L’honorable Catherine Julie Deschênes

Que souhaitez-vous que le public sache au sujet du système de justice?

Après trois ans en pratique privĂ©e en droit civil et pĂ©nal dans ma ville natale, au QuĂ©bec, je suis passĂ© de la Force de rĂ©serve Ă  la Force rĂ©gulière en tant qu’avocate militaire dans les Forces armĂ©es canadiennes, oĂą j’exerce le droit militaire sous toutes ses formes, tant au pays qu’Ă  l’Ă©tranger. En tant que procureure militaire rĂ©gionale, j’ai rapidement compris que le système de justice militaire Ă©tait basĂ© sur le système de justice pĂ©nale et intĂ©grait de façon gĂ©nĂ©rale les règles de common law et les principes du droit pĂ©nal bien que son caractère unique dĂ©coule du Code de discipline militaire. Celui-ci dĂ©finit notamment des infractions qui n’existent que dans le contexte militaire, comme l’insubordination, l’absence sans permission ou le mauvais traitement d’un subalterne. Plus important encore, il contient des dispositions qui assurent le respect des droits garantis Ă  l’accusĂ© par la Charte et des articles qui visent Ă  renforcer l’indĂ©pendance judiciaire. Le dĂ©corum de la cour martiale et la mobilitĂ© de la cour, qui entend des causes partout dans le monde oĂą se trouvent des troupes, reflètent Ă©videmment la vie militaire. En d’autres termes, le système est conçu, comme sa contrepartie du système pĂ©nal, pour ĂŞtre Ă©quitable et conforme Ă  la Charte tout en conservant ses qualitĂ©s militaires. La Cour suprĂŞme du Canada a reconnu Ă  quelques occasions la lĂ©gitimitĂ© et le rĂ´le du système de justice militaire, notamment dans l’arrĂŞt R. c. GĂ©nĂ©reux, [1992] 1 RCS 259. Le système a Ă©voluĂ© au fil des ans et s’est adaptĂ© aux valeurs canadiennes. Ă€ titre d’exemple, les procĂ©dures du Code criminel qui visent Ă  protĂ©ger la vie privĂ©e et la dignitĂ© des victimes d’agression sexuelle s’appliquent aux procès en cour martiale. La Loi sur la dĂ©fense nationale contient par ailleurs des dispositions qui garantissent que les victimes ont voix au chapitre lors de la dĂ©termination de la peine.

Quels conseils donneriez-vous aux juristes qui comparaissent devant vous?

Tous les juges s’entendent pour dire que la prĂ©paration des juristes est essentielle, mais j’ajouterais que ceux-ci devraient prĂ©parer et prĂ©senter leurs dossiers en se concentrant sur les intĂ©rĂŞts de leur client, et non sur leur propre promotion – qu’ils reprĂ©sentent la Couronne ou l’accusĂ©. Je conseillerais donc aux juristes de laisser leur ego au vestiaire. Deuxièmement, les juristes devraient se concentrer sur le cĹ“ur du problème. Les juges ne veulent pas entendre un long compte rendu de la preuve ni une leçon en droit. Personnellement, je veux connaĂ®tre la position du ou de la juriste sur l’affaire, son interprĂ©tation de la loi et ce qu’il ou elle considère comme le nĹ“ud de l’affaire. Ça m’aide Ă  m’assurer que rien n’a Ă©tĂ© oubliĂ©. De fait, les arguments bien pensĂ©s sont gĂ©nĂ©ralement brefs et vont droit au but. Les juristes peuvent nĂ©anmoins faire valoir un point de vue dont le ou la juge des faits pourrait ne pas avoir tenu compte. Pour finir, je dirais qu’un système « accusatoire » n’est pas synonyme de « conflictuel ». Des juristes de parties adverses peuvent travailler ensemble pour servir les intĂ©rĂŞts de leur client respectif avec professionnalisme et arriver Ă  une solution mutuellement satisfaisante. La collĂ©gialitĂ© contribue grandement Ă  l’efficacitĂ© et confère une plus grande crĂ©dibilitĂ© au système de justice et Ă  la profession juridique dans son ensemble.