RĂ©gler les litiges fiscaux

  • 18 juin 2021
  • Rebecca D. Loo et Robert G. Kreklewetz

Les règlements constituent un aspect important de l’administration et de l’application des mesures fiscales puisqu’il serait onĂ©reux et peu pratique de toujours se tourner vers les tribunaux pour trancher les questions qu’ils soulèvent. Lorsqu’ils entament des pourparlers en vue d’un règlement, les contribuables doivent examiner un certain nombre de facteurs, y compris le genre de règlement qui est exĂ©cutoire Ă  l’Ă©gard du ministre, et les possibles consĂ©quences financières de l’acceptation ou du refus d’une offre de règlement.

La CAF affirme depuis longtemps que le ministre du Revenu ne peut pas ĂŞtre liĂ© par les « règlements Ă  l’amiable » (Galway v. MNR, [1974] 1 FC 600 (CA) et CIBC World Markets Inc. c. La Reine, 2012 CAF 3). Pour ĂŞtre valide, on doit en arriver Ă  une entente de règlement sur la base de principes et elle doit pouvoir ĂŞtre justifiĂ©e du point de vue des faits et du droit. Un « règlement Ă  l’amiable » est un règlement fondĂ© sur un compromis arbitraire concernant les questions ou le montant, qui ne reflète pas l’application du droit aux faits. Ainsi, si la seule question est celle de savoir si une fourniture particulière est assujettie Ă  la TPS/TVH, un règlement dans le cadre duquel le ministre du Revenu accepte de rĂ©duire de moitiĂ© la cotisation serait un règlement Ă  l’amiable. Il s’agit d’une question Ă  laquelle la rĂ©ponse est claire : la fourniture est exonĂ©rĂ©e ou elle ne l’est pas. Par consĂ©quent, un règlement portant le paiement de la moitiĂ© ne serait pas fondĂ© sur un principe. Le rĂ©sultat n’aurait pas pu dĂ©couler d’une dĂ©cision judiciaire sur ce point.

Il faut Ă©galement tenir compte du fait que mĂŞme en l’absence d’une entente de règlement, les offres de règlement peuvent avoir des rĂ©percussions importantes en ce qui a trait aux consĂ©quences financières pour les parties. Les règles 147(3.1) et (3.2) des Règles de la Cour canadienne de l’impĂ´t (procĂ©dure gĂ©nĂ©rale) autorisent une partie Ă  recouvrer des dĂ©pens indemnitaires substantiels (dĂ©finis comme correspondant Ă  80 % des dĂ©pens Ă©tablis sur une base procureur et client) une fois la date de son offre de règlement Ă©chue, si la partie obtient une dĂ©cision au moins aussi favorable que les modalitĂ©s du règlement.

Toutefois, dans l’arrĂŞt McKenzie c. La Reine, (2012 CCI 329), la Cour canadienne de l’impĂ´t a affirmĂ© qu’aux fins de l’accord de dĂ©pens majorĂ©s, une offre de règlement doit proposer « une certaine part de compromis » (Ă  ne pas confondre avec un règlement Ă  l’amiable tel que susmentionnĂ©). Cela signifie qu’un contribuable ne peut pas se borner Ă  faire une offre de règlement dans laquelle il ne renonce pas Ă  une partie de sa demande (proposer que l’autre partie renonce Ă  son appel, la seule « offre » Ă©tant de ne pas chercher Ă  obtenir des dĂ©pens), puis se fonder sur cette offre pour obtenir des dĂ©pens indemnitaires substantiels si l’offre est refusĂ©e et l’appel ultĂ©rieurement accueilli par la Cour. En revanche, dans son arrĂŞt Compagnie d’assurance Standard Life du Canada c. La Reine, (2015 CCI 138), la CCI a suggĂ©rĂ© que le vaste principe Ă©noncĂ© dans l’arrĂŞt McKenzie devrait ĂŞtre interprĂ©tĂ© de manière plus restrictive en fonction des faits de l’espèce. Il pourrait par consĂ©quent ĂŞtre possible qu’une simple renonciation aux dĂ©pens constitue une offre de règlement en bonne et due forme aux fins de la demande de dĂ©pens indemnitaires substantiels, particulièrement lorsque les faits n’amènent pas la Cour Ă  se demander si l’offre est utilisĂ©e pour circonvenir les règles et considĂ©rations ordinaires applicables au moment de l’octroi des dĂ©pens. La question demeure en suspens. L’article rĂ©digĂ© par Derrick Hosanna et Erica Hennessey paru dans la Revue fiscale canadienne en 2020 entre plus avant dans les dĂ©tails.

Les contribuables pourraient rencontrer des difficultĂ©s lorsqu’ils tentent de concevoir une offre de règlement qui contient une part de compromis tout en Ă©tant fondĂ©e sur des principes, particulièrement dans les affaires oĂą il n’y a pas place pour l’interprĂ©tation, ce qui est frĂ©quemment le cas en matière fiscale. Le règlement pourrait alors ĂŞtre plus viable lorsque la nouvelle cotisation comprend de multiples enjeux. Un règlement pourrait alors permettre Ă  un contribuable et au ministre d’avoir chacun gain de cause Ă  l’Ă©gard de certains points prĂ©sentĂ©s respectivement. Pour dĂ©couvrir d’autres facteurs pouvant former la base d’un règlement, veuillez lire l’article intitulĂ© « All About Settlements » dans le rapport de la confĂ©rence 2019 de la FCF. Ces limitations se traduisent probablement malgrĂ© tout par un nombre de règlements infĂ©rieur Ă  ce qui serait souhaitable. La CCI serait peut-ĂŞtre bien avisĂ©e de revoir ses règles Ă  la lumière de cette jurisprudence.


On peut communiquer avec Rebecca D. Loo et Robert G. Kreklewetz, du cabinet Millar Kreklewetz LLP Ă  Toronto, en Ă©crivant respectivement Ă  rdl@taxandtradelaw.com et rgk@taxandtradelaw.com.