L'honorable Diane Rowe

Hon-Rowe-2.jpgQUEL A ÉTÉ VOTRE CHEMINEMENT DANS LE MONDE DU DROIT ET DE LA MAGISTRATURE?

Je suis une survivante de la rafle des années 60, envoyée du Manitoba à St. John’s, à Terre-Neuve, à l’âge de trois ans. Je suis une Anichinabée visiblement autochtone, et ma mère était une survivante des pensionnats indiens qui a atteint la septième année avant de quitter définitivement l’école. Bien que j’aie toujours été forte à l’école, on ne s’attendait pas à ce que je devienne juriste, et encore moins juge. Il faut dire que j’avais neuf ans quand la première femme autochtone a obtenu un diplôme en droit au Canada. Mais je faisais aussi beaucoup d’art, alors on m’a encouragée à étudier aux Beaux-Arts.

Après deux ans en arts, j’ai quitté le programme pour travailler comme graphiste à Toronto, puis j’ai été sélectionnée pour faire un stage en entreprise parrainé par le Conseil canadien pour l’entreprise autochtone. Pendant ce stage, le chef du contentieux de l’entreprise m’a dit que l’exercice du droit me conviendrait sans doute bien, car je lisais et rédigeais constamment des propositions d’affaires.

Je suis retournée à l’université, j’ai obtenu un baccalauréat spécialisé en anglais, lors duquel j’ai été inscrite au tableau d’honneur, puis j’ai poursuivi mes études à la Faculté de droit de l’Université du Nouveau-Brunswick. Je me souviens avoir assisté, durant la première semaine de cours, à une présentation donnée par une juge nouvellement nommée à la Cour du Banc de la Reine du Nouveau-Brunswick. Jusque-là, je ne m’étais jamais arrêtée au fait que cette voie pouvait mener à un poste au sein de la magistrature.

Ma pratique a débuté à Halifax, dans un cabinet de taille moyenne spécialisé dans les litiges commerciaux et civils. J’ai également exercé le droit des réfugiés et de l’immigration à titre bénévole, et j’ai commencé à travailler en droit autochtone. Ce mélange d’expérience de vie et de pratique m’a été essentiel lorsque j’ai rejoint un cabinet juridique de Terre-Neuve spécialisé dans les litiges relatifs aux pensionnats indiens à l’échelle du pays. Je ne peux pas exprimer à quel point ce travail a été complexe pour moi, tant sur le plan professionnel que personnel. Je dirais que l’exercice du droit a approfondi mon expérience de la vie et a constamment souligné pour moi l’importance de la compassion et du professionnalisme quand on est au service du public.

Je suis retournée en Nouvelle-Écosse et j’ai exercé pour la Province pendant 18 ans. J’avais une pratique publique très éclectique et je conseillais la Province dans le cadre des négociations entourant le traité Made in Nova Scotia lorsque j’ai été nommée à la magistrature.

D’anciens collègues devenus juges m’avaient encouragée à poser ma candidature à la magistrature. Cependant, je pensais que ce n’était pas ma voie, et j’ai mis cette option de côté pendant un certain nombre d’années.

La magistrature de la Nouvelle-Écosse, en collaboration avec le Barreau de la Nouvelle-Écosse (la Nova Scotia Barristers’ Society) et la Faculté de droit Schulich, a alors lancé un projet de mentorat pour les juristes noirs et autochtones envisageant de devenir juges. J’étais d’abord méfiante. Le but était de jumeler des personnes susceptibles de se porter candidats à la Cour avec des juges disposés à partager leurs connaissances sur les particularités du rôle et les responsabilités et les exigences qui lui sont associées.

Pour moi, l’aspect le plus important du projet de mentorat était qu’il envoyait le message qu’une magistrature diversifiée était valorisée en Nouvelle-Écosse et que cet autre rôle public m’était ouvert. Sans ce message, je n’aurais peut-être jamais visé la magistrature.

QUE SOUHAITEZ-VOUS QUE LE PUBLIC SACHE AU SUJET DU SYSTÈME DE JUSTICE?

Le système judiciaire est une branche indépendante de l’État qui a pour rôle d’assurer la primauté du droit. J’espère que le public comprend que la primauté du droit est directement liée à notre consensus sur la façon de vivre ensemble, en communauté.