L’honorable Christine Gagnon

Quel a été votre cheminement dans le monde du droit et dans la magistrature?

Quand j’Ă©tais jeune, j’ai vĂ©cu de nombreuses expĂ©riences oĂą je me suis rĂ©voltĂ© contre l’injustice. Je ne savais pas d’oĂą cela me venait, mais c’Ă©tait quelque chose que je devais faire. Bien que j’aie cette propension naturelle Ă  la justice, je ne suis pas allĂ©e directement Ă  la facultĂ© de droit lorsque j’ai obtenu mon diplĂ´me du cĂ©gep Ă  QuĂ©bec. J’ai essayĂ© diffĂ©rents programmes et occupĂ© divers emplois pour acquĂ©rir de l’expĂ©rience de vie et pour m’assurer que c’Ă©tait ce que je voulais vraiment faire.

La dĂ©cision la plus importante que j’ai prise dans ma vie a Ă©tĂ© de changer complètement de trajectoire après treize ans de pratique juridique au QuĂ©bec et de tout laisser derrière moi pour vivre ma vie au Nunavut, oĂą j’ai dĂ©mĂ©nagĂ© avec mon conjoint et mes deux enfants afin d’occuper le poste de procureure de la Couronne. Au Nunavut, j’ai appris Ă  connaĂ®tre un peuple fier et rĂ©silient, et une terre Ă  la fois robuste, magnifique et impitoyable. Je me suis rendu compte que je ne connaissais rien Ă  la vie et j’ai appris Ă  m’ouvrir l’esprit. En tout, j’ai passĂ© vingt ans dans l’Arctique, entre le Nunavut et les Territoires du Nord-Ouest, et douze ans comme juge de la Cour territoriale des Territoires du Nord-Ouest. Je savais que je voulais ĂŞtre juge lorsque j’ai commencĂ© Ă  analyser la façon dont les juges se comportaient, et j’ai commencĂ© Ă  rĂ©flĂ©chir Ă  ce que je pourrais apporter Ă  ce poste. Je savais aussi qu’en raison des connaissances que j’avais acquises sur le Nord, c’Ă©tait le seul endroit oĂą exercer la profession de juge avait du sens pour moi.

Quel conseil donneriez-vous aux juristes qui se présentent devant vous?

J’aimerais vous faire part d’une expĂ©rience qui a changĂ© ma vie en tant que procureure. J’ai rencontrĂ© une tĂ©moin avant un procès devant jury. Je savais que cette personne avait des difficultĂ©s cognitives, et je m’attendais Ă  ce qu’elle passe un mauvais moment lors du contre-interrogatoire. J’ai donc prĂ©vu des rencontres rĂ©gulières avec elle. Un après-midi, elle m’a regardĂ© et elle m’a dit : « Pouvons-nous simplement parler? » Elle a donc parlĂ© et j’ai Ă©coutĂ©. Elle m’a racontĂ© sa vie, son enfance au Nunavut, l’abus qu’elle a subi quand elle Ă©tait enfant. Nous n’avons pas parlĂ© de la cause, mais, en l’Ă©coutant, j’ai pu comprendre son processus mental et, plus important encore, ses rĂ©fĂ©rences. Grâce Ă  ce processus, elle a appris Ă  me faire confiance et j’ai appris Ă  communiquer avec elle au-delĂ  des obstacles culturels et linguistiques. Ce que j’ai appris de cette femme, c’est l’importance d’Ă©couter avec un esprit ouvert.