Communiquer avec les clients potentiels

Focus on two pairs of hands over a laptop and tablet

DĂ©pistage des conflits

Avant de vous engager dans des discussions avec un client potentiel dans lesquelles vous pourriez recevoir des informations confidentielles ou discuter plus en dĂ©tail des faits sous-jacents, il est primordial de mener un processus de vĂ©rification pour s’assurer qu’il n’y a pas de conflits d’intĂ©rĂŞts qui vous empĂŞcheraient d’agir. Les juristes sont tenus dĂ©ontologiquement d’Ă©viter les conflits d’intĂ©rĂŞts1. Un conflit d’intĂ©rĂŞts survient lorsqu’un juriste ou un cabinet juridique reprĂ©sente un client « dont les intĂ©rĂŞts juridiques s’opposent directement aux intĂ©rĂŞts juridiques immĂ©diats d’un autre client mĂŞme si les dossiers sont sans rapport, Ă  moins que les clients donnent leur consentement2 ». Un conflit d’intĂ©rĂŞts peut Ă©galement survenir si la reprĂ©sentation d’un client « pose un risque sĂ©rieux que les intĂ©rĂŞts personnels de l’avocat ou ses devoirs envers un autre client actuel, un ancien client ou une tierce personne nuisent de façon apprĂ©ciable Ă  la reprĂ©sentation du client par l’avocat3 ».

Ă€ ce titre, en prĂ©liminaire, les juristes doivent mener un processus standardisĂ© de dĂ©pistage des conflits avant de s’engager dans des conversations avec le client oĂą ils en apprennent plus que les faits de base. Au cours du processus de dĂ©pistage, les juristes ne doivent obtenir qu’une brève description de l’affaire, le nom du ou des clients potentiels et les noms des autres parties impliquĂ©es ou potentiellement impliquĂ©es.

Cette trousse d’outils n’aborde pas les conflits d’intĂ©rĂŞts en dĂ©tail. Consultez plutĂ´t la Trousse d’outils de l’ABC sur les conflits d’intĂ©rĂŞts qui propose de vastes ressources destinĂ©es Ă  aider les juristes Ă  reconnaĂ®tre, Ă  traiter et Ă  Ă©viter les conflits d’intĂ©rĂŞts dans diffĂ©rents contextes de pratique, avec des listes de contrĂ´le et des prĂ©cĂ©dents pratiques.

Points Ă  discuter avant d’ĂŞtre engagĂ©

Après un dĂ©pistage des conflits par le juriste, il est important de procĂ©der Ă  une discussion initiale sur la portĂ©e du mandat. Une première conversation devrait permettre au juriste d’obtenir de plus amples renseignements de la part du client potentiel pour dĂ©terminer s’il s’agit d’une question que le juriste est en mesure de traiter, et devrait aider le client potentiel Ă  dĂ©cider s’il dĂ©sire confier un mandat.

Il existe de nombreux facteurs qu’un client peut devoir prendre en compte avant de dĂ©cider de retenir un juriste particulier, et de nombreux facteurs dont un juriste peut devoir prendre en compte avant d’accepter de reprĂ©senter un client. Une communication claire avec un client potentiel avant mĂŞme d’ĂŞtre engagĂ© peut aider Ă  Ă©viter les malentendus. Cela doit inclure une conversation directe sur la manière dont le juriste facturera ses services et ce Ă  quoi le client peut s’attendre en ce qui concerne les honoraires et dĂ©bours juridiques (pour certains clients, cela devrait inclure une explication de ce que le juriste entend par « dĂ©bours »). Selon les circonstances, un juriste peut offrir, ou un client peut demander, une variĂ©tĂ© de modalitĂ©s d’honoraires.

Avant d’ĂŞtre engagĂ©, un juriste et son client potentiel doivent avoir une comprĂ©hension commune de ce qui suit :

  • Quels services le juriste peut et doit rendre.
  • Quels services le juriste ne peut ou ne veut pas fournir.
  • Quelles ressources humaines consacrer Ă  l’affaire, y compris l’implication Ă©ventuelle d’autres juristes ou parajuristes.
  • Comment fonctionnera la relation juriste-client, y compris un protocole des communications rĂ©gulières.
  • La structure des honoraires du juriste et les exigences de facturation4.

Le but ultime de ces premières communications est la transparence sur l’ampleur de la provision, des honoraires et des dĂ©bours, afin d’Ă©viter les malentendus ultĂ©rieurs entre l’avocat et le client.

Le Code type prĂ©voit que « avant ou dans un dĂ©lai raisonnable après le dĂ©but d’un mandat, le juriste doit donner au client autant de renseignements que possible par Ă©crit concernant les honoraires et dĂ©bours et les intĂ©rĂŞts, selon ce qui est raisonnablement possible compte tenu des circonstances, incluant le calcul qui permettra de fixer les honoraires5 ». Par souci de pratique exemplaire, une convention de mandat Ă©crite devrait Ă©galement Ă©noncer la comprĂ©hension partagĂ©e par le juriste et le client de la portĂ©e du mandat, des services qui seront fournis, qui pourra les exĂ©cuter au sein du cabinet, et toute autre information clĂ© pour guider les attentes du client au cours du dossier. Vous trouverez de plus amples informations sur les conventions de mandat Ă©crites Ă  la section 2 de cette trousse d’outils.

Pour en savoir plus :

Quand un client devient-il un client?

Le Code dĂ©finit très largement un client comme incluant non seulement une personne qui « consulte un juriste et pour le compte de qui le juriste rend ou accepte de rendre des services juridiques », mais aussi une personne qui « après avoir consultĂ© le juriste, conclut raisonnablement que le juriste a acceptĂ© de rendre des services juridiques en son nom6 ».

Les juristes sont fortement encouragĂ©s Ă  officialiser chaque relation juriste-client par Ă©crit. Cependant, les juristes ne doivent pas perdre de vue le fait qu’une relation juriste-client peut ĂŞtre crĂ©Ă©e sans rien mettre par Ă©crit, ou jamais produire un compte. Dans Jeffers v Calico Compression Systems7, le juge Hawco de la Cour du Banc de la Reine de l’Alberta a Ă©noncĂ© divers indices qui peuvent dĂ©terminer si une relation juriste-client existe, notamment :

  • un contrat ou un mandat;
  • un dossier ouvert par le juriste;
  • des rĂ©unions entre le juriste et la partie;
  • une correspondance entre le juriste et la partie;
  • une facture remise par le juriste Ă  la partie;
  • une facture payĂ©e par la partie;
  • des instructions donnĂ©es par la partie au juriste;
  • le juriste agissant selon les instructions donnĂ©es;
  • des dĂ©clarations faites par le juriste selon lesquelles il agit pour la partie;
  • une attente raisonnable de la partie concernant le rĂ´le du juriste;
  • des documents juridiques crĂ©Ă©s par la partie.

Les indices n’ont pas Ă  ĂŞtre tous prĂ©sents, et il n’est pas non plus dĂ©terminant que le juriste ait rĂ©ellement eu ou non l’intention de crĂ©er une relation juriste-client. La question Ă  laquelle il faut rĂ©pondre est d’Ă©tablir si une personne raisonnable, dans la position d’une partie ayant connaissance de tous les faits, pouvait raisonnablement former la croyance que le juriste agissait pour une partie particulière8.

Pour cette raison, les juristes doivent ĂŞtre prudents dans des conversations apparemment anodines avec des amis ou des voisins au sujet des problèmes juridiques de ces derniers, qui pourraient par inadvertance ĂŞtre interprĂ©tĂ©es comme crĂ©ant une relation juriste-client. Lorsque se crĂ©e une relation juriste-client, c’est parce que le juriste et le client ont choisi de le faire et sont parvenus Ă  un accord sur les modalitĂ©s prĂ©cises du mandat.

Pour en savoir plus :

L’importance des conventions de mandat ou lettres d’engagement et lettres de non-engagement

Une convention de mandat est un document fixant les modalitĂ©s d’engagement de la prestation de services professionnels, signĂ© par le juriste et le client. Une lettre d’engagement9 sert Ă©galement Ă  indiquer les modalitĂ©s d’engagement, mais peut ĂŞtre signĂ©e ou non par le client.

Il est difficile de surestimer la valeur et l’importance d’une convention de mandat Ă©crite ou d’une lettre d’engagement qui Ă©nonce avec exactitude une comprĂ©hension partagĂ©e entre le juriste et le client de l’existence et de la portĂ©e de la relation juriste-client. Les juristes qui ne confirment pas le mandat par Ă©crit crĂ©ent des risques inutiles dans leur pratique10.

Bien qu’une lettre d’engagement puisse Ă©noncer avec exactitude les modalitĂ©s d’engagement, certains juristes n’exigent pas que les clients signent cette lettre pour indiquer l’acceptation des conditions. En l’absence d’acceptation Ă©crite, il peut se crĂ©er une incertitude quant Ă  savoir si les modalitĂ©s d’engagement Ă©noncĂ©es dans la lettre d’engagement ont Ă©tĂ© acceptĂ©es par le client. La pratique exemplaire consiste donc Ă  s’assurer de faire signer la convention de mandat ou la lettre d’engagement par le client.

Si le juriste choisit de procĂ©der sans convention de mandat ou lettre d’engagement signĂ©e, il doit s’assurer qu’il peut dĂ©montrer que le client a reçu une copie du document et qu’il a acceptĂ© les modalitĂ©s. Ainsi, la lettre d’engagement peut indiquer que le juriste ne commencera pas Ă  travailler au dossier avant d’avoir reçu un dĂ©pĂ´t de provision. La rĂ©ception du dĂ©pĂ´t de provision peut alors ĂŞtre considĂ©rĂ©e comme une acceptation des modalitĂ©s de l’engagement.

D’autre part, parce qu’une relation juriste-client peut ĂŞtre crĂ©Ă©e sans la moindre formalitĂ©, un juriste devrait envisager d’envoyer une lettre de non-engagement lorsqu’un client potentiel dĂ©cide de ne pas retenir ses services ou que le juriste dĂ©cide de ne pas agir. Une lettre de non-engagement confirme qu’aucune relation juriste-client n’a Ă©tĂ© Ă©tablie et ne devrait pas inclure d’opinion sur le bien-fondĂ© de l’affaire. Elle peut ĂŞtre brève et simple. Parfois, il peut ĂŞtre appropriĂ© d’informer le non-client de la possibilitĂ© de dates limites Ă  venir et de lui recommander de prendre des mesures immĂ©diates pour consulter un autre juriste au sujet des Ă©chĂ©anciers ou des exigences de notification qui pourraient affecter ses droits lĂ©gaux.

La lettre de non-engagement est particulièrement importante si quelque chose s’est produit qui aurait pu donner au client potentiel l’impression qu’une relation juriste-client a Ă©tĂ© Ă©tablie, par exemple si le juriste dĂ©cide de ne pas agir Ă  la suite d’un long entretien avec le client potentiel.

Pour en savoir plus :

Notes de fin

1 Règle 3.4-1, Code type p. 35

2 Règle 3.4-1[1], Code type p. 35

3 Règle 3.4-1[2], Code type p. 35

4 Law Society of Alberta, Law Practice Essentials, 12.11 Effective Communication Part II – Setting Expectations and Boundaries

5 Règle 3.6-1[3], Code type p. 61

6 Règle 1.1-1, Code type p. 9

7 Jeffers v Calico Compression Systems, 2002 ABQB 72 au para. 8

8 Zimak v 4244354 Manitoba Ltd. et al., 2015 MBCA 58 au para. 30

9 QualifiĂ©e dans certaines compĂ©tences de « lettre de mission ».

10 Law Society of British Columbia, Communication Toolkit, Retainers