La Cour d’appel de l’Alberta clarifie le critère pour les jugements sommaires

  • 02 mai 2019
  • Courtney Kachur et Josh Fraese

Le 6 février 2019, la Cour d’appel de l’Alberta a publié son arrêt Weir-Jones Technical Services Incorporated v Purolator Canada Ltd., 2019 ABCA 49 dans lequel cinq juges ont clarifié le critère applicable aux jugements sommaires dans cette province.  

Règle applicable

Les paragraphes suivants de la Règle 7.3 des Alberta Rules of Court, Alta.Reg. 124/2010, portent sur le jugement sommaire.

[TRADUCTION]

7.3(1) Une partie peut demander à la Cour de rendre un jugement sommaire à l’égard de toute ou d'une partie de sa demande pour un ou plusieurs des motifs suivants :

  1. l’absence de défense face à une demande, en tout ou en partie;
  2. l’absence de bien-fondé d’une demande, en tout ou en partie;
  3. la seule véritable question est celle du montant devant être accordé.

Contexte historique

Cet arrêt était attendu de longue date en Alberta étant donné qu’avant la décision Weir-Jones, la Cour d’appel de l’Alberta faisait face à deux courants de jurisprudence opposés concernant la norme de preuve à laquelle la partie qui présente une requête doit satisfaire. Le nouveau courant de jurisprudence postérieur à l’arrêt Hryniak imposerait une norme inférieure pour les demandes de jugement sommaire à celles utilisées en Alberta par le passé. Ce nouveau courant de jurisprudence a été adopté par la majorité des juges de la Cour d’appel dans l’affaire Weir-Jones avec de considérables répercussions pour les requêtes en jugement sommaire en Alberta comme on le verra plus loin. Toutefois, la décision concordante de monsieur le juge Wakeling contient un long plaidoyer érudit en faveur de la poursuite de l’emploi de l’ancien courant de jurisprudence (et de continuer à imposer des exigences supérieures pour les requêtes en jugement sommaire). Les interactions entre les motifs relativement pragmatiques rédigés par la majorité et le long historique juridique déployé dans la décision concordante constituent une fascinante étude de l’évolution de la procédure civile et illustrent les tensions majeures qui existent entre le respect des décisions des tribunaux supérieurs (stare decisis) et les questions connexes aux dépens, à l’accès à la justice et d’autres enjeux pratiques.

Tous les membres de la Cour convenaient que le fardeau juridique et probatoire demeure à la charge de la partie requérante. Le siège de leur désaccord était la norme de preuve à laquelle la partie requérante doit satisfaire, qu’il s’agisse de la rigoureuse norme visant à établir que sa position est « inattaquable » ou de la norme plus souple de l’absence de « véritable question litigieuse méritant un procès ». La partie requérante doit tout d’abord s’acquitter de ce fardeau de présentation avant que la partie défenderesse ne doive établir les raisons pour lesquelles un procès est nécessaire.

Dans la décision 330626 Alberta Ltd. v Ho and Laviolette Engineering Ltd., 2018 ABQB 478, face à des critères de rechange pour les jugements sommaires, le juge Feehan a indiqué [traduction] « il serait utile que la Cour d’appel, dans une formation comprenant cinq juges, règle cette question une fois pour toutes dans un proche avenir » [paragraphes 39-41]; un défi que cette dernière a relevé dans l’affaire Weir-Jones.

Les deux décisions

Monsieur le juge Slatter a exprimé en 18 pages la décision de la majorité, à laquelle monsieur le juge en chef Fraser, monsieur le juge Watson et madame la juge Strekaf ont souscrit. Monsieur le juge Wakeling, qui a rédigé l’arrêt Beier, fréquemment cité comme le point de départ de la division de la Cour d’appel quant au critère pour le jugement sommaire avec l’introduction du critère de la « position inattaquable », a rédigé ses propres raisons concordantes longues de 60 pages dans l’affaire Weir-Jones.

Poursuivre la lecture de cet article disponible uniquement en anglais.