L'honorable Jacqueline (Jaki) Freeman

J-Freeman-2.jpgQUEL A ÉTÉ VOTRE CHEMINEMENT DANS LE MONDE DU DROIT ET DE LA MAGISTRATURE?

Malgré l’absence de professionnels du droit dans ma famille, j’ai voulu être avocate dès l’âge de cinq ans. Je pense que c’est le résultat d’une éducation empreinte d’histoires de la Bible et du fait d’identifier David à une femme lors de son affrontement avec le puissant Goliath. À mesure que j’ai grandi, j’ai commencé à reconnaître l’injustice dans le monde, un monde où souvent, sans que ce soit leur faute, des personnes sont confrontées à mille et une épreuves. En tant que telle, la vision plutôt enfantine que j’avais de moi-même d’un personnage biblique affrontant un être plus puissant s’est transformée en désir constant d’aider ceux qui n’ont pas eu la même chance que moi.

J’ai fréquenté l’université, puis la faculté de droit Osgoode Hall. Après l’obtention de mon diplôme, j’ai commencé à travailler dans un petit cabinet de contentieux civils. Cependant, ma passion a toujours été le droit pénal. Au bout de sept ans, alors que je représentais un client civil dans une affaire pénale de grande envergure, on m’a offert un emploi dans un cabinet de droit pénal. Même si je venais d’acheter une maison et que le nouveau poste signifiait une baisse de salaire considérable, j’ai décidé que c’était l’occasion pour moi de poursuivre ma carrière en droit pénal, entourée de juristes hautement qualifiés. C’était une démarche risquée, car mon poste au cabinet de contentieux civils était fiable et assuré, mais je me suis dit que si je ne profitais pas de l’occasion qui m’était offerte, je le regretterais peut-être. J’ai donc accepté le poste et entrepris un nouveau parcours. Ce fut l’une des meilleures décisions de ma vie!

Après vingt ans de pratique du droit, il était clair que le temps était venu de passer à l’étape suivante de ma carrière, soit en présentant ma candidature à la magistrature. C’est un rêve que je caressais depuis l’âge de douze ans. En fait, pour ma cérémonie d’assermentation, j’ai trouvé un devoir que j’avais fait en septième année, qui s’intitulait « Tout sur moi ». L’un des éléments du devoir consistait à faire un dessin de là où je me voyais quinze ans plus tard. J’étais assise dans une salle d’audience et je condamnais une malheureuse personne (qui n’était pas accompagnée d’un avocat) à trois années de détention! Évidemment, à cet âge, j’ignorais que le chemin menant à la magistrature est long et qu’il n’est pas accessible quelques années seulement après avoir obtenu un diplôme en droit.

La décision de devenir juge était également risquée, car cela signifiait que je devais renoncer à la pratique du droit et à la profession d’avocate — un travail que j’ai profondément aimé —, et entrer dans la fonction publique. Ça fera bientôt cinq ans que je suis à la magistrature et j’ai un grand bonheur à relever les défis qui viennent avec la profession de juge.

QUELLE EXPÉRIENCE DE VOTRE CARRIÈRE JURIDIQUE VOUS A LE MIEUX PRÉPARÉE À VOTRE TRAVAIL AU SEIN DE LA MAGISTRATURE?

La représentation de personnes accusées d’un crime m’a préparé à une carrière à la magistrature. Grâce à la représentation d’un large éventail de personnes, j’ai acquis une meilleure compréhension de la façon dont bien des gens entrent en conflit avec la loi. La discrimination raciale et sexuelle, les défis physiques, la pauvreté, les problèmes de santé mentale et la dépendance sont quelques-unes des principales raisons pour lesquelles les gens commettent des infractions criminelles. En représentant des personnes de toutes les origines, j’ai appris que celles accusées de crimes n’ont pas nécessairement une moralité douteuse, mais plutôt qu’elles sont souvent motivées à commettre leurs infractions en raison de questions comme la racialisation, la discrimination, la santé mentale et la toxicomanie. Ce point de vue m’a doté d’empathie à l’égard des personnes qui se présentent dans ma salle d’audience et me permet d’examiner plus en profondeur les raisons sous-jacentes à l’infraction alléguée et de m’efforcer de voir la personne qui se trouve derrière le délinquant.