Enfants autochtones

La situation des enfants autochtones est très diffĂ©rente de celle des enfants non autochtones sous les angles de la protection de l’enfance, de l’Ă©ducation, de la santĂ©, de la justice pĂ©nale, de l’identitĂ© culturelle, de la famille et des conditions Ă©conomiques et sociales; par consĂ©quent, l’exercice du droit dans bon nombre de ces domaines exige une comprĂ©hension de cette problĂ©matique.

(Voir la recommandation 27 de la Commission de vĂ©ritĂ© et rĂ©conciliation du Canada)

L’article 30 de la la Convention relative aux droits de l’enfant des Nations Unies (« la Convention ») et, de façon plus gĂ©nĂ©rale, la DĂ©claration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones (DNUDPA), les ordres juridiques et le droit autochtones, la Constitution et la Charte Ă©tablissent des protections spĂ©ciales qui se recoupent Ă  l’Ă©gard des enfants et adolescents autochtones habitant dans toutes les provinces et tous les territoires du Canada. Les enfants autochtones jouissent des mĂŞmes droits que tous les enfants et, Ă©galement, de droits qui leur sont propres, en raison des difficultĂ©s juridiques, sociales, Ă©conomiques, Ă©ducatives et sur le plan de la santĂ© auxquelles ils se heurtent en consĂ©quence de l’hĂ©ritage historique de leurs peuples.

La Loi sur le système de justice pĂ©nale pour les adolescents et diverses lois provinciales concernant la protection de l’enfance, le droit de la famille, les problèmes de santĂ© et de propriĂ©tĂ© ainsi que les testaments et les successions stipulent expressĂ©ment que les enfants, les familles, les territoires et les conseils de bande autochtones doivent ĂŞtre pris en considĂ©ration de façon distincte lors de l’application du droit canadien Ă  des situations relatives aux Autochtones. Les droits issus des traitĂ©s et les ententes sur les revendications territoriales sont Ă©galement applicables au règlement des litiges qui mettent en cause des enfants autochtones.

Il y a une distinction juridique et Ă©conomique entre les Autochtones qui vivent dans les rĂ©serves et qui vivent hors rĂ©serve, de mĂŞme qu’entre ceux qui possèdent un statut reconnu et ceux qui n’en possèdent pas. Les biens matrimoniaux dans les rĂ©serves constituent un problème permanent qui est Ă©tudiĂ© dans divers forums juridiques. Il y a de nombreux groupes distincts d’enfants autochtones dans l’ensemble du Canada, chacun possĂ©dant une langue et des territoires propres Ă  son peuple respectif. Des droits linguistiques sont Ă©galement confĂ©rĂ©s aux enfants autochtones et l’on s’emploie, dans de nombreuses collectivitĂ©s, Ă  ressusciter l’enseignement des langues autochtones dans les Ă©coles publiques.

L’Ă©ducation offre une valeur commune et partagĂ©e aux enfants autochtones et elle est une composante clĂ© de la rĂ©conciliation. Les pĂ©dagogies autochtones peuvent ĂŞtre très diffĂ©rentes des mĂ©thodes d’enseignement non autochtones et peuvent, par exemple, nĂ©cessiter un apprentissage expĂ©rientiel pratique ainsi que reposer sur la tradition orale. En outre, les peuples autochtones ont un fort sentiment historique et culturel de responsabilitĂ© envers l’environnement et les obligations sont transmises aux enfants dans le cadre de cĂ©rĂ©monies et protocoles autochtones. Le bien-ĂŞtre des gĂ©nĂ©rations futures, notamment des enfants, exerce une forte influence sur la dĂ©termination des obligations juridiques que les collectivitĂ©s ont l’une envers l’autre, ainsi qu’Ă  l’Ă©gard de leurs terres et de leurs ressources. Les territoires et les pratiques de chasse et de pĂŞche sont Ă©galement rĂ©gis par les lois canadiennes, compte tenu des considĂ©rations spĂ©ciales relevant des droits autochtones.

Le lourd hĂ©ritage du colonialisme, les traitĂ©s et les revendications territoriales, le système des pensionnats autochtones et la « rafle des annĂ©es 1960 » ont dĂ©truit les systèmes juridiques des Autochtones, leurs pratiques culturelles, leurs structures sociales et leurs familles, dans leurs collectivitĂ©s des zones tant rurales qu’urbaines. La marginalisation sociale et Ă©conomique par rapport aux cultures canadiennes, de concert avec la perte d’identitĂ©, a crĂ©Ă© un climat de grande vulnĂ©rabilitĂ© qui affecte des collectivitĂ©s entières et, en particulier, les enfants autochtones. Les enfants autochtones sont considĂ©rablement surreprĂ©sentĂ©s dans le système de protection de l’enfance. Il y a aussi une surreprĂ©sentation des Autochtones dans les prisons. Des soins de santĂ© physique et mentale doivent ĂŞtre dispensĂ©s compte tenu de ce contexte, alors que les traumatismes intergĂ©nĂ©rationnels continuent encore aujourd’hui Ă  hanter les collectivitĂ©s et les enfants autochtones. Les effets de la soustraction des enfants Ă  leurs familles, Ă  leurs collectivitĂ©s et Ă  leurs territoires se feront sentir chez les Autochtones, aussi bien que chez les non-Autochtones, partout au Canada alors que se poursuivra le dĂ©ploiement d’efforts pour chercher des moyens de guĂ©rison afin de surmonter ce legs. Le suicide, l’incarcĂ©ration, les drogues et l’alcool et les troubles de santĂ© mentale ont tous fait payer un lourd tribut aux enfants autochtones. Le nombre de femmes et de jeunes filles autochtones disparues ou assassinĂ©es est consternant.

Vu cette situation, il est essentiel que les enfants autochtones se voient offrir la possibilitĂ© de maintenir et de faire s’Ă©panouir de solides liens avec leurs propres familles, leurs familles Ă©largies, leurs collectivitĂ©s ainsi que leurs pratiques culturelles et spirituelles, et ce, dans toute la mesure possible. Les peuples autochtones ont fait preuve d’un courage, d’une rĂ©silience et d’une rĂ©sistance immenses. La confiance, toutefois, n’est pas toujours facile Ă  Ă©tablir. Les praticiens et les tribunaux qui appliquent les lois aux enfants autochtones ont la responsabilitĂ© d’Ă©couter, ainsi que de comprendre des enjeux qui ont pour les enfants autochtones une tout autre signification que pour les enfants non autochtones.

(Voir le rapport de la Commission de vĂ©ritĂ© et rĂ©conciliation, de mĂŞme que le rapport du juge Gove sur la protection des enfants en Colombie-Britannique (1995) : Report of the Gove Inquiry into Child Protection in British Columbia: Matthew’s LegacyVolume 1, Vancouver (Colombie-Britannique), p. 24-25.)   

Qui sont les enfants autochtones au Canada? 

Traditionnellement, les groupes autochtones se diffĂ©rencient souvent selon leur langue ainsi que leurs ancĂŞtres hĂ©rĂ©ditaires et territoires. Il y a des centaines de groupes autochtones dans l’ensemble du pays. Cependant, les grands groupes suivants sont ceux auxquels on fait couramment rĂ©fĂ©rence Ă  des fins juridiques au Canada.

Les enfants des Premières Nations sont ceux qui ont le droit d’ĂŞtre inscrits au registre des Indiens et d’avoir le statut d’Indien en vertu de la Loi sur les Indiens au Canada. Ils peuvent vivre dans une rĂ©serve ou hors rĂ©serve. L’admissibilitĂ© des enfants au statut a Ă©voluĂ© depuis la première modification de la Loi en 1951, mais elle a Ă©tĂ© affligĂ©e par des dĂ©finitions imposĂ©es de l’identitĂ© et, en particulier, par une discrimination basĂ©e sur le sexe. Ce dernier problème s’est attĂ©nuĂ© par suite de l’issue des affaires McIvor v. Canada (Registrar of Indian and Northern Affairs), 2009 BCCA 153, et Descheneaux c. Canada (Procureur gĂ©nĂ©ral), 2015 QCCS 3555. Il a Ă©tĂ© conclu que la Loi, en limitant l’admissibilitĂ© de membres des Premières Nations Ă  la suite d’un mariage avec une personne n’ayant pas le statut d’Indien, violait les droits des femmes et des filles Ă  l’Ă©galitĂ© garantis Ă  l’article 15 de la Charte. La Loi modifiant la Loi sur les Indiens adoptĂ©e en 1985, familièrement appelĂ©e projet de loi C-31, a corrigĂ© la situation, et les enfants touchĂ©s par cette loi modificatrice s’emploient encore aujourd’hui Ă  rĂ©obtenir leur statut ou celui de leurs enfants ou de leurs petits-enfants. MĂŞme si ces contestations judiciaires ont entraĂ®nĂ© une modification des règles d’admissibilitĂ© au statut d’Indien, il y a encore des enfants qui, du fait de leurs lignĂ©es familiales historiques, ne peuvent pas obtenir ce statut Ă  cause des mariages contractĂ©s par leurs grands-parents ou leurs parents. Par consĂ©quent, la Loi sur les Indiens a Ă©tĂ© perçue comme Ă©tant un instrument restrictif lĂ©gifĂ©rant sur l’identitĂ©, et les avantages dont jouissent les Indiens inscrits ne sont pas Ă  la disposition de tous les enfants qui s’identifient comme Autochtones.

Aux termes de la Loi sur les Indiens, une personne a le droit d’ĂŞtre inscrite si au moins l’un de ses parents possède le statut d’Indien inscrit en vertu du paragraphe 6(1), ou si ses deux parents possèdent le statut d’Indien inscrit en vertu du paragraphe 6(2). Puisque de nombreux Indiens inscrits ont perdu leur statut sous l’ancien rĂ©gime, il y a des enfants qui sont touchĂ©s par ce système complexe. Les pratiques juridiques autochtones dans l’ensemble du Canada possèdent leurs propres règles variĂ©es en ce qui concerne la famille et l’identitĂ©; ces règles ont tendance Ă  ĂŞtre inclusives plutĂ´t qu’exclusives, et Ă  permettre d’accueillir des enfants, en particulier, dans des clans ou groupes familiaux distincts, ayant des obligations et des rĂ´les sociaux et juridiques particuliers au sein de leur collectivitĂ©. La Loi sur les Indiens et les pratiques des cultures non autochtones ont perturbĂ© le sens de la lĂ©gitimitĂ© et de l’identitĂ© des enfants et des familles autochtones.

La Loi sur les Indiens coexiste avec certaines ententes conclues localement telles que la Convention dĂ©finitive des Inuvialuit et les Ententes dĂ©finitives avec les Premières Nations du Yukon. Cela offre aux groupes touchĂ©s la possibilitĂ© d’exercer leur souverainetĂ©, de fixer leurs propres règles d’appartenance et de prĂ©server ces règles pour les bĂ©nĂ©ficiaires futurs, mais jusqu’Ă  prĂ©sent, ces groupes sont demeurĂ©s assujettis aux dispositions de la Loi sur les Indiens.

Les enfants inuits vivent dans les rĂ©gions du Grand Nord ou de la cĂ´te Est. Les Inuits sont considĂ©rĂ©s comme des Indiens pour les besoins du paragraphe 91(24) de la Loi constitutionnelle de 1867 depuis la dĂ©cision rendue par la Cour suprĂŞme en 1939 dans le renvoi Reference whether Indians” includes Eskimo”, [1939] R.C.S. 104.

Les enfants innus sont souvent assimilĂ©s aux Inuits, mais les Innus sont considĂ©rĂ©s comme des Indiens en vertu de la Loi sur les Indiens depuis 2002.

Les enfants mĂ©tis sont dĂ©finis, pour les besoins de l’article 35 de la Charte, selon les facteurs de l’auto‑identification, des liens ancestraux et de l’acceptation par la communautĂ© (R. c. Powley, 2003 CSC 43). Les arrĂŞts Powley and Daniels contribuent Ă  la dĂ©finition des MĂ©tis et aident Ă  assurer que leur identitĂ© est reconnue par le Canada.

On obtient le statut de MĂ©tis en prĂ©sentant une demande Ă  l’une des organisations de MĂ©tis du Canada. Les demandes sont traitĂ©es et acceptĂ©es sur la base des liens avec des familles ou groupes historiques de MĂ©tis qui ont Ă©tĂ© reconnus comme tels sur la foi de la documentation de leur lignĂ©e, surtout Ă  partir de mariages religieux, et aussi de documents de la Compagnie de la Baie d’Hudson et de la Compagnie du Nord-Ouest.

Les enfants mĂ©tis, dans les Territoires du Nord-Ouest et dans d’autres rĂ©gions, ont Ă  leur disposition de nombreux groupes communautaires, conseils et sociĂ©tĂ©s qui les aident Ă  atteindre leurs buts juridiques, communautaires et politiques; chaque organisation est rĂ©gie par des règlements et une constitution officielle qui Ă©tablissent les critères relatifs Ă  l’appartenance et au droit de vote.

Sphères de compétence

La compĂ©tence constitutionnelle relative aux enfants autochtones au Canada relève gĂ©nĂ©ralement du gouvernement fĂ©dĂ©ral en vertu de la Loi constitutionnelle, de la Charte, de la Proclamation royale de 1763 et de la Loi sur les Indiens. Cependant, la compĂ©tence des provinces chevauche souvent celle du fĂ©dĂ©ral, ce qui crĂ©e de l’incertitude quant Ă  l’ordre de gouvernement qui a compĂ©tence sur les enfants autochtones. Les sommes affectĂ©es aux enfants autochtones dĂ©pendent du fait qu’ils vivent dans les rĂ©serves ou hors rĂ©serve et qu’ils sont inscrits ou non inscrits en vertu de la Loi sur les Indiens.

Des conflits de compétence peuvent surgir non seulement entre le fédéral et les provinces, mais aussi entre le droit autochtone et le droit non autochtone, et la question de la compétence joue souvent un rôle crucial dans le traitement inadéquat ou inégal des enfants autochtones.

Les lois du fédéral, des provinces, des territoires et des gouvernements locaux devraient respecter les droits des enfants autochtones à la fois expressément, par leur libellé, et implicitement, dans les interprétations qui en sont faites.

Le principe de Jordan : Le principe de Jordan est un principe qui met l’enfant au premier plan en matière de rĂ©solution des conflits de compĂ©tence entre les ordres de gouvernement et qui a Ă©tĂ© reconnu par les tribunaux. Lorsqu’un conflit de compĂ©tence survient Ă  propos du paiement ou de la fourniture de services Ă  un enfant des Premières Nations qui vit dans une rĂ©serve, le gouvernement ou le ministère qui a Ă©tĂ© sollicitĂ© en premier doit payer et fournir, sans dĂ©lai et sans perturbation, les services qui seraient habituellement Ă  la disposition des autres enfants au Canada; le litige au sujet de l’ordre de gouvernement responsable du paiement des services pourra ĂŞtre rĂ©solu ultĂ©rieurement par les administrations en cause. Une motion tendant Ă  l’adhĂ©sion au principe de Jordan a Ă©tĂ© adoptĂ©e Ă  l’unanimitĂ© par la Chambre des communes en 2007. Voir Ă©galement SociĂ©tĂ© de soutien Ă  l’enfance et Ă  la famille des Premières Nations du Canada, 2016 TCDP 2.”

Ordres juridiques et droit autochtones

Les ordres juridiques autochtones peuvent avoir une incidence sur les enfants autochtones, sur les processus dĂ©cisionnels qui les concernent et sur leurs droits. Ces droits, coutumes et pratiques d’ordre culturel reflètent les systèmes politiques et juridiques internes des groupes autochtones et ils se sont principalement formĂ©s avant les premiers contacts avec les EuropĂ©ens. Ils sont entièrement diffĂ©rents des notions occidentales du droit. Les pratiques juridiques autochtones ont Ă©tĂ© interdites pendant de nombreuses annĂ©es, sous peine d’incarcĂ©ration. Les lois canadiennes interdisaient aussi aux peuples autochtones de retenir les services d’un conseil juridique pour les reprĂ©senter dans la revendication de leurs territoires et de leurs droits issus des traitĂ©s. La rĂ©conciliation nĂ©cessite que les non-Autochtones, et les praticiens des milieux juridiques en particulier, soient conscients des enjeux, des langages et des dynamiques du pouvoir qui ont empĂŞchĂ© les peuples autochtones d’appliquer leurs propres lois et d’exercer leurs propres droits au nom de leurs enfants et de leurs jeunes.

Le Canada a le devoir d’Ă©couter et d’apprendre en ce qui concerne le droit autochtone, et ce, dans tous les ordres de gouvernement et Ă  tous les paliers des tribunaux; il a aussi le devoir de promouvoir activement la rĂ©intĂ©gration du droit autochtone dans tous les domaines du droit qui touchent les enfants autochtones, leurs familles et leurs collectivitĂ©s (commentaire du juge en chef de la Colombie-Britannique Lance Finch dans The Duty to Learn).

L’obligation de consulter les groupes autochtones Ă  propos de l’exploitation des ressources est bien Ă©tablie dans la jurisprudence canadienne. Les principes de l’arrĂŞt Gladue qui prennent en compte une analyse du contexte dans la dĂ©termination de la peine et les mesures destinĂ©es Ă  corriger la surreprĂ©sentation des Autochtones dans la population carcĂ©rale ont Ă©tĂ© largement appliquĂ©s en droit pĂ©nal. Les lois sur la pĂŞche reconnaissent que les Autochtones peuvent pĂŞcher Ă  des fins sociales et rituelles. Pour les enfants autochtones, il est de la plus grande importance que les avocats et les praticiens des milieux juridiques se familiarisent avec les outils juridiques internationaux, nationaux, autochtones et locaux pour faire en sorte que les droits qui sont propres Ă  ces enfants soient protĂ©gĂ©s.

Voir aussi l’arrĂŞt Nation Tsilhqot’in c. Colombie-Britannique, 2014 CSC 44, en ce qui a trait au non-empiètement des compĂ©tences fĂ©dĂ©rales-provinciales-territoriales sur la compĂ©tence des peuples autochtones.

Droit international

  • Articles de la Convention : 30 (Ă  noter : les pratiques culturelles ne sont pas protĂ©gĂ©es si elles sont jugĂ©es prĂ©judiciables Ă  la dignitĂ©, Ă  la santĂ© et au dĂ©veloppement de l’enfant), 29 (Ă©ducation), 5 (famille Ă©largie), 17 (utilitĂ© culturelle des mĂ©dias, besoins linguistiques), de mĂŞme que les principes directeurs : 
    • Article 2 : Non-discrimination – noter le chevauchement des sources de discrimination; nĂ©cessitĂ© pour les gouvernements de recueillir des donnĂ©es non regroupĂ©es; mesures positives d’Ă©limination de la discrimination.
    • Article 3 : IntĂ©rĂŞt supĂ©rieur de l’enfant – considĂ©rer Ă  la lumière des droits culturels et collectifs de l’enfant autochtone individuel, mais l’intĂ©rĂŞt supĂ©rieur collectif ne peut pas Ă©clipser l’intĂ©rĂŞt supĂ©rieur de l’enfant.
    • Article 6 : Vie, survie et dĂ©veloppement – respect des traditions et de la culture, respect du dĂ©veloppement harmonieux de l’enfant; Ă  noter : nombre dĂ©mesurĂ©ment Ă©levĂ© d’enfants autochtones vivant dans une pauvretĂ© extrĂŞme et taux Ă©levĂ©s de mortalitĂ© infantile et juvĂ©nile, qui nĂ©cessitent des mesures positives.
    • Article 12 : Participation – nĂ©cessitĂ© de la participation des collectivitĂ©s et des enfants autochtones Ă  l’Ă©laboration de lois, politiques et programmes adaptĂ©s Ă  la culture; le protocole peut exiger que des AĂ®nĂ©s soient Ă©galement entendus lorsque l’enfant est entendu dans sa propre langue. â€‹
  • DĂ©claration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones (DDPA) : PrĂ©ambule (Ă©ducation des enfants), articles 22 (attention spĂ©ciale accordĂ©e aux enfants et aux jeunes), 3 (autodĂ©termination), 7 (pas de transferts forcĂ©s d’enfants Ă  la garde d’autres groupes), 13 (connaissance de l’histoire, de la langue, des traditions orales, des Ă©crits), 14 (Ă©ducation dans sa propre culture et sa propre langue), 17 (protection contre l’exploitation Ă©conomique et les entraves Ă  l’Ă©ducation), 19 (consentement prĂ©alable donnĂ© librement et en connaissance de cause, avant la prise de mesures lĂ©gislatives ou administratives), 21 (propres systèmes/institutions politiques, Ă©conomiques et sociaux), 25, 26 et 32 (droit aux terres et aux ressources, responsabilitĂ© Ă  l’Ă©gard des gĂ©nĂ©rations futures), 31 (jouissance des cultures, coutumes, religions, langues; dĂ©veloppement des Ă©conomies et des institutions sociales et politiques), 43 (survie, dignitĂ© et bien-ĂŞtre).
  • Convention amĂ©ricaine relative aux droits de l’homme – article 11 du Pacte de San Jose, 1965, articles 2, 5.
  • Pacte international relatif aux droits civils et politiques, 1966, articles 1, 24, 26, 27.
  • Pacte international relatif aux droits Ă©conomiques, sociaux et culturels, 1966, articles 2, 10, 14, 15.
  • Convention n169 de l’Organisation internationale du travail, 1989, articles 28, 29.

Informations contextuelles additionnelles 

Sources d’interprĂ©tation

Jurisprudence

  • Mayagna (Sumo) Awas Tingni Community. v. Nicaragua, Inter-A. Ct. H.R. (ser. C) no 79 : Au paragraphe 140(d), la Cour affirme que bon nombre des droits Ă©noncĂ©s dans la DĂ©claration sur les droits des peuples autochtones ont atteint le statut de droit international coutumier, compte tenu de l’apparition progressive d’un consensus international sur le droit des peuples autochtones Ă  leurs territoires traditionnels.

Droit canadien

Les peuples autochtones du Canada possèdent un statut spĂ©cial et des droits uniques en vertu du droit canadien, du fait qu’ils occupaient et utilisaient initialement le territoire qui forme maintenant le pays, et l’honneur de la Couronne est en jeu dans toutes les interactions gouvernementales avec les peuples autochtones au Canada. Les droits ancestraux et issus des traitĂ©s sont protĂ©gĂ©s en vertu de l’article 35 de la Charte :

Les droits existants – ancestraux ou issus de traitĂ©s – des peuples autochtones du Canada sont reconnus et confirmĂ©s.

Un droit ancestral est une pratique, coutume ou tradition faisant partie intégrante de la culture distinctive du groupe autochtone qui revendique ce droit, et qui se situe dans la continuité des pratiques, coutumes et traditions qui avaient cours avant le premier contact avec les Européens.

La mĂ©decine traditionnelle est un exemple de coutume ou pratique traditionnelle qui a Ă©tĂ© reconnue comme Ă©tant un droit ancestral dans le cas d’un enfant (Hamilton Health Sciences Corp. v. D.H., 2014 ONCJ 603; 2015 ONCJ 229).

Les droits issus des traitĂ©s peuvent ĂŞtre Ă©noncĂ©s dans des traitĂ©s historiques (p. ex. les traitĂ©s numĂ©rotĂ©s) ou des traitĂ©s de l’Ă©poque moderne (p. ex. le TraitĂ© des Nisga’a). Les traitĂ©s historiques ne sont pas figĂ©s dans le temps (p. ex. les droits de chasse incluent aujourd’hui le droit Ă  une cabane de chasse moderne (R. c. Sundown, [1999] 1 R.C.S. 393).

Le paragraphe 91(24) de la Loi constitutionnelle de 1982 accorde au gouvernement fĂ©dĂ©ral « l’autoritĂ© lĂ©gislative exclusive » sur « les Indiens et les terres rĂ©servĂ©es pour les Indiens », dans les rĂ©serves et hors rĂ©serve.

Bien que le paragraphe 91(24) assigne au fĂ©dĂ©ral l’autoritĂ© lĂ©gislative exclusive sur les peuples autochtones, cette compĂ©tence n’est pas absolue et certaines questions chevauchent la compĂ©tence des provinces, ce qui crĂ©e de l’incertitude au sujet de l’ordre de gouvernement qui a compĂ©tence sur les enfants autochtones (p. ex., le Canada paye gĂ©nĂ©ralement pour les services dispensĂ©s aux enfants autochtones habitant dans les rĂ©serves, alors que les provinces payent pour ces services fournis hors des rĂ©serves, mais des conflits surgissent en ce qui concerne les enfants autochtones habitant hors rĂ©serve : le principe de Jordan est une procĂ©dure qui comble cette lacune dans le partage des compĂ©tences concernant le paiement des services dispensĂ©s aux enfants autochtones).

Des conflits de compétence surviennent non seulement entre le fédéral et les provinces, mais aussi entre le droit autochtone et non autochtone, et les questions de compétence jouent souvent un rôle crucial dans le traitement inadéquat ou inégal des enfants autochtones.

Les lois provinciales telles que les lois sur la protection de l’enfance stipulent que la culture, l’identitĂ© et le patrimoine autochtones doivent ĂŞtre pris en considĂ©ration dans le cadre du critère de l’intĂ©rĂŞt supĂ©rieur de l’enfant.

  • Loi constitutionnelle de 1867 – Le paragraphe 91(24) confère au gouvernement fĂ©dĂ©ral l’autoritĂ© lĂ©gislative exclusive sur « les Indiens et les terres rĂ©servĂ©es pour les Indiens ». 
  • Charte, 1982
    • Article 35 : les droits ancestraux (des Premières Nations, Inuits et MĂ©tis) et les droits issus de traitĂ©s sont protĂ©gĂ©s.
      • Un droit ancestral est une pratique, coutume ou tradition faisant partie intĂ©grante de la culture distinctive du groupe autochtone qui revendique ce droit, et qui se situe dans la continuitĂ© des pratiques, coutumes et traditions qui avaient cours avant le premier contact avec les EuropĂ©ens.
      • Les droits issus des traitĂ©s peuvent ĂŞtre Ă©noncĂ©s dans des traitĂ©s historiques (p. ex. les traitĂ©s numĂ©rotĂ©s) ou des traitĂ©s de l’Ă©poque moderne (p. ex. le TraitĂ© des Nisga’a).
      • Article 25 (rien dans la Charte ne porte atteinte aux droits ancestraux ou aux droits issus des traitĂ©s).
  • Loi sur les Indiens – s’applique aux enfants des premières Nations qui vivent dans les rĂ©serves au Canada; elle autorise le gouvernement fĂ©dĂ©ral Ă  rĂ©glementer et Ă  administrer la vie quotidienne des Indiens inscrits et des collectivitĂ©s des rĂ©serves, notamment dans les domaines de la gouvernance, de l’utilisation des terres, des soins de santĂ© et de l’Ă©ducation.

Application du droit canadien pour atteindre des objectifs autochtones

  • Les collectivitĂ©s autochtones peuvent avoir recours Ă  l’autonomie gouvernementale, aux pouvoirs dĂ©lĂ©guĂ©s ou Ă  d’autres mĂ©canismes pour instituer des dispositions rĂ©glementaires occidentales Ă  l’intention des enfants autochtones. Par exemple :
    • Le Règlement 3 de la nation Splatsin : il s’agit d’un règlement relatif aux soins des enfants indiens adoptĂ© en 1980 par la bande indienne de Spallumcheen, comme elle s’appelait Ă  l’Ă©poque, qui reflète les propres lois de cette nation quant aux soins Ă  donner aux enfants et qui reconnaĂ®t qu’il n’existe aucune ressource plus cruciale que les enfants pour la poursuite de l’existence et le maintien de l’intĂ©gritĂ© de la nation.
    • La loi de 2009 de la Première Nation Tsawwassen sur l’enfance et la famille : l’une des nombreuses lois de cette nation autonome nĂ©gociĂ©es dans le cadre d’un traitĂ© moderne.
    • La Cour de justice mohawk d’Akwesasne : rĂ©pond Ă  la volontĂ© de rendre justice selon les principes mohawks traditionnels.

Jurisprudence

SociĂ©tĂ© de soutien Ă  l’enfance et Ă  la famille des Premières Nations du Canada et al. c. Procureur gĂ©nĂ©ral du Canada (pour le ministre des Affaires indiennes et du Nord canadien), 2016 TCDP 2 : Les enfants des Premières Nations qui rĂ©sident dans des rĂ©serves ou qui rĂ©sident au Yukon reçoivent-ils des services Ă©quitables d’aide Ă  l’enfance? Non. Le tribunal a conclu que le gouvernement du Canada fait preuve de discrimination fondĂ©e sur la race Ă  leur Ă©gard en fournissant des fonds et des services de soutien de l’enfance inadĂ©quats et inĂ©quitables aux organismes de services Ă  l’enfance et Ă  la famille des Premières Nations. Cela incite Ă  retirer les enfants de leur milieu familial comme solution de premier, et non de dernier, recours. Le gouvernement a Ă©galement omis d’appliquer le principe de Jordan, au dĂ©triment des enfants des Premières Nations. Le tribunal a ordonnĂ© au gouvernement fĂ©dĂ©ral : (1) de mettre fin Ă  ses actes discriminatoires concernant les services Ă  l’enfance et Ă  la famille; (2) de modifier le Programme des services Ă  l’enfance et Ă  la famille des Premières Nations et l’Entente de 1965; (3) de cesser d’appliquer une dĂ©finition Ă©troite du principe de Jordan; (4) de prendre des mesures pour appliquer immĂ©diatement le principe de Jordan en lui donnant sa pleine portĂ©e et tout son sens.

Hamilton Health Sciences Corp. v. D.H., 2014 ONCJ 603; 2015 ONCJ 229 : Une fille de 11 ans appartenant Ă  la bande Six Nations of the Grand River peut-elle utiliser la mĂ©decine traditionnelle de sa culture après le retrait du consentement Ă  poursuivre la chimiothĂ©rapie? Oui. Ce choix a Ă©tĂ© contestĂ© par l’hĂ´pital administrant la chimiothĂ©rapie au motif que l’enfant n’avait pas la capacitĂ© requise pour prendre une dĂ©cision Ă©clairĂ©e, et qu’elle avait besoin de protection. La Cour a convenu que l’enfant n’avait pas une capacitĂ© adĂ©quate, mais elle a jugĂ© que le droit de la mère de prendre des dĂ©cisions Ă  la place de l’enfant et de choisir la mĂ©decine traditionnelle Ă©tait constitutionnellement protĂ©gĂ© par l’article 35 de la Charte, et que l’enfant n’avait pas besoin de protection dans l’exercice de ce droit. Dans un addenda Ă  la dĂ©cision, la Cour a affirmĂ© que la reconnaissance et l’application du droit de recourir Ă  une mĂ©decine traditionnelle doivent demeurer compatibles avec le principe voulant que l’intĂ©rĂŞt supĂ©rieur de l’enfant demeure primordial.

Conseil de la bande de Pictou Landing c. Canada (Procureur gĂ©nĂ©ral), 2013 CF 342 : Le principe de Jordan doit-il ĂŞtre pris en considĂ©ration lorsqu’une bande demande au Canada de rembourser des dĂ©penses engagĂ©es pour un enfant habitant dans une rĂ©serve? Oui. Le remboursement a Ă©tĂ© demandĂ© Ă  hauteur du maximum provincial mensuel de 2200 $ pour des frais exceptionnels engagĂ©s après que la mère d’un adolescent souffrant de dĂ©ficiences multiples eut Ă©tĂ© victime d’un accident vasculaire cĂ©rĂ©bral. Le principe de Jordan est un principe qui met de l’avant l’intĂ©rĂŞt de l’enfant et selon lequel le ministère, fĂ©dĂ©ral ou provincial, qui a Ă©tĂ© sollicitĂ© en premier pour un service gĂ©nĂ©ralement offert Ă  l’extĂ©rieur de la rĂ©serve doit en assumer le coĂ»t pendant qu’il cherche Ă  obtenir le remboursement des dĂ©penses de l’autre ordre de gouvernement. Le principe de Jordan est un mĂ©canisme qui a pour but d’Ă©viter que les enfants des Premières Nations se voient privĂ©s d’un accès Ă©gal aux prestations ou aux protections offertes Ă  tous les autres Canadiens en raison de leur statut d’Autochtone.

Descheneaux c. Canada (Procureur gĂ©nĂ©ral), 2015 QCCS 3555 (CanLII) : Les dispositions de la Loi sur les Indiens relatives Ă  l’appartenance Ă  une bande sont-elles discriminatoires Ă  l’Ă©gard des femmes et des filles des Premières Nations? Oui. La Cour a dĂ©clarĂ© que les alinĂ©as 6(1)a), c) et f) et le paragraphe 6(2) de la Loi sur les Indiens portent atteinte de manière injustifiĂ©e Ă  l’article 15 de la Charte et sont inopĂ©rants. Toutefois, la prise d’effet de la dĂ©claration d’invaliditĂ© a Ă©tĂ© suspendue pour une pĂ©riode de 18 mois afin de permettre au Parlement de modifier la loi. L’effet Ă©ventuel de cette dĂ©cision sera que la discrimination fondĂ©e sur le sexe prĂ©sente dans les dispositions de la Loi sur les Indiens concernant l’inscription cessera et que les femmes touchĂ©es auront le droit de transmettre leur statut Ă  leurs enfants et Ă  leurs petits-enfants, de la mĂŞme façon que les hommes, sans que ce statut soit refusĂ© Ă  cause de la règle d’exclusion après la deuxième gĂ©nĂ©ration. Le gouvernement du Canada a retirĂ© l’appel qu’il avait interjetĂ© contre cette dĂ©cision.

Racine c. Woods, [1983] 2 R.C.S. 173 : Est-il dans l’intĂ©rĂŞt supĂ©rieur d’une enfant d’une Première Nation d’ĂŞtre adoptĂ©e par un couple formĂ© d’un MĂ©tis et d’une non-Autochtone? La Cour a jugĂ© que l’adoption Ă©tait dans l’intĂ©rĂŞt supĂ©rieur de l’enfant et que la famille adoptive Ă©tait en mesure de fournir un soutien culturel suffisant Ă  l’enfant de la Première Nation. Les critiques de cet arrĂŞt soulignent que la Cour a accordĂ© Ă  la nature individuelle de l’intĂ©rĂŞt supĂ©rieur de l’enfant une valeur supĂ©rieure Ă  celle de l’intĂ©rĂŞt collectif des Premières Nations [voir Kline, Marlee, « Child Welfare Law: Best Interests of the Child Ideology and First Nations », 1992 30 Osgoode Hall LJ, aux p. 375 et 396].

Brown v. Canada (Attorney General), 2017 ONSC 251 : Dans cette procĂ©dure engagĂ©e au nom des survivants de la « rafle des annĂ©es 1960 » en Ontario, la Cour a jugĂ© qu’un recours collectif pouvait ĂŞtre autorisĂ© relativement Ă  la question suivante : [traduction] « En Ontario, entre le 1er dĂ©cembre 1965 et le 31 dĂ©cembre 1984, lorsqu’un enfant autochtone Ă©tait confiĂ© Ă  la garde d’une famille d’accueil ou de parents adoptifs qui ne l’Ă©levaient pas conformĂ©ment Ă  ses propres coutumes, traditions et pratiques autochtones, la Couronne fĂ©dĂ©rale avait-elle, et a-t-elle enfreint, une obligation fiduciaire ou en common law de prendre des mesures raisonnables pour empĂŞcher que l’enfant ne perde son identitĂ© autochtone? ». Après huit ans de litiges procĂ©duraux prolongĂ©s, la Cour a tranchĂ© en faveur des parties demanderesses du recours collectif, jugeant que le Canada est responsable devant la loi puisqu’il a manquĂ© Ă  son obligation de diligence, prĂ©vue par la common law, de prendre les mesures nĂ©cessaires pour veiller Ă  ce que les enfants autochtones confiĂ©s Ă  la garde d’une famille d’accueil ou de parents adoptifs non autochtones ne perdent pas leur identitĂ© autochtone. Des recours collectifs similaires relativement Ă  la rafle des annĂ©es 1960 ont Ă©tĂ© intentĂ©s en Colombie-Britannique, en Alberta, en Saskatchewan et au Manitoba.

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