Santé mentale dans la profession juridique : posons-nous les bonnes questions?

  • 11 juin 2019
  • Candice Ashley Pollack

Le 6 avril 2019, l’Association du Barreau canadien a accueilli sa toute première confĂ©rence sur la santĂ© et le mieux-ĂŞtre au Centre Shaw Ă  Ottawa. La confĂ©rence a proposĂ© un tour d’horizon complet de certaines des questions les plus pressantes auxquelles est confrontĂ©e notre profession, en couvrant des sujets tels que les ressources basĂ©es sur la technologie pour la promotion de la santĂ© mentale, les façons de faire face aux prĂ©jugĂ©s portant sur les maladies mentales, la rĂ©duction des risques de traumatisme secondaire et d’usure de compassion, et l’Ă©tat des dĂ©pendances chez les juristes.

Alors que j’Ă©coutais les exposĂ©s et les discussions informelles qui ont eu lieu au cours de la journĂ©e, j’ai souvent pensĂ©, ou plutĂ´t je me suis demandĂ© : « Posons-nous les bonnes questions? » Je dĂ©fends ardemment la prise de dĂ©cisions fondĂ©e sur des faits avĂ©rĂ©s. Je pense que pour crĂ©er des solutions, nous devons comprendre le problème Ă  fond. Par consĂ©quent, que savons-nous des difficultĂ©s vĂ©cues par les juristes au Canada en matière de santĂ© mentale?

Nous savons tout d’abord que les juristes font partie des trois catĂ©gories de professionnels qui font le plus souvent face Ă  des questions de dĂ©pendances, aux cĂ´tĂ©s des mĂ©decins et des policiers. Nous savons qu’approximativement 58 % des juristes au Canada ont vĂ©cu un stress important et un Ă©puisement professionnel, 48 % ont fait face Ă  l’anxiĂ©tĂ© et 26 % ont composĂ© avec la dĂ©pression. Nous savons en outre que les juristes perçoivent le stress, l’Ă©puisement professionnel, l’anxiĂ©tĂ© et la dĂ©pression comme faisant partie des enjeux majeurs auxquels est confrontĂ©e notre profession. Par ailleurs, nous savons que ces renseignements proviennent d’un sondage rĂ©alisĂ© en 2012 et que seules certaines personnes choisissent de rĂ©pondre aux sondages, et que d’autres n’y rĂ©pondent pas en toute franchise. Ă€ la lumière de ces points, il est difficile d’affirmer que nous avons aujourd’hui une vue vĂ©ritablement objective et complète de l’Ă©tat de du mieux-ĂŞtre au sein de notre profession.

Alors que ces renseignements constituent un point de dĂ©part incroyablement important, je ne pense pas qu’ils nous suffisent pour prendre des dĂ©cisions en connaissance de cause concernant les mesures les plus adaptĂ©es que nous devrions prendre pour relever ce dĂ©fi et amĂ©liorer le mieux-ĂŞtre des juristes au Canada. Alors que je ne suis pas experte en recherche et que je ne possède aucune compĂ©tence en matière de collecte et d’analyse de donnĂ©es, je pense que nous devons poser plus de questions et que nous devons nous assurer qu’elles produiront les rĂ©ponses dont nous avons besoin pour Ă©laborer une stratĂ©gie ou une approche ciblĂ©e pour amĂ©liorer la santĂ© et le mieux-ĂŞtre dans la profession. Si nous avons les ressources pour faire passer un autre sondage aux juristes, je pense que nous devrions aussi poser des questions concernant les domaines suivants.

  • DonnĂ©es dĂ©mographiques ventilĂ©es. L’Ă©laboration de solutions passe nĂ©cessairement par la comprĂ©hension de la dĂ©mographie du bien-ĂŞtre mental. Nous devons mieux comprendre la manière dont la santĂ© mentale touche les jeunes juristes, les juristes appartenant Ă  des minoritĂ©s ethniques, les juristes de la communautĂ© LGBTQ2IS et les juristes autochtones, entre autres acteurs de la profession. Nous devons savoir si certaines tranches de population courent plus de risques de se voir confrontĂ©es Ă  des difficultĂ©s particulières en matière de santĂ© mentale, le cas Ă©chĂ©ant.
  • CapacitĂ© existante pour amĂ©liorer le mieux-ĂŞtre. Les juristes sont intelligents et rĂ©silients. Ils vont mettre en Ĺ“uvre leurs propres mĂ©canismes pour faire face et trouver leurs propres ressources et soutiens lorsque se prĂ©sentent les difficultĂ©s, allant parfois les trouver hors de la communautĂ© juridique. On pourrait s’appuyer sur la connaissance que nous avons des stratĂ©gies et mĂ©canismes dĂ©jĂ  utilisĂ©s par les juristes pour soutenir et maintenir leur mieux-ĂŞtre afin de dĂ©terminer de nouvelles approches et solutions qui seront adaptĂ©es Ă  notre profession dans son ensemble.

Il est essentiel pour l’avancement de cette question que nous nous interrogions sans cesse sur ce que devraient ĂŞtre les prochaines Ă©tapes.

Je souhaite souligner les très importants travaux rĂ©alisĂ©s lors de la ConfĂ©rence sur la santĂ© et le mieux-ĂŞtre. Les membres des groupes de discussion Ă©taient exceptionnels et le contenu de la confĂ©rence, excellent. Les reprĂ©sentants du Programme d’aide aux juristes ont poursuivi leurs travaux vitaux et ont toujours dĂ©montrĂ© leur engagement envers l’amĂ©lioration du mieux-ĂŞtre au sein de la profession lors de chacune des tables rondes auxquelles j’ai eu le plaisir d’assister.

Enfin, je remercie sincèrement l’Association du Barreau canadien pour son rĂ´le de chef de file dans le domaine de la santĂ© mentale au sein de la profession juridique et pour son fidèle appui envers la participation des jeunes juristes Ă  ces importantes conversations.

P.-S. Je remercie en outre Pooja Chugh, reprĂ©sentante du PAJ des Territoires du Nord-Ouest qui a fait danser toute l’assistance Ă  « Applebottom Jeans ». C’est une expĂ©rience dont je ne savais pas qu’elle manquait Ă  mon palmarès, mais que je suis vraiment heureuse de l’y avoir ajoutĂ©e.

Candice Ashley Pollack est directrice gĂ©nĂ©rale de Hub APPTA et membre Ă  titre particulier de la Section des jeunes juristes de l’ABC.