La voie du virtuel : êtes-vous prêt à relever le défi?

  • 14 aoĂ»t 2008
  • Daniel Casciato

Il y a deux ans, lorsque Stephanie Kimbro, avocate Ă  Wilmington (Caroline du Nord) a lancĂ© son cabinet d’avocats virtuel (CAV), certains avocats ne pouvaient pas imaginer pourquoi quelqu’un voudrait tenter une idĂ©e si radicale.

« Je suis dans une petite ville oĂą les avocats sont attachĂ©s aux traditions et croient que vous devez rencontrer les clients en personne », dit Stephanie Kimbro. Elle a fondĂ© Kimbro Legal Services, LLC (www.kimbrolaw.com). « Mon CAV propose aussi des honoraires forfaitaires, et certains avocats hĂ©sitent Ă  envisager autre chose que les heures facturables. »

Par contre, il y a eu tout autant d’avocats qui ont offert leur appui. « Ils estimaient qu’il y avait un besoin et que c’Ă©tait un moyen de le combler, dit-elle. Les personnes Ă  faible revenu ont besoin d’aide juridique. Un CAV est une bonne plate-forme pour offrir ces services au public. »

Qu’est-ce au juste qu’un CAV? Stephanie Kimbro le dĂ©crit comme « un cabinet de professionnels du droit qui existe en ligne grâce Ă  un portail sĂ©curisĂ© et est accessible au client et Ă  l’avocat partout oĂą ils ont un accès Internet ». L’avocat travaille Ă  partir d’un bureau Ă  domicile, et soit y reçoit les clients, soit leur rend visite Ă  leur domicile, leur entreprise ou ailleurs.

Les CAV offrent aux avocats et aux clients la possibilitĂ© de discuter de leurs affaires en ligne en toute sĂ©curitĂ©, de tĂ©lĂ©charger des documents et de s’occuper de toute autre transaction dans un environnement informatique sĂ©curisĂ©. Pour les avocats autonomes et les petits cabinets, ils offrent plusieurs avantages : Ă©largissement de la clientèle; collaboration avec d’autres avocats Ă  la grandeur de l’État et ailleurs; rĂ©duction des coĂ»ts environnementaux; et meilleure conciliation travail-vie personnelle.

Stephanie Kimbro insiste que le simple fait de communiquer avec les clients par courriel ne fait pas d’un cabinet d’avocats un CAV, et ne garantit pas la sĂ©curitĂ©. « Mon site est de type HTTP sĂ©curitaire. Il emploie le chiffrage SSL, qui chiffre toutes les communications et tout ce que mon client ou moi tĂ©lĂ©chargeons par le biais du site. Le courrier Ă©lectronique n’est pas chiffrĂ©, il peut ĂŞtre interceptĂ© et il n’est pas confidentiel. Le site du CAV est protĂ©gĂ© et chiffrĂ©. »

Karl Schieneman, fondateur du 123 Law Group de Pittsburgh (www.makinglaweasy.com), un portail Web qui relie les clients Ă  un rĂ©seau de 25 avocats (dont plusieurs ont un CAV) dans une gamme de domaines, confirme que de nombreuses personnes ne sont pas Ă  l’aise de communiquer en ligne. Mais Internet peut de fait offrir davantage de sĂ©curitĂ© qu’un cabinet typique.

« Un avocat peut Ă©crire une note et la laisser sur son bureau, et un visiteur peut la lire, dit-elle. Vous pouvez ĂŞtre au tĂ©lĂ©phone et quelqu’un peut vous entendre. Et la vision de confidentialitĂ© assurĂ©e est impossible une fois que vous commencez Ă  enregistrer. Les communications en ligne sont plus sĂ»res parce que les documents sont protĂ©gĂ©s par mot de passe et conservĂ©s dans un endroit oĂą ils ne peuvent pas ĂŞtre Ă©garĂ©s. »

L’Ă©poux de Stephanie Kimbro, un dĂ©veloppeur de logiciel, a crĂ©Ă© un programme lui permettant de gĂ©rer son CAV de façon Ă  assurer sa sĂ©curitĂ© et sa confidentialitĂ©. Lorsque d’autres avocats ont commencĂ© Ă  lui demander des conseils, elle et son Ă©poux ont fait de ce programme un produit commercialisable.

Ce logiciel a facilitĂ© les choses pour l’avocate de Virginie Cassie Craze lorsqu’elle a lancĂ© son CAV en mai. Cette mère de deux enfants de moins de deux ans apprĂ©cie la souplesse d’un CAV. « Vous ne travaillez pas moins d’heures que dans un bureau traditionnel, mais vous fixez votre horaire Ă  votre guise », dit-elle. Elle est spĂ©cialisĂ©e en planification successorale, adoptions et Ă©ducation spĂ©ciale.

Un autre avantage est que les frais gĂ©nĂ©raux sont faibles. C’est ce qui a convaincu l’avocat de Chicago Keith Jacobson de crĂ©er son CAV, Jacobson & Schiefelbein. Il l’a fait avec un collègue, en juillet dernier. « Ă€ Chicago, le loyer mensuel peut ĂŞtre d’environ 1000 $, dit-il. Avec un CAV, l’espace physique n’est pas un problème. Le travail virtuel vous libère aussi du fardeau de papier. Les dossiers informatisĂ©s rĂ©duisent les frais et simplifient le travail. »

Le tout permet d'offrir des tarifs plus abordables, dit Cassie Craze. « Nous entendons des gens se plaindre de la façon dont un cabinet d’avocats traditionnel fonctionne et de leurs tarifs Ă©levĂ©s. Ils n’ont plus les moyens de retenir un avocat. Certains ont parfois simplement besoin d’une rĂ©ponse Ă  une question ou de faire rĂ©diger un document. Mes taux sont la moitiĂ© de ceux d’un cabinet traditionnel, sinon moins. »

Pour les avocats qui envisagent de lancer leur propre CAV, Stephanie Kimbro recommande de dĂ©cider de la nature de leur travail et de la façon dont ils entendent le structurer, d’engager un professionnel pour crĂ©er le site, d’obtenir un certificat SSL et de s’assurer que le site est sĂ©curisĂ©.

« En plus des aptitudes Ă  traiter avec les gens et des capacitĂ©s juridiques, vous devrez raffiner vos aptitudes en technologie, ajoute Karl Schieneman. Si vous ĂŞtes un avocat autonome, vous avez l’habitude de traiter avec les clients personnellement. Il faut un changement de paradigme et je crois qu’il est difficile pour de nombreux avocats, surtout en raison du fait qu'ils ne gagnent pas immĂ©diatement un million de dollars. »

Karl Schieneman croit quand mĂŞme que le nombre de CAV augmentera dans les cinq prochaines annĂ©es. « Tout ce domaine du droit virtuel est en pleine Ă©volution. Je crois que nous en sommes Ă  la version 2.0 du CAV, mais pas encore Ă  la version 3.0 oĂą les choses deviendront rĂ©ellement intĂ©ressantes. »

Daniel Casciato est un rédacteur pigiste de Pittsburgh.