Associé-directeur-déterminé

  • 13 mars 2023

Chère Advy,

J’ai rĂ©cemment lu le rapport de l’Ă©tude sur le mieux-ĂŞtre Ă  laquelle l’ABC a participĂ© et je dois dire que les rĂ©sultats me semblent très troublants. Je suis un associĂ© directeur dans un cabinet de taille moyenne et j’ai toujours pensĂ© que nous gĂ©rions bien nos initiatives de bien-ĂŞtre en milieu de travail. Les rĂ©sultats du rapport me font douter de cela, surtout Ă  la lecture des nombreux obstacles que doivent surmonter les juristes qui cherchent Ă  obtenir de l’aide. Je me demande quelle est la meilleure façon de rĂ©ellement prendre le pouls de nos juristes lorsqu’il est question de bien-ĂŞtre. Est-ce que je reçois vraiment des commentaires honnĂŞtes en ce qui concerne la culture de notre lieu de travail ou nos juristes nous disent-ils simplement ce que nous voulons entendre par crainte de reprĂ©sailles?

Sincères salutations,
Associé-directeur-déterminé


Cher Associé-directeur-déterminé,

J’aimerais d’abord rĂ©pondre Ă  votre dernière question : non, vous n’en recevez pas, et oui, ils craignent des reprĂ©sailles.

Quelle que soit la mesure du soutien que vous avez l’impression de fournir, je peux vous garantir que les juristes et autres employĂ©s de votre cabinet ne font pas preuve de franchise lorsque vient le temps de commenter la culture de votre cabinet en matière de santĂ© mentale.

Ce prĂ©ambule peut paraĂ®tre extrĂŞmement nĂ©gatif, mais il faut se rappeler que la rĂ©ticence Ă  parler ouvertement et honnĂŞtement de la santĂ© mentale et de la maladie mentale est un problème que l’on observe Ă  l’Ă©chelle de la sociĂ©tĂ©. Ce n’est pas parce que vous ĂŞtes une mauvaise personne ou parce que la culture de votre cabinet est nĂ©faste. Le fait que vous posiez cette question me laisse croire que vous, et probablement votre cabinet, souhaitez rĂ©ellement que le milieu de travail que vous offrez Ă  vos employĂ©s leur apporte le plus grand soutien qui soit. De mĂ©moire d’homme, le fait de rĂ©vĂ©ler que vous souffrez d’un problème de santĂ© mentale, comme la dĂ©pression ou l’anxiĂ©tĂ©, rimait avec un aller simple au bureau de chĂ´mage. En fait, c’est toujours le cas. Cette crainte que la rĂ©vĂ©lation d’une maladie mentale mène Ă  la destruction de votre carrière perdure depuis longtemps.

Il ne fait aucun doute que les gens vous disent ce qu’ils croient que vous voulez entendre. Cette règle s’applique au-delĂ  du bien-ĂŞtre mental, mais nous allons nous en tenir Ă  ce domaine dans la prĂ©sente chronique. Vous assumez des fonctions que les employĂ©s de votre cabinet – peut-ĂŞtre Ă  juste raison – associent Ă  un poste qui a le pouvoir de changer leur carrière. Cela gĂ©nère beaucoup de peur, surtout pour quelqu’un qui se sent dĂ©jĂ  vulnĂ©rable. Il est peu probable que vous changiez cette dynamique Ă  court terme.

Examinons un peu plus en dĂ©tail le problème. Vous dites que vous gĂ©rez bien les initiatives de bien-ĂŞtre dans votre milieu de travail. Pourquoi ces initiatives sont-elles en place? C’est probablement parce que vous voulez que les gens avec qui vous travaillez aient la meilleure santĂ© possible. Si c’est votre objectif fondamental, alors vous pouvez quand mĂŞme avoir une rĂ©elle incidence sur le bien-ĂŞtre en milieu de travail en acceptant que les gens ne vous donnent pas leurs impressions honnĂŞtes.

La chose la plus utile que vous pouvez faire actuellement pour rĂ©duire la stigmatisation associĂ©e Ă  la santĂ© mentale et au bien-ĂŞtre mental en milieu de travail est de modĂ©liser ce que nous pourrions appeler un comportement non stigmatique. Parlez ouvertement de ce que vous faites pour gĂ©rer votre propre santĂ© mentale. Si vous avez un cerveau, vous avez le potentiel de souffrir de problèmes de santĂ© mentale, tout comme le fait d’avoir des dents signifie que vous avez le potentiel d’avoir des caries. Obtenez de l’aide de tiers, que ce soit par le biais de la thĂ©rapie en tant que telle ou par d’autres mĂ©thodes, comme le coaching ou le simple fait de suivre une formation sur les compĂ©tences qui vous aident Ă  maintenir une bonne santĂ© mentale, et parlez-en. Les gens commenceront Ă  aborder la santĂ© mentale comme quelque chose dont ils n’ont pas Ă  avoir honte quand ils voient que d’autres personnes parlent sans complexe de leur propre bien-ĂŞtre mental. Si les gens qui vous entourent voient que vous considĂ©rez que ce n’est pas un drame de chercher Ă  obtenir de l’aide et de reconnaĂ®tre que votre cerveau n’est pas infaillible, ils seront plus susceptibles de vous emboĂ®ter le pas.

Pour adapter un dicton que le mouvement environnemental utilise depuis de nombreuses annĂ©es, il s’agit d’une occasion de penser globalement et d’agir localement. Y a-t-il des changements importants qui doivent s’effectuer pour attĂ©nuer les effets du travail que nous faisons pour prendre soin de notre santĂ© mentale? Bien sĂ»r. Les objectifs d’heures facturables Ă©levĂ©s, les exigences d’heures facturables pour les juristes en dĂ©but de carrière, l’obligation pour ces juristes d’accepter des mandats qui vont Ă  l’encontre de leurs valeurs et plusieurs autres facteurs qui semblent toujours faire partie intĂ©grante de notre culture ne sont que quelques-uns des dĂ©fis que nous devons relever. Cependant, aucune de ces questions ne sera rĂ©solue par une culture de travail qui stigmatise les problèmes de santĂ© mentale. En tant qu’associĂ© directeur, vous ĂŞtes l’une des personnes qui peuvent jouer un rĂ´le extrĂŞmement important dans le changement de la culture de votre lieu de travail en joignant le geste Ă  la parole.

Votre cabinet pourrait profiter de cette occasion pour dresser un « inventaire » de ce qu’elle fait pour veiller au bien-ĂŞtre de ses employĂ©s. Les recommandations du rapport sont assez succinctes quant aux mesures possibles que pourraient prendre les cabinets. Vous pouvez donc comparer ce que la vĂ´tre fait par rapport Ă  ce que le rapport recommande et voir si des ajustements sont possibles. Quand je dis « vous », je ne veux pas simplement parler de vous personnellement. Un tel inventaire reprĂ©sente non seulement beaucoup de travail pour une personne Ă  l’horaire chargĂ©, mais c’est le genre de chose oĂą l’avantage de la participation d’une Ă©quipe ne se limite pas Ă  l’Ă©ventail des points de vue que vous pouvez mettre Ă  profit. L’examen des initiatives de bien-ĂŞtre du cabinet peut montrer aux employĂ©s Ă  quel point cet enjeu est pris au sĂ©rieux. Le rĂ©sultat de cet examen peut ĂŞtre prĂ©cieux, oui, mais il peut avoir encore plus de valeur si d’autres personnes examinent sĂ©rieusement les mesures que peut prendre le cabinet.

Bien sĂ»r, il est important de permettre Ă  la personne responsable de cet examen de rĂ©ellement envisager un changement en profondeur. Comme vous le constaterez sans doute en lisant le rapport, l’Ă©tat troublant dans lequel se trouve la communautĂ© juridique n’est pas quelque chose qui va ĂŞtre rĂ©solu en ajoutant un cours de yoga Ă  l’heure du dĂ®ner. Vous ne voulez pas aggraver le cynisme que les gens ressentent peut-ĂŞtre dĂ©jĂ  en procĂ©dant Ă  un examen qui ne remet pas en question les pratiques existantes et les dĂ©sĂ©quilibres de pouvoir au sein de votre cabinet. Cet examen doit ĂŞtre rĂ©el.

Envisagez aussi d’utiliser ou de crĂ©er des canaux externes pour que les gens puissent exprimer leurs prĂ©occupations au sujet de la santĂ© mentale dans votre milieu de travail. Les collègues, et surtout les personnes occupant des postes plus Ă©levĂ©s, se trouvent dans une sorte de conflit d’intĂ©rĂŞts lorsqu’ils essaient d’ĂŞtre rĂ©ceptifs aux problèmes de santĂ© mentale, car ils sont intimement liĂ©s aux cheminements de carrière des gens avec qui ils travaillent. Le supĂ©rieur ou le collègue Ă  qui vous vous confiez au sujet de votre dĂ©pression aujourd’hui peut ĂŞtre la mĂŞme personne qui dĂ©cidera du travail qui vous sera dĂ©lĂ©guĂ©, de la possible promotion qui vous sera accordĂ©e ou mĂŞme de votre situation d’emploi au sein du cabinet. La divulgation de vos problèmes de santĂ© mentale prĂ©sente un risque Ă©levĂ© lorsque vous pensez que cela pourrait un jour ĂŞtre utilisĂ© contre vous.

Cependant, si vos juristes et autres employĂ©s savent qu’ils peuvent parler Ă  quelqu’un Ă  l’extĂ©rieur du cabinet, il est possible qu’ils fassent preuve de plus d’ouverture. Ce canal extĂ©rieur pourrait ĂŞtre le fournisseur de votre PAE, mais il pourrait aussi s’agir d’un programme de soutien par les pairs qu’offre votre programme d’aide aux juristes local ou d’un programme de douze Ă©tapes. Vous pourriez Ă©galement obtenir de prĂ©cieux renseignements sur ce que vous recherchez en participant vous-mĂŞme Ă  ces programmes. Vous n’obtiendrez pas directement de commentaires de vos employĂ©s, mais si vous ou votre cabinet participez Ă  ce genre de programmes, vous aurez une idĂ©e de la façon dont la communautĂ© en gĂ©nĂ©ral se comporte. Encore une fois, en supposant que votre objectif fondamental est d’aider les gens de votre cabinet Ă  se sentir le mieux possible, il n’y a rien de mal Ă  avoir recours Ă  ces ressources extĂ©rieures pour les aider.

Prenez bien soin de vous.
Advy

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