Cérémonie de remise de la chaîne de fonction

Merci Ray pour votre si généreuse présentation.

Chers amis, invitĂ©s et membres de la communautĂ© de l’ABC.

Alors que je viens d’ĂŞtre acclamĂ©e en tant que prĂ©sidente actuelle de l’Association du barreau canadien, je considère que c’est un très grand honneur de servir en ma qualitĂ© de première femme juriste d’entreprise, de première avocate racialisĂ©e et de première personne noire Ă  assumer ce poste depuis la fondation de cette vĂ©nĂ©rable association, il y a plus qu’un centenaire, en 1896.

Je fais partie d’une longue lignĂ©e de juristes noirs exceptionnels qui ont exercĂ© partout au Canada et ont endurĂ© mille tourments Ă  la fois dans leur vie personnelle et professionnelle. C’est grâce Ă  leur force, Ă  leur dignitĂ©, Ă  leur persĂ©vĂ©rance, Ă  leur tĂ©nacitĂ© face Ă  l’injustice et Ă  l’iniquitĂ©, ainsi qu’Ă  leurs victoires, petites et grandes, que je peux me prĂ©senter de pied ferme devant vous aujourd’hui.

Je suis reconnaissante de l’occasion qui m’est donnĂ©e de reprĂ©senter et de servir l’ABC en tant que prĂ©sidente. Un simple regard Ă  la liste des anciens prĂ©sidents et prĂ©sidentes, rĂ©vèle que la barre est placĂ©e très haut. Je remercie tous ceux et celles parmi vous qui m’ont appuyĂ©e, guidĂ©e et accordĂ© leur confiance.

C’est un moment gratifiant, du point de vue professionnel, et d’ailleurs aussi du point de vue personnel. J’espère que c’est Ă©galement le cas pour d’autres juristes de première gĂ©nĂ©ration au Canada. Je suis triste que ni l’un ni l’autre de mes parents n’ait pu venir se joindre Ă  moi pour partager ce moment, si important.

En 2012, Ă  62 ans, ma mère a reçu un diagnostic officiel selon lequel elle Ă©tait atteinte de la maladie d’Alzheimer Ă  dĂ©but prĂ©coce. C’Ă©tait peu de temps après l’obtention de mon diplĂ´me de droit Ă  l’UniversitĂ© d’Ottawa et mon admission au Barreau de l’Ontario. Je suis immensĂ©ment fière de mon père, qui est notre rempart contre l’adversitĂ© et qui prend soin fidèlement de ma mère.

Je suis reconnaissante Ă  mes parents d’avoir toujours cru en moi, de m’avoir laissĂ©e totalement libre de choisir ma carrière, ainsi que de leur fidèle passion et foi dans le pouvoir transformateur de l’Ă©ducation et des livres. 

Tous mes plus sincères remerciements Ă  mes frères, Syd et Greg, et Ă  mon oncle Garfield dont la prĂ©sence ici aujourd’hui confère Ă  cet Ă©vĂ©nement une profonde signification personnelle.

Au prĂ©sident sortant, Ray Adlington, merci de m’avoir encouragĂ©e Ă  persĂ©vĂ©rer sur cette voie depuis le dĂ©but alors que la tentation de renoncer s’est prĂ©sentĂ©e un nombre incalculable de fois. Merci Ă  vous aussi Kerry Simmons, qui m’avez prĂ©cĂ©dĂ©e dans ce poste, pour le gĂ©nĂ©reux partage de vos connaissances et de votre expertise, Ă  l’Association des conseillers et conseillères juridiques d’entreprises (ACCJE) et Ă  vous, Nick Slonosky, qui venez de prĂ©sider l’ACCJE, pour votre mentorat. Si quelque chose ne va pas pendant mon mandat de prĂ©sidente, vous pourrez blâmer le programme de mentorat de l’ACCJE et Nick, qui est celui qui m’a encouragĂ© Ă  me prĂ©senter au poste au CA pour reprĂ©senter l’Ontario. Merci Ă  mon employeur. Merci Ă  tous mes mentors et aux personnes qui m’ont fourni leur appui, particulièrement Ă  celles et ceux qui ont fait un long voyage pour ĂŞtre ici aujourd’hui. Vous vous reconnaĂ®trez.

Comme le savent un grand nombre d’entre vous, en tant que vice-prĂ©sidente, j’ai personnellement pris fait et cause pour l’amĂ©lioration des communications avec les membres, la crĂ©ation et le renforcement des relations entre le CA et les divisions et l’Ă©tablissement d’un dialogue avec nos pairs qui ne se sont pas toujours sentis bienvenus au sein de notre communautĂ© de juristes de l’ABC, au moyen de la toute première confĂ©rence Au-devant du changement : camp de formation en leadership pour les juristes racialisĂ©s qui a eu lieu Ă  Toronto et se dĂ©placera, espĂ©rons-le, dans d’autres villes canadiennes au fil des prochaines annĂ©es.

En qualitĂ© de chef des bĂ©nĂ©voles, ma prioritĂ© personnelle sera de susciter un dialogue intergĂ©nĂ©rationnel entre les jeunes juristes et leurs pairs chevronnĂ©s au sein de la profession juridique. Pour ce faire, l’ABC entreprendra une sĂ©rie de balados comportant entre huit et dix Ă©pisodes. J’ai demandĂ© Ă  la Section des jeunes juristes de l’ABC nationale de prendre en main l’organisation d’une confĂ©rence nationale pour les jeunes juristes de tout le Canada. Elle aura lieu au printemps 2020 et de plus amples dĂ©tails seront fournis en temps utile.

Au cours des dernières annĂ©es, plusieurs prĂ©sidents et prĂ©sidentes de l’ABC et des divisions, la prĂ©sidente d’ABC Mieux-ĂŞtre, Cheryl Canning, et son Ă©quipe de membres dĂ©vouĂ©s ont rĂ©alisĂ© d’importants progrès Ă  l’Ă©gard des enjeux de santĂ© mentale. Cependant, il reste beaucoup Ă  faire. Ayant fait face Ă  la maladie d’Alzheimer de ma mère et ayant relevĂ© moi-mĂŞme des dĂ©fis de santĂ© majeurs, quand j’y repense, ma participation au Forum de l’ABC Mieux-ĂŞtre en tant que jeune juriste a eu sur moi de formidables rĂ©percussions. J’en suis ressortie avec de plus vastes connaissances et armĂ©e d’outils pour prendre soin de ma propre santĂ©, tant physique que mentale. Grâce aux rĂ©sultats des recherches contemporaines en matière de santĂ© fournis par des psychiatres et professionnels de la santĂ© de renom, j’ai appris que, parfois, il est acceptable de penser Ă  soi en premier. ĂŠtre juriste en bonne santĂ© n’est pas une affaire de mode. ĂŠTRE JURISTE EN BONNE SANTÉ DOIT ĂŠTRE UNE PRIORITÉ, Ă  l’Ă©chelle individuelle, Ă  l’Ă©chelle des cabinets, quelle que soit leur taille. Il est fondamental que lorsqu’un membre de notre communautĂ© perd pied, nous lui tendions la main pour l’aider. Ce faisant, c’est l’ensemble de la communautĂ© que nous aidons.

Les premiers mots dont je me souviens lorsque j’ai acceptĂ© mes nouvelles fonctions ne sont pas des paroles de fĂ©licitations... La phrase exacte Ă©tait la suivante : « ce poste aurait dĂ» ĂŞtre confiĂ© Ă  quelqu’un qui le mĂ©ritait ». Naturellement, mes premières rĂ©actions ont Ă©tĂ© la colère et la peine, Ă©tant blessĂ©e que quelqu’un ait tentĂ© de gâcher un moment et une rĂ©ussite personnelle si importants dans ma carrière professionnelle. D’ailleurs, gâcher n’est pas le terme appropriĂ©. En fait, c’est une profonde plaie mentale qui m’Ă©tait infligĂ©e.

Je vous fais part de cette anecdote, car il est manifeste que la diversitĂ©, l’inclusion et l’appartenance sont loin d’ĂŞtre acquises.

Je sais qui je suis. J’ai une vague idĂ©e des difficultĂ©s qu’ont dĂ» surmonter mes ancĂŞtres esclaves qui n’ont jamais dĂ©finitivement succombĂ© Ă  leurs luttes quotidiennes ni n’ont Ă©tĂ© annihilĂ©s par les chaĂ®nes de l’esclavage et par la longue et tortueuse histoire de la colonisation dont les legs perdurent dans les rĂ©gimes juridiques, politiques et sociaux contemporains de notre pays, ainsi que dans ses institutions et ses associations.

L’ABC est le fer de lance du changement en faveur de la diversitĂ©, de l’inclusion et de l’appartenance.

Les recommandations du rapport de la Commission de vĂ©ritĂ© et rĂ©conciliation sont en cours de mise en Ĺ“uvre. En dĂ©cembre, nous tiendrons le Sommet du leadership des juristes chevronnĂ©s racialisĂ©s. Mes remerciements les plus sincères Ă  Julia Shin-Doi, une avocate bien connue et très estimĂ©e par la communautĂ© juridique canadienne, qui a acceptĂ© d’en prendre les rĂŞnes Ă  titre bĂ©nĂ©vole. Elle sera appuyĂ©e par une riche brochette de juristes influents. 

Bien qu’elle continue Ă  faire face Ă  des difficultĂ©s concernant la satisfaction et la rĂ©tention des membres, l’ABC fait nĂ©anmoins des progrès attribuĂ©s au travail assidu de nos bĂ©nĂ©voles de toutes les rĂ©gions du pays. Ils veillent Ă  ce que leurs pairs comprennent la valeur d’une adhĂ©sion Ă  l’ABC. L’ABC n’est pas une entitĂ© abstraite. L’ABC, c’est vous. Je vous invite donc, vous aussi, Ă  faire vĂ´tre le mantra et Ă  « Redonner ses lettres de noblesse Ă  l’ABC ».

Cet automne, le ComitĂ© d’Ă©galitĂ© et de gouvernance de l’ABC poursuivra ses travaux en vue de l’examen de la gouvernance obligatoire. Notre nouveau vice-prĂ©sident, Brad Regehr, sera chargĂ© de ces travaux coordonnĂ©s par un groupe de travail sur la gouvernance constituĂ© de bĂ©nĂ©voles chevronnĂ©s et de personnes reprĂ©sentant l’Ă©quipe de gestion.

Les membres comme vous apprĂ©cient grandement nos travaux de reprĂ©sentation. Cette annĂ©e, nous sommes intervenus dans la trilogie de pourvois portant sur la norme de contrĂ´le judiciaire des dĂ©cisions administratives qui ont Ă©tĂ© tranchĂ©s par la Cour suprĂŞme du Canada. Nous attendons la dĂ©cision de la Cour concernant notre demande d’intervention dans les appels de la Colombie-Britannique et de la Nouvelle- Écosse portant sur la rĂ©munĂ©ration des juges. Nous cherchons en outre Ă  obtenir le statut d’intervenant dans l’affaire Single Mothers’ Alliance et al v. BC, une importante cause type en matière d’aide juridique.  

Je suis excitĂ©e Ă  propos de la campagne de l’ABC #AideJuridique #CaCompte lancĂ©e en vue des Ă©lections fĂ©dĂ©rales prochaines. Elle vise Ă  accroĂ®tre la sensibilisation du public Ă  l’importance de l’accès Ă  la justice et Ă  encourager les partis politiques Ă  s’engager Ă  accorder un financement spĂ©cifique Ă  l’aide juridique. Je vous encourage toutes et tous Ă  faire de l’aide juridique un enjeu Ă©lectoral.

Dans tous mes exposĂ©s devant le CA de l’Ontario cette annĂ©e, j’ai soulignĂ© devant nos membres les progrès rĂ©alisĂ©s par le gouvernement pour engager un plus grand nombre de juges Ă  tous les paliers de l’appareil judiciaire. L’ABC doit se placer Ă  l’avant-scène de la rĂ©forme du droit et des politiques, promouvoir des rĂ©gimes juridiques Ă©quitables et dĂ©fendre la primautĂ© du droit.  L’ABC est respectĂ©e non seulement partout au Canada, mais aussi dans le monde entier. Elle ne doit pas hĂ©siter Ă  utiliser la voix collective de ses membres pour ĂŞtre le fer de lance du changement, tant Ă  l’intĂ©rieur qu’Ă  l’extĂ©rieur de nos frontières.

En somme, nous sommes l’ABC. Chacune et chacun d’entre nous mĂ©rite de se sentir bienvenu et acceptĂ©. Nous avons tous et toutes la capacitĂ© d’en prendre soin et de prĂ´ner le changement. Nous le mĂ©ritons, tout un chacun. Les projets de l’ABC ne peuvent pas exister sans le travail acharnĂ© de son personnel et de ses bĂ©nĂ©voles. Merci de votre engagement et de permettre Ă  l’ABC d’ĂŞtre un Ă©lĂ©ment important de votre vie professionnelle.

Voir mon nom s’ajouter Ă  la liste des prĂ©sidents et prĂ©sidentes de l’ABC en tant que première prĂ©sidente noire est pour moi un vĂ©ritable privilège. Il est Ă  la fois très intimidant et très remarquable qu’on me donne cette occasion et qu’on me confie cette responsabilitĂ©.

Il est manifeste que cette fonction recèle des dĂ©fis tout aussi imprĂ©visibles qu’inĂ©vitables. Je sais qu’avec votre soutien, nous pouvons cheminer ensemble et qu’ensemble nous pouvons confier une ABC encore plus solide Ă  une prochaine gĂ©nĂ©ration de bĂ©nĂ©voles et de dirigeants. 

Merci de cĂ©lĂ©brer ma rĂ©ussite, mais surtout, cĂ©lĂ©brons l’ABC comme agent du changement institutionnel; un fer de lance du changement.

Je laisserai le mot de la fin Ă  l’Ă©crivaine, actrice et poĂ©tesse, Maya Angelou :

Des sordides boyaux de l’Histoire

Je renais...

Au petit matin glorieux de toute sa pureté

Je renais

Riche des dons de mes ancĂŞtres,

Je suis le rĂŞve et l’espĂ©rance de l’esclave.

Je renais