L’honorable Lori Anne Thomas

LThomas.jpegQuel parcours vous a mené au droit puis à la magistrature?

J’ai Ă©tudiĂ© la psychologie Ă  l’universitĂ© parce que je voulais devenir psychologue, mais ça n’a pas marchĂ©. On m’a ensuite offert un emploi chez Harlequin et je me suis dit que je ferais le mĂŞme salaire si je terminais mes Ă©tudes – sauf que j’aurais d’Ă©normes dettes. C’Ă©tait difficile pour moi de l’accepter, mais j’ai finalement dĂ©cidĂ© de travailler. Heureusement, quelqu’un chez Harlequin m’a fortement encouragĂ©e Ă  envisager une carrière en droit et m’a suggĂ©rĂ© de me renseigner sur la possibilitĂ© de m’inscrire dans une facultĂ© de droit en tant qu’Ă©tudiante adulte. J’ai fini par ĂŞtre admise Ă  Osgoode Hall, mais je ne me suis pas inscrite tout de suite. Je voulais d’abord m’acquitter de chaque dollar de la dette que j’avais Ă  ce moment-lĂ , parce que ça aurait Ă©tĂ© trop lourd de m’endetter autant.

Mon diplĂ´me en poche, je me suis jointe au cabinet Lafontaine & Associates, oĂą j’exerçais comme criminaliste. Mes collègues Ă©taient fantastiques, et j’ai travaillĂ© sur des dossiers importants. Après sept ans au cabinet, j’Ă©tais Ă  mon aise dans l’exercice du droit. Je comprenais les aspects commerciaux de la gestion d’un cabinet, et j’avais le sentiment qu’il Ă©tait temps pour moi de me faire une renommĂ©e. J’ai donc donnĂ© Ă  mon employeur un prĂ©avis de six mois, et j’ai commencĂ© Ă  exercer Ă  titre autonome en janvier 2016.

J’ai commencĂ© Ă  envisager la possibilitĂ© de devenir juge lorsqu’un de mes amis, le juge Nyron Dwyer, a Ă©tĂ© nommĂ© Ă  la magistrature. Il m’a parlĂ© du processus de nomination et du type de personne qu’ils recherchaient : des gens de tempĂ©rament Ă©quilibrĂ©, qui s’impliquent dans la communautĂ© juridique et en tant que bĂ©nĂ©voles. Des choses que, selon lui, je faisais naturellement. Ă€ son avis, ce rĂ´le Ă©tait fait pour moi. Mais j’ai eu du mal Ă  faire le saut. J’aimais beaucoup mon travail et j’aimais la libertĂ© dont jouissent les avocats de la dĂ©fense, surtout s’ils sont leur propre patron. Finalement, quelqu’un m’a convaincue en me disant : « Pense aux personnes que tu as aidĂ©es en tant qu’avocate et Ă  la frustration que tu as ressentie quand tu n’as pas pu les aider. Pense maintenant Ă  ce que tu pourrais faire comme juge. » Cette personne avait raison : je peux aider bien davantage en Ă©tant juge. Certains procès durent une semaine entière, mais je peux Ă©couter un plaidoyer et avoir une conversation avec quelqu’un qui avait le sentiment jusque-lĂ  qu’on ne l’avait pas entendu. Je peux essayer de comprendre les gens qui se prĂ©sentent devant moi. J’ai fini par poser ma candidature en fĂ©vrier 2020 et j’ai reçu l’appel le 8 octobre 2020. En fin de compte, c’est un travail fantastique. Et je n’ai pas Ă  courir après les clients pour qu’ils me payent, ce qui est bien!

Quelle expérience de votre carrière juridique vous a le mieux préparé à votre travail au sein de la magistrature?

J’Ă©crivais beaucoup quand j’Ă©tais avocate plaidante. Ça m’aidait Ă  formuler mes pensĂ©es et Ă  juxtaposer les faits et la loi. C’est important d’ĂŞtre Ă  l’aise avec l’Ă©criture, car c’est une partie essentielle du travail des juges.

C’est très important aussi de faire du bĂ©nĂ©volat et de redonner Ă  la collectivitĂ©, que ce soit en qualitĂ© de juriste ou non. On doit comprendre les gens qu’on sert. J’ai siĂ©gĂ© au conseil d’administration de la Criminal Lawyers’ Association et j’ai Ă©tĂ© prĂ©sidente de la Canadian Association of Black Lawyers. J’ai aussi fait du bĂ©nĂ©volat pour la fondation Out of the Cold, ce qui m’a beaucoup aidĂ©e Ă  comprendre la situation des gens qui ont du mal Ă  joindre les deux bouts. J’ai pu les rencontrer et entendre ce qu’ils vivaient, comment ils le vivent, ce qu’ils faisaient, s’ils avaient un endroit oĂą dormir cette nuit-lĂ . Quand on interagit avec sa communautĂ© et avec le public, on comprend mieux l’aide qu’on peut apporter. Les juges sont des fonctionnaires, au service de la population. Une fois qu’on a compris ça, on devient un meilleur juge.

Quel conseil donneriez-vous aux juristes qui se présentent devant vous?

Je suis encore assez nouvelle dans ce poste, mais je dirais que les juristes doivent se rappeler la raison pour laquelle ils sont lĂ . Il n’est pas question d’ego ou de personnalitĂ©. Il est exclusivement question de la cause et des vies affectĂ©es par cette cause. Il est question de connaĂ®tre les faits et le droit. Cela dit, les juristes qui ont comparu devant moi Ă©taient très bons.

Que souhaitez-vous que le public sache au sujet du système de justice?

L’objectif de tous dans le système de justice est de garantir l’Ă©quitĂ©. L’Ă©quitĂ© signifie que le point de vue de chacun et de chacune a Ă©tĂ© entendu. Si on vous accuse, vous serez protĂ©gĂ© par le principe du doute raisonnable. Si vous ĂŞtes une victime, un plaignant ou un tĂ©moin, vous serez respectĂ©, votre tĂ©moignage sera entendu et vous pourrez tĂ©moigner sans crainte d’ingĂ©rence ou d’intimidation. L’Ă©quitĂ© signifie Ă©galement que les avocats et les avocates font de leur mieux pour obtenir le meilleur rĂ©sultat possible, dans le respect des règles de dĂ©ontologie et sur la base d’une bonne comprĂ©hension de leur rĂ´le. Cela vaut Ă©galement pour les juges. Enfin, il y a le dĂ©vouement du personnel des tribunaux, qui assurent la fluiditĂ© du fonctionnement de la justice.

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