L'honorable Michelle O’Bonsawin

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QUEL A ÉTÉ VOTRE CHEMINEMENT VERS LE DROIT ET JUSQU’À LA MAGISTRATURE?

Quand j’avais neuf ans, j’ai dĂ©cidĂ© que je voulais devenir avocate. C’Ă©tait une surprise pour mes parents puisqu’il n’y avait pas d’avocats dans notre famille. Lorsque j’Ă©tais au secondaire, j’ai dit Ă  mon conseiller d’orientation lors d’une sĂ©ance de planification de carriĂšre que j’allais devenir avocate. Il m’a rĂ©pondu que ce serait peu probable puisque je venais d’une petite communautĂ© francophone du Nord de l’Ontario. Je me suis dit : « Regarde-moi aller! »

Au secondaire, j’ai fait un stage dans un cabinet d’avocats. Quand est venu le temps de postuler dans les facultĂ©s de droit, j’ai postulĂ© aux programmes de common law en français de l’UniversitĂ© d’Ottawa et de l’UniversitĂ© de Moncton, qui m’ont toutes deux acceptĂ©e comme Ă©tudiante. J’ai dĂ©cidĂ© de frĂ©quenter l’UniversitĂ© d’Ottawa compte tenu de sa proximitĂ© avec ma famille dans la rĂ©gion de Sudbury. Je n’avais aucune aspiration Ă  ĂȘtre juge lorsque j’ai commencĂ© Ă  la facultĂ© de droit. Mon objectif Ă  cette Ă©poque Ă©tait de devenir la meilleure avocate que je pouvais ĂȘtre pour mes futurs clients. Mon intĂ©rĂȘt pour la magistrature s’est manifestĂ© plus tard au cours de ma premiĂšre annĂ©e de droit. AprĂšs avoir entendu une juge et des enseignants discuter du rĂŽle et de l’impact d’une juge, je suis devenue plus intĂ©ressĂ©e Ă  fixer un objectif plus Ă©levĂ© qui Ă©tait de devenir juge.

J’ai commencĂ© ma carriĂšre en droit en tant qu’Ă©tudiante au bureau du Ministre des Affaires indiennes et du Nord canadien. J’ai ensuite travaillĂ© comme Ă©tudiante en droit et comme avocate aux Services juridiques de la Gendarmerie royale du Canada. En juillet 2000, j’ai joint les Services juridiques de Postes Canada. Je me suis spĂ©cialisĂ©e dans le droit du travail, de l’emploi, des droits de la personne, de la vie privĂ©e et de l’accĂšs Ă  l’information. J’ai aussi travaillĂ© sur des initiatives des peuples autochtones. J’ai plaidĂ© partout au Canada devant divers tribunaux administratifs et cours. J’ai toujours recherchĂ© de l’expĂ©rience en litige, soit par le biais d’audiences devant des tribunaux, des cours, des mĂ©diations ou des discussions de rĂšglement. En 2009, j’ai Ă©tĂ© embauchĂ©e comme Avocate gĂ©nĂ©rale au sein du Groupe des services de santĂ© Royal Ottawa pour crĂ©er et diriger les Services juridiques, ce qui allait me donner plus d’expĂ©rience dans la gestion d’avocats externes ainsi que d’avocats juniors. En plus de gĂ©rer les Services juridiques du Royal, j’ai Ă©galement administrĂ© le portefeuille d’accĂšs Ă  l’information. J’ai beaucoup plaidĂ© dans les domaines des relations de travail, des droits de la personne et de la santĂ© mentale mĂ©dico-lĂ©gale. J’ai souvent comparu devant la Cour d’appel de l’Ontario. J’ai Ă©galement effectuĂ© des recherches approfondies sur le droit de la santĂ© mentale, les principes Gladue et les peuples autochtones dans le systĂšme de santĂ© mentale mĂ©dico-lĂ©gale. Pendant mon travail au Royal, j’ai obtenu une maĂźtrise en droit avec une spĂ©cialisation en droit de la santĂ© mentale Ă  Osgood Hall Law School. J’ai commencĂ© mon doctorat en droit Ă  l’UniversitĂ© d’Ottawa en septembre 2016.

AprĂšs avoir accumulĂ© des expĂ©riences et connaissances valables, j’ai dĂ©cidĂ© de postuler pour devenir juge. En mai 2017, j’ai Ă©tĂ© la premiĂšre juge autochtone Ă  ĂȘtre nommĂ©e Ă  la Cour supĂ©rieure de justice d’Ottawa. En dĂ©cembre 2021, j’ai terminĂ© mon doctorat en droit.

QUELLE EXPÉRIENCE DANS VOTRE CARRIÈRE JURIDIQUE VOUS A LE MIEUX PRÉPARÉ AU TRAVAIL À LA MAGISTRATURE?

Ma vaste expĂ©rience en tant qu’avocate plaidante m’a le mieux prĂ©parĂ© au travail Ă  la magistrature. Mon expĂ©rience de plaidoirie devant divers tribunaux administratifs, la Cour supĂ©rieure de justice et la Cour d’appel de l’Ontario m’a permis de me familiariser avec diverses rĂšgles de procĂ©dure et de rĂ©diger des arguments/documents juridiques. Mon expĂ©rience unique en tant que femme autochtone et spĂ©cialiste du droit de la santĂ© mentale m’a Ă©galement donnĂ© une perspective diffĂ©rente en tant que juge qui est utile pour Ă©valuer les dossiers. Dans mon travail au Royal et pendant mon doctorat en droit, j’ai effectuĂ© des recherches approfondies sur les principes Gladue. Ces principes aident Ă  assurer l’Ă©quitĂ© pour les accusĂ©s autochtones devant le systĂšme de justice pĂ©nale. Cette recherche aide Ă  Ă©clairer mes dĂ©cisions lorsque des personnes autochtones comparaissent devant moi.

Un autre aspect qui m’a aidĂ© fut de travailler avec les gens, de les Ă©couter afin d’identifier clairement les enjeux. J’ai Ă©tĂ© confrontĂ©e Ă  de tels scĂ©narios lors des audiences Ă  la Commission de la capacitĂ© de consentement et la Commission ontarienne d’examen, car ces questions ont toujours un certain nombre de perspectives diffĂ©rentes. Cette capacitĂ© est extrĂȘmement utile dans mon travail de juge.

QUELS CONSEILS AVEZ-VOUS POUR LES AVOCATS QUI COMPARAISSENT DEVANT VOUS ?

Le premier conseil est de toujours ĂȘtre bien prĂ©parĂ©. L’avocat doit s’assurer qu’il connaĂźt les faits de sa cause, ses arguments et la jurisprudence afin d'ĂȘtre bien prĂ©parĂ© pour rĂ©pondre aux questions de la cour. Avant que l’avocat comparaisse devant moi, j’ai lu le dossier. Il n’y a rien de pire que d’avoir la juge connaĂźtre mieux le dossier que l’avocat. Le deuxiĂšme conseil est que l’avocat doit s’assurer que ses documents Ă©crits sont correctement assemblĂ©s et sans erreur car ils sont la premiĂšre impression que la juge a de l’avocat.

QUE SOUHAITERIEZ-VOUS QUE LE PUBLIC SACHE AU SUJET DU SYSTÈME DE JUSTICE?

Le systĂšme judiciaire est composĂ© de diffĂ©rents acteurs et ils ont tous un rĂŽle Ă  jouer. Tous se consacrent Ă  la poursuite de la justice dans l’espoir d’obtenir le meilleur rĂ©sultat pour tous. Le systĂšme judiciaire est composĂ© d’individus qui apportent leurs expĂ©riences professionnelles et personnelles dans le systĂšme afin de reflĂ©ter les valeurs et les lois du pays. La prise en compte des principes Gladue est un exemple clair de la façon dont le systĂšme judiciaire doit s’adapter pour mieux Ă©valuer les affaires impliquant les peuples autochtones. Le systĂšme de justice Ă©volue pour mieux reflĂ©ter la sociĂ©tĂ© et ses valeurs. En son cƓur se trouvent ses membres qui visent Ă  ĂȘtre Ă©quitables et justes pour tous.