Le seuil des « avantages nets » est remonté pour les investissements étrangers au Canada

  • 11 janvier 2018
  • Sandy Walker

En raison de l’augmentation des seuils d’examen adoptĂ©e cette annĂ©e, les Ă©trangers qui se portent acquĂ©reurs d’entreprises canadiennes seront probablement moins souvent tenus de demander son approbation au ministre de l’Innovation, des Sciences et du DĂ©veloppement Ă©conomique au titre du critère des « avantages nets pour le Canada ». En parallèle, les acquisitions d’entreprises canadiennes, mĂŞme de petite taille, y compris les investissements minoritaires, peuvent toujours faire l’objet d’un examen relatif Ă  la sĂ©curitĂ© nationale. Le rapport annuel du gouvernement concernant l'application de la Loi sur Investissement Canada publiĂ© en aoĂ»t dernier souligne le fait que ce genre d’examen demeure relativement rare. Cependant, les consĂ©quences d’un tel examen peuvent ĂŞtre gravissimes (p. ex., dĂ©sinvestissement d’une opĂ©ration dĂ©jĂ  terminĂ©e). Le rapport fournit Ă©galement des perspectives sur les motifs pour lesquels les examens relatifs Ă  la sĂ©curitĂ© nationale peuvent ĂŞtre ordonnĂ©s, ce qui aidera les investisseurs Ă©trangers en puissance.

Simplification de l’Ă©valuation des avantages nets

L’examen des investissements Ă©trangers rĂ©alisĂ©s au Canada en vertu du critère des avantages nets pour le Canada a Ă©tĂ© considĂ©rablement simplifiĂ© cette annĂ©e, du moins pour les investisseurs du secteur privĂ© (soit ceux qui ne sont ni contrĂ´lĂ©s ni influencĂ©s par des gouvernements Ă©trangers) de certains pays. Le 21 septembre 2017, le nouveau seuil pour l’examen prĂ©vu par l’Accord Ă©conomique et commercial global Canada-Union europĂ©enne, a Ă©tĂ© considĂ©rablement accru pour les investisseurs de l’Union europĂ©enne, le plaçant Ă  une valeur d’affaire de l’entreprise canadienne visĂ©e de 1,5 milliard de dollars. Cela signifie qu’un moins grand nombre d’opĂ©rations seront visĂ©es par le critère d'avantage net qui exige gĂ©nĂ©ralement des investisseurs qu’ils s’engagent envers le gouvernement notamment sur des points tels que les niveaux d’emploi, la participation de Canadiens et de Canadiennes Ă  la haute direction, le maintien de fonctions du siège social au Canada, et les dĂ©penses en capital.

L’augmentation du seuil prĂ©vu pour l’Ă©valuation est une bonne nouvelle pour les investisseurs Ă©trangers et pas seulement ceux de l’Union europĂ©enne. Les investisseurs du secteur privĂ© de pays avec lesquels le Canada a conclu des accords de libre-Ă©change profitent eux aussi du seuil plus Ă©levĂ©. Il s’agit du Chili, de la Colombie, du Honduras, du Mexique, du Panama, du PĂ©rou, de la CorĂ©e du Sud et des États-Unis.

Outre le seuil plus Ă©levĂ© applicable aux investisseurs de l’Union europĂ©enne et aux pays signataires d’un accord de libre-Ă©change avec le Canada, le gouvernement a accĂ©lĂ©rĂ© l’augmentation du seuil applicable aux investisseurs d’autres pays membres de l’Organisation mondiale du commerce, le faisant passer de 800 millions de dollars Ă  1 milliard de dollars deux ans en avance.

Meilleure divulgation des examens relatifs à la sécurité nationale

Le rapport analyse le nombre d’investissements Ă©trangers rĂ©alisĂ©s au Canada, leurs sources et les secteurs dans lesquels ils ont Ă©tĂ© effectuĂ©s. Il fournit Ă©galement un nombre restreint, mais utile, de perspectives concernant l’approche actuelle du gouvernement Ă  l’Ă©gard du processus d’examen relatif Ă  la sĂ©curitĂ© nationale.

Fréquence des examens relatifs à la sécurité nationale

Le rapport est plus détaillé que ses prédécesseurs quant aux examens relatifs à la sécurité nationale applicables aux investissements étrangers, y compris leur fréquence et leurs résultats.

En 2016-2017, sur les 22 demandes, 715 avis et autres investissements examinĂ©s en raison de possibles enjeux de sĂ©curitĂ© nationale, quatre avis ont Ă©tĂ© Ă©mis pour proroger la pĂ©riode nĂ©cessaire au gouvernement pour dĂ©cider si un examen relatif Ă  la sĂ©curitĂ© nationale doit ĂŞtre ordonnĂ©. Dans deux de ces quatre cas, cet examen n’a pas eu lieu.

Cinq examens relatifs Ă  la sĂ©curitĂ© nationale complets ont Ă©tĂ© effectuĂ©s en 2016-2017, dont quatre rĂ©sultaient de dĂ©crets du pouvoir exĂ©cutif, alors qu’un a Ă©tĂ© rĂ©alisĂ© conformĂ©ment Ă  une ordonnance rendue par la Cour fĂ©dĂ©rale en novembre 2016 qui infirmait un dĂ©cret pris par le gouvernement prĂ©cĂ©dent en 2015 ordonnant le dĂ©sinvestissement et qui renvoyait la question devant le ministre en vue d’un nouvel examen (l’affaire O-Net). Un dernier dĂ©cret du pouvoir exĂ©cutif a Ă©tĂ© pris dans les cinq cas ayant fait l’objet d’un examen. Dans trois cas, il a Ă©tĂ© ordonnĂ© Ă  l’Ă©tranger de se dessaisir du contrĂ´le de l’entreprise canadienne. Dans deux cas, l’investissement a Ă©tĂ© autorisĂ© sous rĂ©serve de conditions qui attĂ©nuaient, dans une mesure permettant la rĂ©alisation de l’investissement, les risques courus par la sĂ©curitĂ© nationale tels qu’ils avaient Ă©tĂ© dĂ©terminĂ©s.

Ces rĂ©sultats soulignent deux points au profit des investisseurs Ă©trangers. En premier lieu, s’il existe un doute qu’il pourrait y avoir une prĂ©occupation en matière de sĂ©curitĂ© nationale dans le cadre d’une opĂ©ration, les investisseurs devraient dĂ©poser les demandes appropriĂ©es plus de 45 jours avant la clĂ´ture afin de vĂ©rifier qu’un examen ne sera pas ordonnĂ© ou qu’un recours au dĂ©sinvestissement ne sera pas invoquĂ©. En second lieu, l’attĂ©nuation du risque couru par la sĂ©curitĂ© nationale semble dĂ©sormais un recours plus souvent acceptĂ© par le gouvernement dans certaines circonstances.

Le rapport souligne Ă©galement le fait que le processus d’examen pourrait ĂŞtre de longue durĂ©e, soit plus de 200 jours si chacune des Ă©tapes du processus est suivie Ă  la lettre dans son intĂ©gralitĂ©.

Motifs pour les examens relatifs à la sécurité nationale

Le rapport souligne en outre les facteurs de sĂ©curitĂ© nationale qui, depuis 2012, ont justifiĂ© soit (i) une prorogation de la pĂ©riode pour envisager si un examen relatif Ă  la sĂ©curitĂ© nationale devrait ĂŞtre effectuĂ©, soit (ii) un dĂ©cret du pouvoir exĂ©cutif ordonnant un examen relatif Ă  la sĂ©curitĂ© nationale. Il s’agit notamment des risques suivants :

  • nuire aux capacitĂ©s en matière de dĂ©fense du Canada,
  • transfert de technologies Ă  double usage et de nature dĂ©licate ou de savoir-faire Ă  l'extĂ©rieur du Canada,
  • rĂ©percussions sur l'approvisionnement de biens et de services essentiels aux Canadiens,
  • permettre la surveillance ou l'espionnage par des Ă©trangers,
  • nuire aux intĂ©rĂŞts internationaux du Canada,
  • implication ou facilitation du crime organisĂ©.

Les facteurs les plus communs Ă©taient les suivants : le risque de transfert de technologies Ă  double usage et de nature dĂ©licate ou de savoir-faire Ă  l'extĂ©rieur du Canada, le risque de nuire Ă  l'approvisionnement de biens et de services essentiels aux Canadiens ou au gouvernement, et le risque de permettre la surveillance ou l'espionnage par des Ă©trangers.

Vision d’avenir

Les investisseurs qui envisagent d’acquĂ©rir des entreprises canadiennes devraient accueillir positivement les efforts du gouvernement pour rĂ©duire le nombre d’Ă©valuations fondĂ©es sur le critère des « avantages nets pour le Canada ». Cependant, cette simplification ne tient pas compte des investisseurs qui sont des entreprises d’État auxquels un seuil d’Ă©valuation infĂ©rieur (une valeur comptable des actifs de l’entreprise canadienne visĂ©e de 379 millions de dollars) continue de s’appliquer. En outre, le prĂ©sent gouvernement n’a pas renoncĂ© officiellement Ă  la politique Ă©dictĂ©e par son prĂ©dĂ©cesseur pour bannir les acquisitions de contrĂ´le d’entreprises canadiennes du secteur des sables bitumineux par des entreprises d’État.

Les investisseurs Ă©trangers et leurs conseillers trouveront utile l’assistance amĂ©liorĂ©e offerte par le gouvernement quant Ă  l’examen relatif Ă  la sĂ©curitĂ© nationale au moyen de la publication de ses lignes directrices Ă  la fin de l’an dernier et de ses meilleures communications concernant cet examen dans le rapport. SimultanĂ©ment, quelques investissements ayant attirĂ© l’attention des mĂ©dias en 2017 (y compris l’affaire O-Net), certains groupes pensent que l’examen relatif Ă  la sĂ©curitĂ© nationale pourrait s’avĂ©rer plus subjectif, motivĂ© par la politique et, par consĂ©quent, plus imprĂ©visible qu’on ne le pensait. Le bien-fondĂ© de cette opinion est difficile Ă  affirmer Ă©tant donnĂ© que malgrĂ© les efforts du gouvernement pour accroĂ®tre la transparence, au Canada, le processus d’examen relatif Ă  la sĂ©curitĂ© nationale demeure très opaque.

Sandy Walker est associée dans le cabinet Dentons Canada LLP