Protection de la vie privée et liberté d’information

L’article 16 de la Convention protège les enfants contre les immixtions arbitraires ou illĂ©gales dans leur vie privĂ©e, leur famille, leur domicile ou leur correspondance, ainsi que contre les attaques illĂ©gales Ă  leur honneur et Ă  leur rĂ©putation. Il s’agit d’un droit robuste Ă  la protection de la vie privĂ©e qui n’est que partiellement reflĂ©tĂ© dans l’article 8 de la Charte canadienne et qui recoupe frĂ©quemment les autres droits confĂ©rĂ©s Ă  l’enfant tels que les droits Ă  la participation, Ă  l’information, Ă  l’Ă©ducation et Ă  la santĂ©.

La Convention relative aux droits de l’enfant des Nations Unies (« la Convention ») confirme que les enfants ont droit Ă  la protection de leur vie privĂ©e en conformitĂ© avec les protections confĂ©rĂ©es par d’autres instruments internationaux relatifs aux droits de la personne. Ce droit est Ă©troitement liĂ© Ă  d’autres droits civils Ă©noncĂ©s dans la Convention, entre autres, le droit Ă  la libertĂ© d’expression et de pensĂ©e et le droit Ă  l’information en provenance de diverses sources, de mĂŞme qu’aux droits accordĂ©s aux enfants par la Charte au Canada, notamment Ă  l’article 7.

Les enfants ont besoin de cette protection, car leurs droits sont susceptibles d’ĂŞtre violĂ©s de multiples façons, par exemple :

  • En ligne : corruption d’enfants, pornographie enfantine, harcèlement et intimidation, exploitation commerciale du jeu des enfants en ligne, forage des donnĂ©es sur l’empreinte des enfants en ligne.
  • Hors ligne : intĂ©rĂŞts de vie privĂ©e Ă  la maison, Ă  l’Ă©cole, au travail, en Ă©tablissement et au sein d’institutions, dont les tribunaux.

Les violations hors ligne passent souvent inaperçues dans le déluge de menaces à la vie privée qui déferlent en ligne, et de réactions législatives et politiques correspondantes qui dénoncent ou exposent de façon sensationnaliste les risques auxquels les enfants et les adolescents sont exposés sur Internet.

Au Canada, il y a eu peu de redressements pour les atteintes Ă  la vie privĂ©e en common law. Cependant, plusieurs redressements d’origine lĂ©gislative ont Ă©tĂ© instituĂ©s, notamment :

Dans d’autres pays, il y a eu des tentatives de protection de la vie privĂ©e des enfants par voie lĂ©gislative, par exemple :

Les avocats canadiens peuvent contribuer de façon considĂ©rable Ă  donner effet au droit des enfants et des adolescents Ă  la protection de la vie privĂ©e, en Ă©tant vigilants face Ă  l’Ă©tendue et Ă  la polyvalence de l’analyse de ce droit dans le contexte des violations d’autres droits des enfants, et en interprĂ©tant et appliquant le droit Ă  la protection de la vie privĂ©e confĂ©rĂ© par la Convention en se fondant sur une analyse intersectorielle qui tient compte, par exemple, des droits Ă  l’Ă©ducation et Ă  la santĂ©, Ă  la libertĂ© d’information, Ă  la libertĂ© d’expression ou d’autres droits.

Droit international

Convention :

Article 16

  1. Nul enfant ne fera l’objet d’immixtions arbitraires ou illĂ©gales dans sa vie privĂ©e, sa famille, son domicile ou sa correspondance, ni d’atteintes illĂ©gales Ă  son honneur et Ă  sa rĂ©putation.
  2. L’enfant a droit Ă  la protection de la loi contre de telles immixtions ou de telles atteintes.

Article 17

Les États parties reconnaissent l’importance de la fonction remplie par les mĂ©dias et veillent Ă  ce que l’enfant ait accès Ă  une information et Ă  des matĂ©riels provenant de sources nationales et internationales diverses, notamment ceux qui visent Ă  promouvoir son bien-ĂŞtre social, spirituel et moral ainsi que sa santĂ© physique et mentale.

Ă€ cette fin, les États parties :

  1. encouragent les mĂ©dias Ă  diffuser une information et des matĂ©riels qui prĂ©sentent une utilitĂ© sociale et culturelle pour l’enfant et rĂ©pondent Ă  l’esprit de l’article 29;
  2. encouragent la coopĂ©ration internationale en vue de produire, d’Ă©changer et de diffuser une information et des matĂ©riels de ce type provenant de diffĂ©rentes sources culturelles, nationales et internationales;
  3. encouragent la production et la diffusion de livres pour enfants;
  4. encouragent les médias à tenir particulièrement compte des besoins linguistiques des enfants autochtones ou appartenant à un groupe minoritaire;
  5. favorisent l’Ă©laboration de principes directeurs appropriĂ©s destinĂ©s Ă  protĂ©ger l’enfant contre l’information et les matĂ©riels qui nuisent Ă  son bien-ĂŞtre, compte tenu des dispositions des articles 13 et 18.

Article 40

  1. Les États parties reconnaissent Ă  tout enfant suspectĂ©, accusĂ© ou convaincu d’infraction Ă  la loi pĂ©nale le droit Ă  un traitement qui soit de nature Ă  favoriser son sens de la dignitĂ© et de la valeur personnelle, qui renforce son respect pour les droits de l’homme et les libertĂ©s fondamentales d’autrui, et qui tienne compte de son âge ainsi que de la nĂ©cessitĂ© de faciliter sa rĂ©intĂ©gration dans la sociĂ©tĂ© et de lui faire assumer un rĂ´le constructif au sein de celle-ci.
  2. Ă€ cette fin, et compte tenu des dispositions pertinentes des instruments internationaux, les États parties veillent en particulier :
    […]
    (b) Ă  ce que tout enfant suspectĂ© ou accusĂ© d’infraction Ă  la loi pĂ©nale ait au moins le droit aux garanties suivantes :
    […]
    (vii) que sa vie privée soit pleinement respectée à tous les stades de la procédure.

L’article 16 doit ĂŞtre interprĂ©tĂ© dans le contexte d’autres droits civils et politiques Ă©noncĂ©s aux articles 13, 14 et 15 de la Convention, qui le prĂ©cèdent immĂ©diatement, et dans le contexte de l’article 17, qui n’a pas d’Ă©quivalent direct dans les traitĂ©s internationaux antĂ©rieurs sur les droits de la personne, mais qui Ă©mane Ă©galement du droit Ă  la libertĂ© d’expression garanti par l’article 19 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques (PIRDCP). Dans la Convention, ce droit est exprimĂ© sĂ©parĂ©ment et de façon plus vigoureuse, sous forme de droit de l’enfant Ă  la libertĂ© d’expression garanti Ă  l’article 13 et de droit de l’enfant Ă  la libertĂ© d’information Ă©noncĂ© Ă  l’article 17. Au-delĂ  du simple droit d’accès Ă  l’information et de communication de l’information, l’article 17 enjoint aux États parties de veiller Ă  ce que l’accès des enfants aux mĂ©dias favorise leur bien-ĂŞtre social, spirituel et moral ainsi que leur santĂ© physique et mentale.

Les droits Ă  la protection de la vie privĂ©e doivent ĂŞtre interprĂ©tĂ©s en conformitĂ© avec les principes gĂ©nĂ©raux de la Convention qui sont Ă©noncĂ©s aux articles 2, 3, 6 et 12 et avec les multiples autres droits dans lesquels les intĂ©rĂŞts de vie privĂ©e entrent frĂ©quemment en jeu, en particulier les articles 7, 8, 9, 10, 11, 19, 20, 21, 22, 23, 24, 26, 27, 28, 32, 33, 34, 35, 36, 37 et 40.

L’article 16 est libellĂ© en des termes presque identiques Ă  ceux des protections de la vie privĂ©e consacrĂ©es par d’autres instruments internationaux des droits de la personne tels que la DĂ©claration universelle des droits de l’homme, le Pacte international relatif aux droits civils et politiques, la Convention amĂ©ricaine relative aux droits de l’homme et le United States Bill of Rights.

Plus prĂ©cisĂ©ment, l’article 16 est une affirmation du droit Ă  la protection de la vie privĂ©e confĂ©rĂ© Ă  toute personne, y compris les enfants, et Ă©noncĂ© Ă  l’article 12 de la DĂ©claration universelle des droits de l’homme ainsi qu’Ă  l’article 17 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques, dont le libellĂ© est presque identique Ă  celui de l’article de la Convention. L’article 11 du Pacte de San Jose (la Convention amĂ©ricaine relative aux droits de l’homme) est rĂ©digĂ© dans le mĂŞme langage gĂ©nĂ©ral, mais les deux paragraphes oĂą les droits sont Ă©noncĂ©s dĂ©butent par l’affirmation suivante : « Toute personne a droit… », dans le premier cas, au respect de son honneur et Ă  la reconnaissance de sa dignitĂ©, et dans le deuxième, Ă  la protection de la loi contre de telles ingĂ©rences ou de telles attaques. Les tribunaux canadiens accordent aussi beaucoup d’attention Ă  la jurisprudence qui s’est constituĂ©e sous le rĂ©gime de la Convention europĂ©enne des droits de l’homme, qui affirme Ă  l’article 8 un droit Ă  la protection de la vie privĂ©e formulĂ© en des termes moins gĂ©nĂ©raux.

Sources d’interprĂ©tation

Jurisprudence

Il convient de prendre en compte les dĂ©cisions rendues en vertu de la Convention europĂ©enne des droits de l’homme, qui affirme, Ă  l’article 8, un droit Ă  la protection de la vie privĂ©e libellĂ© en des termes moins gĂ©nĂ©raux.

  • K.U. v. Finland, ECHR 2872/02 : L’affaire concernait des publications anonymes sur Internet exposant un garçon de 12 ans Ă  la prĂ©dation de pĂ©dophiles; la Cour a conclu que l’État avait omis de prendre des mesures suffisantes pour protĂ©ger les droits de l’enfant Ă  la protection de sa vie privĂ©e en vertu de la Convention europĂ©enne des droits de l’homme.
  • The Queen on the Application of HC (a child, by his litigation friend CC) v. The Secretary of State for the Home Department and Another, [2013] EWHC 982 (Admin) UK HCJ : La Cour a invalidĂ© une disposition lĂ©gislative britannique qui avait permis Ă  la police d’arrĂŞter et de dĂ©tenir un adolescent de 17 ans en tant qu’adulte, en violation des droits de l’article 8 Ă  la protection de la vie privĂ©e et des droits Ă  la protection de la vie familiale en vertu de la Convention europĂ©enne des droits de l’homme, interprĂ©tĂ©e Ă  la lumière des dispositions de la Convention relative aux droits de l’enfant.
  • Atala Riffo and daughters v. Chile, Cour interamĂ©ricaine des droits de l'homme, 24 fĂ©vrier 2012 : La Cour a jugĂ© que la soustraction des trois filles par l’État Ă  la garde de leur mère, Ă  la suite de la dĂ©cision de cette dernière de cohabiter avec sa partenaire de mĂŞme sexe, constituait une violation des droits des enfants Ă  la protection de leur vie privĂ©e et de leur vie familiale aux termes de l’article 11 de la Convention amĂ©ricaine relative aux droits de l’homme.

Droit canadien

Lois

Jurisprudence

La Cour suprĂŞme du Canada a frĂ©quemment commentĂ© le lien entre le droit Ă  la protection de la vie privĂ©e et le droit Ă  la libertĂ©. Ă€ cet Ă©gard, l’article 16 et l’article 17 de la Convention doivent souvent ĂŞtre interprĂ©tĂ©s par rĂ©fĂ©rence l’un Ă  l’autre, et Ă©galement par rĂ©fĂ©rence Ă  l’article 19 du PIRDCP, qui proclame le droit de toute personne Ă  la libertĂ© d’expression et qui dispose que « ce droit comprend la libertĂ© de rechercher, de recevoir et de rĂ©pandre des informations et des idĂ©es de toute espèce ».

  • A.B. c. Bragg Communications Inc., [2012] 2 R.C.S. 567, 2012 CSC 46 : Devrait-on faire une exception au principe de la publicitĂ© des dĂ©bats judiciaires pour permettre Ă  une enfant d’intenter une action en justice de façon anonyme afin d’obtenir la divulgation de l’identitĂ© de son cyberintimidateur? Oui. Les droits des jeunes Ă  la protection de la vie privĂ©e en vertu de la Convention et la nĂ©cessitĂ© de protĂ©ger les enfants contre la cyberintimidation prĂ©dominent. La Constitution protège la vie privĂ©e des enfants non seulement au moyen de leurs droits garantis aux articles 7 et 8 de la Charte, mais aussi en tant que principe de justice fondamentale en raison de la prĂ©somption de culpabilitĂ© morale moins Ă©levĂ©e, et cette protection favorise le respect de leur dignitĂ©, de leur intĂ©gritĂ© personnelle et de leur autonomie.
  • R. c. A.M., [2008] 1 R.C.S. 569, 2008 CSC 19 : L’utilisation de chiens renifleurs Ă  l’Ă©cole constitue-t-elle une violation de la vie privĂ©e d’un Ă©lève? Les adolescents ne s’attendent pas vraiment Ă  ce que leur vie privĂ©e Ă©chappe aux regards attentifs et aux fouilles de leurs parents, mais ils s’attendent Ă  ce que la police ne puisse pas, en se fondant sur des conjectures, procĂ©der au hasard Ă  l’examen du contenu de leurs sacs Ă  dos. L’utilisation de chiens renifleurs par la police peut ĂŞtre conforme Ă  la Charte si elle se fonde sur des soupçons raisonnables. Voir aussi : R. c. Kang-Brown, [2008] 1 R.C.S. 456, 2008 CSC 18.
  • R. c. M. (M.R.), [1998] 3 R.C.S. 393, 1998 CanLII 770 (CSC) : Les Ă©lèves ont une attente raisonnable en matière de vie privĂ©e Ă  l’Ă©cole; toutefois, l’attente des Ă©lèves pourra ĂŞtre moindre pendant qu’ils sont Ă  l’Ă©cole, ou qu’ils participent Ă  une activitĂ© scolaire, que dans d’autres circonstances.

Affaires supplémentaires

Ressources