L'honorable Carole Hallée

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QUEL A ÉTÉ VOTRE CHEMINEMENT DANS LE MONDE DU DROIT ET DANS LA MAGISTRATURE?

Je suis originaire du TĂ©miscamingue, plus spĂ©cifiquement de Ville-Marie, un petit village oĂč il y a un magnifique palais de justice. Mon pĂšre y avait son bureau puisqu’il travaillait Ă  titre d’huissier, huissier-audiencier, greffier, shĂ©rif et protonotaire, comme on les dĂ©signait Ă  l’Ă©poque. L’Ă©cole primaire que je frĂ©quentais faisait face au palais de justice. À la fin des classes, je me rendais au bureau de mon pĂšre afin de le suivre dans ses diffĂ©rentes fonctions. Quand il Ă©tait en salle d’audience, j’entrais, je m’assoyais et pouvais y passer plusieurs heures Ă  Ă©couter, fascinĂ©e. À la suspension ou Ă  la fin des audiences, il arrivait que le juge, me connaissant un peu, me fasse signe, et dĂšs lors, je me dirigeais dans le petit bureau attenant Ă  la salle d’audience. Combien de fois ce dernier m’a-t-il demandĂ© mon opinion quant Ă  la cause, sachant fort bien que je n’avais aucune idĂ©e des enjeux. Mes commentaires se rĂ©sumaient simplement Ă  qualifier le bon et le mĂ©chant. DĂšs mon jeune Ăąge, je voulais ĂȘtre avocate et faire des reprĂ©sentations devant les tribunaux. Toutefois, le souvenir le plus important demeure cette phrase que je rĂ©pĂ©tais Ă  mon pĂšre et Ă  qui voulait l’entendre : « qu’un jour, ce serait moi qui occuperais la grande chaise du juge ». Ce rĂȘve d’enfant est devenu rĂ©alitĂ©. Je me rappelle particuliĂšrement avoir mentionnĂ© Ă  une amie, lorsque nous marchions les fins de semaine dans le Vieux-MontrĂ©al alors que nous frĂ©quentions le cĂ©gep, qu’un jour, j’aurais mon bureau dans cet Ă©difice, dĂ©signant le palais de justice de MontrĂ©al. Je suis trĂšs reconnaissante de mes parents, qui ont tout fait pour que je puisse Ă©tudier en droit. J’ai d’abord fait mes Ă©tudes au collĂšge Bois-de-Boulogne et complĂ©tĂ© ma formation Ă  l’universitĂ© de Sherbrooke. AprĂšs avoir complĂ©tĂ© mon stage, j’ai pratiquĂ© dans un cabinet d’avocats en droit de la famille jusqu’Ă  ma nomination Ă  la Cour supĂ©rieure, le 7 novembre 2001. En novembre 2023, cela fera 22 ans que j’aurai Ă©tĂ© nommĂ©e Ă  la Cour supĂ©rieure, et aprĂšs toutes ces annĂ©es, je me pince encore puisque j’aime toujours autant ce travail et que c’est un Ă©norme privilĂšge d’accĂ©der Ă  la magistrature.

QUELLE EXPÉRIENCE DE VOTRE CARRIÈRE JURIDIQUE VOUS A LE MIEUX PRÉPARÉ À VOTRE TRAVAIL AU SEIN DE LA MAGISTRATURE?

Sans contredit, le fait d’avoir plaidĂ© devant les tribunaux sur une base rĂ©guliĂšre Ă  raison de 2 Ă  3 fois par semaine m’a grandement prĂ©parĂ© Ă  mes fonctions de juge. J’Ă©tais familiĂšre avec les salles d’audience. Aussi, en pratique familiale, je rĂ©digeais les procĂ©dures, des opinions et avait un contact Ă©troit avec les clients. J’ai toujours pratiquĂ© mon mĂ©tier d’avocate avec ardeur et passion. J’adorais plaider, mais avant tout, je tentais d’ĂȘtre Ă  l’Ă©coute du client dans sa quĂȘte d’une solution lui permettant de regarder l’avenir avec optimisme. Ce fut lĂ  mon principal objectif de la pratique familiale. L’expĂ©rience de la Cour et la rencontre des gens m’ont certainement aidĂ© Ă  accomplir mes fonctions de juge et Ă  me rappeler quotidiennement ce que les justiciables attendent des juges.

QUELS CONSEILS DONNERIEZ-VOUS AUX JURISTES QUI SE PRÉSENTENT DEVANT VOUS?

Plus que jamais, un bon avocat ou avocate doit faire partie des solutions dans le cadre de la recherche du meilleur intĂ©rĂȘt des justiciables. Il ne faut pas agir Ă  titre de perroquet de son client et les prĂ©parer adĂ©quatement quant aux forces et les faiblesses de leur dossier. Le conseil le plus judicieux est de connaĂźtre son dossier Ă  fond. Se prĂ©parer, dans la mesure du possible, Ă  toutes Ă©ventualitĂ©s. Enfin, il est important d’ĂȘtre respectueux, tant envers la Cour qu’envers ses adversaires.

QUE SOUHAITEZ-VOUS QUE LE PUBLIC SACHE AU SUJET DU SYSTÈME DE JUSTICE?

Je suis fiĂšre de faire partie du systĂšme de justice canadien. Je crois fermement en notre magistrature indĂ©pendante et impartiale. Le travail des juges ne se limite pas Ă  entendre des dossiers. On procĂšde Ă  la recherche juridique, on cherche Ă  faire Ă©voluer le droit et ce qu’il a de plus important, rendre justice de façon Ă©quitable pour les justiciables qui attendent parfois de long mois avant d’ĂȘtre entendu. Pendant la pandĂ©mie, les juges ont dĂ» s’adapter et procĂ©der Ă  un virage numĂ©rique rapidement afin de minimiser le retard et continuer d’entendre les justiciables.