Avec les comptes en fidéicommis, ce sont les détails qui tuent

  • 01 mars 2015
  • Kathleen Robichaud

Note : Cet article a paru initialement dans l’Ă©dition du 29 aoĂ»t 2014 de The Lawyers Weekly.

Après le droit et l’obligation de maintien du secret professionnel, le droit et le privilège d’obtenir et de dĂ©tenir des fonds en fidĂ©icommis constituent un aspect important et caractĂ©ristique de ce que signifie ĂŞtre juriste. Le public confie Ă  notre profession le mandat spĂ©cial de dĂ©tenir et d’utiliser des fonds appartenant aux clients ou Ă  des tiers participant Ă  une opĂ©ration de laquelle s’occupe le juriste. Je ne connais aucun juriste exerçant en droit immobilier qui n’utilise pas de compte en fidĂ©icommis dans la reprĂ©sentation de ses clients et qui n’a pas entendu parler de fraude dans le contexte d’opĂ©rations immobilières.

Malheureusement, nous savons que des membres de notre profession ont Ă©tĂ© trompĂ©s par des fraudeurs qui Ă©laborent des combines habiles et difficiles Ă  repĂ©rer, mais ce n’est pas sur cela que porte le prĂ©sent article. De façon plus routinière, les fonds en fidĂ©icommis peuvent aussi ĂŞtre mal gĂ©rĂ©s par des juristes qui ne suivent pas d’assez près leurs comptes en fidĂ©icommis.

Les juristes exerçant en droit immobilier ont affaire Ă  d’importantes sommes d’argent, mais ce sont souvent les petits montants qui causent des difficultĂ©s; par exemple, les frais de virement. Souvent, les fonds hypothĂ©caires sont dĂ©posĂ©s par virement directement dans le compte en fidĂ©icommis du juriste. Le montant transfĂ©rĂ© correspond Ă  l’avance sur prĂŞt hypothĂ©caire moins les frais de virement correspondants. GĂ©nĂ©ralement, le prĂŞteur informe Ă  l’avance le juriste du montant des frais de virement, de sorte que le juriste dispose de tous les chiffres Ă  l’avance, mais tel n’est pas toujours le cas. Ainsi, si vous vous fondez sur une confirmation de dĂ©pĂ´t du prĂŞteur qui n’indique pas les frais de virement et que vous inscrivez le montant indiquĂ© par la confirmation comme le montant de dĂ©pĂ´t dans votre système de tenue de livres, votre compte en fidĂ©icommis pourrait se retrouver Ă  dĂ©couvert. Cela est dĂ» au fait que les frais de virement vont de 10 $ Ă  25 $ environ et sont dĂ©duits de l’avance sur prĂŞt hypothĂ©caire. Si votre compte en fidĂ©icommis est Ă  dĂ©couvert, vous commettez ainsi une erreur grave et contrevenez Ă  vos obligations en matière de tenue de compte en fidĂ©icommis. Vous pourriez Ă©viter cette erreur d’inscription d’abord en vĂ©rifiant le dĂ©pĂ´t en ligne : le dĂ©pĂ´t – moins les frais de virement – est le montant qui devrait figurer comme dĂ©pĂ´t dans votre compte en fidĂ©icommis. Dans de nombreux cabinets exerçant en droit immobilier, il est Ă©tabli que le juriste responsable du compte en fidĂ©icommis doit vĂ©rifier chaque dĂ©pĂ´t affĂ©rent Ă  chaque client avant d’affecter le dĂ©pĂ´t au grand livre de fidĂ©icommis du client. Personnellement, j’estime qu’il s’agit d’une bonne pratique.

Si vous n’avez pas comptabilisĂ© les frais de virement et que vous ne vĂ©rifiez pas vos dĂ©pĂ´ts en consultant votre compte par Internet ou en tĂ©lĂ©phonant Ă  votre banque, vous ne dĂ©couvrirez peut-ĂŞtre pas l’erreur avant que l’opĂ©ration soit close et avant de faire votre conciliation bancaire du mois suivant. Votre compte en fidĂ©icommis comportera un dĂ©ficit qui paraĂ®tra lorsque vous corrigerez votre dĂ©pĂ´t en fidĂ©icommis incorrectement inscrit. Vous devrez combler le dĂ©ficit en prĂ©levant les fonds nĂ©cessaires sur votre compte gĂ©nĂ©ral puisque vous aurez en rĂ©alitĂ© utilisĂ© les fonds d’un autre client pour ce faire. Il faut souligner qu’en C.-B. et en Alberta, les avocats peuvent conserver une petite partie de leurs propres fonds dans leur compte en fidĂ©icommis mixte, de sorte que dans ces provinces, le dĂ©ficit serait traitĂ© diffĂ©remment. Toutefois, peu importe la province dans laquelle vous vous trouvez, vous aurez contrevenu Ă  vos obligations de tenue de compte en fidĂ©icommis. Vous devrez assumer l’erreur et vous pourriez ĂŞtre tenu de vous dĂ©noncer Ă  votre ordre professionnel.

Si vous avez plusieurs clĂ´tures le mĂŞme jour, il est possible que vous disposiez de suffisamment de fonds dans votre compte en fidĂ©icommis pour que la banque certifie votre chèque de fidĂ©icommis, mais il est aussi possible que les fonds affĂ©rents Ă  votre acheteur particulier n’aient pas Ă©tĂ© dĂ©posĂ©s, de sorte que votre compte en fidĂ©icommis se trouve Ă  dĂ©couvert relativement Ă  un autre achat. Que vous utilisiez le dĂ©pĂ´t direct ou que vous remettiez un chèque certifiĂ© par messagerie ou en personne au juriste qui reprĂ©sente le vendeur, une fois que les fonds sont certifiĂ©s, le chèque est aussi valable que de l’argent comptant et il est presque impossible d’en faire remettre le montant dans votre compte. Pour cette raison et aussi parce que cela s’inscrit naturellement dans vos obligations de tenue de compte en fidĂ©icommis, vous devez vĂ©rifier chaque dĂ©pĂ´t dans votre compte en fidĂ©icommis et l’affecter exactement au client au nom duquel le dĂ©pĂ´t a Ă©tĂ© reçu. Chaque dĂ©pĂ´t doit ensuite ĂŞtre inscrit prĂ©cisĂ©ment dans le grand livre de fidĂ©icommis du client.

Les comptes en fidĂ©icommis sont spĂ©ciaux. Ils doivent ĂŞtre Ă©quilibrĂ©s sous pour sous. Ils doivent ĂŞtre convenablement suivis. Les fonds se trouvant dans des comptes en fidĂ©icommis mixtes ou mis en commun, oĂą les fonds affĂ©rents Ă  la plupart des opĂ©rations immobilières rĂ©sidentielles sont dĂ©posĂ©s, doivent ĂŞtre affectĂ©s convenablement et prĂ©cisĂ©ment au bon grand livre du client au moment opportun, c’est-Ă -dire immĂ©diatement, et non pas Ă  l’avance. La rĂ©putation de notre profession et la confiance de nos clients et de nos collègues dĂ©pendent en grande partie de l’utilisation convenable et du suivi prĂ©cis de nos comptes en fidĂ©icommis.

Kathleen Robichaud a Ă©tĂ© admise au Barreau en Ontario en 1999. Elle exerce seule le droit Ă  Manotick, collectivitĂ© semi-rurale se trouvant juste Ă  l’extĂ©rieur d’Ottawa. Elle a exercĂ© dans divers domaines de droit pendant sa carrière, mais elle se concentre maintenant sur les testaments et successions, le droit des sociĂ©tĂ©s et le droit immobilier.