer avec l’Association canadienne pour la santĂ© mentale.

Il ne s’agit pas de quelque chose que vous devriez repousser jusqu’Ă  ce que votre client soit en crise. Une bonne stratĂ©gie de santĂ© cognitive, comme une bonne stratĂ©gie juridique, exige l’anticipation de ce qui pourrait arriver et l’Ă©laboration d’un plan pour rĂ©agir Ă  des difficultĂ©s. Vous ne trouvez pas l’arrĂŞt qui fait autoritĂ© dans une affaire juridique qui est dĂ©favorable Ă  votre client en vous en occupant Ă  la volĂ©e au procès. Vous regardez l’affaire et vous l’analysez bien avant de vous rendre au palais de justice. De mĂŞme, vous n’attendez pas que votre client ait une crise de panique lors de son tĂ©moignage avant de trouver des stratĂ©gies pour attĂ©nuer cette possibilitĂ©. Vous prĂ©voyez cette rĂ©action et vous Ă©laborez un plan pour aider votre client Ă  gĂ©rer cette situation potentielle.

En fait, prendre les rĂ©ponses très humaines de votre client au stress associĂ© Ă  un litige est un Ă©lĂ©ment important de toute stratĂ©gie juridique viable. Votre cas ne se dĂ©veloppe pas dans un vide. Il est le rĂ©sultat de la vie et de la situation de votre client. Insistez sur le fait que votre client ne perd pas de temps, qu’il n’est pas faible ou qu’il ne s’apitoie pas sur son sort s’il discute du stress que lui inspire le litige avec un conseiller professionnel. Le traitement efficace de ce stress est une dimension importante du traitement efficace du litige. Cela l’aidera Ă  prendre de meilleures dĂ©cisions et Ă  se concentrer sur ce qu’il doit faire, mais aussi Ă  ĂŞtre un ĂŞtre humain plus heureux. Bien sĂ»r, le fait de laisser entendre que les juristes se soucient rĂ©ellement de leurs clients en tant qu’ĂŞtres humains pourrait ruiner notre rĂ©putation professionnelle, sans parler de la chute d’innombrables blagues d’avocats, alors gardons ce secret entre nous pour l’instant.

Prenez bien soin de vous,
Advy

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