Les écrits restent, ou pourquoi développer ses compétences en rédaction

  • 27 juin 2018
  • Ann Macaulay

Il y a fort Ă  parier que John Grisham a plus Ă©crit comme avocat que dans toute sa carrière d’Ă©crivain.

Courriels, mĂ©moires, lettres aux clients – il n’est pas rare pour un avocat de rĂ©diger des centaines de pages en une semaine, remarque Cheryl Stephens, Ă©ducatrice, formatrice et consultante en communications, en commercialisation par rĂ©seaux sociaux et en langage clair Ă  Vancouver. Ce qui n’empĂŞche pas certains d’ignorer les règles de grammaire les plus Ă©lĂ©mentaires – on suppose qu’ils savent Ă©crire en entrant Ă  la facultĂ© de droit.

Qui plus est, la plupart des avocats se croient fins rĂ©dacteurs mĂŞme s’ils n’ont peut-ĂŞtre aucune formation en la matière. « Ils ne font pas le poids, et ne veulent pas admettre qu’ils craignent d’avoir des faiblesses en Ă©criture », rapporte Mme Stephens.

Certes, un juriste n’est pas obligĂ© d’avoir le style d’un Ă©crivain. Il reste qu’il doit ĂŞtre Ă  mĂŞme de communiquer clairement avec ses clients, ses collègues et les tribunaux. Voici quelques conseils Ă  cet effet.

Soyez clair

RĂ©digez de façon claire, concise et bien articulĂ©e Ă  l’aide de puces et d’en-tĂŞtes. Une personne occupĂ©e dĂ©cide au premier coup d’Ĺ“il si un document mĂ©rite son attention; si le message n’est pas clair, elle passera vite Ă  autre chose. « Tout doit ĂŞtre en ordre, car l’apparence visuelle est dĂ©terminante Ă  cet Ă©gard », souligne Mme Stephens.

Tout document – ne serait-ce qu’un courriel – doit donner du contexte et dĂ©montrer professionnalisme, civilitĂ© et organisation. Évitez le jargon juridique, surtout avec les clients. Pensez au destinataire et Ă  ce qu’il doit savoir. La ligne « Objet » devrait lui indiquer s’il devrait ne serait-ce que se donner la peine de l’ouvrir.

Prenez le temps de vous relire. RĂ©visez votre texte et passez-le au correcteur orthographique et grammatical. S’il s’agit d’un document important, vous devriez toujours le faire relire, indique Mme Stephens. D’ailleurs, comme le fait valoir cette dernière, « on ne voit jamais ses propres erreurs ».

Au chapitre des outils, elle recommande le correcteur grammatical de Microsoft Word ou l’application Hemingway (en français, on recommandera le logiciel Antidote), qui met en Ă©vidence les longues phrases compliquĂ©es et l’emploi de la voix passive. Elle suggère par ailleurs de consulter le Web. « Faites-vous lecteurs assidus de blogues traitant de communication juridique efficace. »

Soyez efficace

Les erreurs typographiques ou grammaticales – ou, tout bonnement, le manque de rigueur – « font sortir les gens de leurs gonds », rapporte Me Marie Buckley, autrefois avocate plaidante Ă  Boston, auteure de The Lawyer’s Essential Guide to Writing et qui aujourd’hui forme des juristes en rĂ©daction. « Mais il ne suffit pas de rĂ©gler ces problèmes pour prĂ©tendre Ă  l’excellence en rĂ©daction juridique (ou autre). » Il s’agit avant tout de prĂ©senter l’information efficacement.

Me Buckley croit fermement qu’une bonne plume n’est hors de la portĂ©e d’aucun avocat. « Quand on est assez brillant pour passer l’examen du Barreau, on l’est assez pour rĂ©diger un document, une lettre ou quoi que ce soit d’autre de façon cohĂ©rente. Je crois qu’on le doit bien Ă  nos clients. »

Toute rĂ©daction factuelle repose sur trois grands principes, explique Me Buckley. « Premièrement, utiliser un langage clair; deuxièmement, faire les choses dans le bon ordre; troisièmement, dire au destinataire ce qu’il doit faire. » Un langage clair n’est pas nĂ©cessairement un langage simple, prĂ©cise-t-elle. « Certes, vous pouvez exploiter votre impressionnant vocabulaire, mais employez-le pour faire preuve de prĂ©cision et de nuance, et non pour faire Ă©talage de votre Ă©rudition. » Pour vous assurer que vous vous exprimez en langage clair, ajoute-t-elle, posez-vous la question suivante : « Est-ce que j’utiliserais ce mot dans une conversation entre collègues? »

MĂŞme s’il y a lieu d’adopter un registre un peu plus soutenu Ă  l’Ă©crit qu’Ă  l’oral, le naturel reste de mise. « Nos clients parlent la langue des affaires modernes; il nous appartient de faire de mĂŞme », remarque Me Buckley.

Simplifiez vos phrases, utilisez des verbes Ă©vocateurs, laissez tomber le superflu « et, surtout, mettez de la confiance dans vos Ă©crits », explique Me Buckley. Elle a vu de jeunes juristes faire des recherches pour ensuite Ă©crire n’avoir trouvĂ© aucun jugement pertinent, ce qui donne l’impression qu’ils ont nĂ©gligĂ© leur travail et ne sont pas sĂ»rs de leurs conclusions. Ils auraient plutĂ´t dĂ» utiliser la formulation « aucun cas connu ». « Le message est le mĂŞme, mais cette tournure dĂ©montre beaucoup plus d’assurance. »

Faites les choses dans le bon ordre

IdĂ©alement, tout document devrait se diviser en trois parties – l’introduction, le corps et la conclusion – et le premier paragraphe devrait en rĂ©sumer le contenu. « La chose la plus importante Ă  mentionner dans votre introduction est votre conclusion et ce qui la motive », indique Me Buckley.

Les titres et sous-titres aident Ă  organiser un document et permettent au lecteur non seulement d’y repĂ©rer ce qui l’intĂ©resse, mais aussi, comme le remarque cette dernière, de sauter le reste, ce qui est « l’un des services les plus attentionnĂ©s que l’on puisse lui rendre ».

Me Buckley invite ses Ă©tudiants Ă  laisser passer autant de temps que possible entre le premier jet et la relecture. « Ainsi, comme on porte alors sur le texte le regard d’un rĂ©viseur plutĂ´t que d’un rĂ©dacteur, certaines choses nous sautent aux yeux. »

Au sein d’un cabinet, les juristes chevronnĂ©s peuvent donner un coup de pouce Ă  leurs jeunes collègues en formulant des commentaires cohĂ©rents, positifs et constructifs sur leurs textes. « S’asseoir avec une personne moins expĂ©rimentĂ©e qui s’apprĂŞte Ă  rĂ©diger une note pour en survoler avec elle les points importants, voire lui en esquisser le plan et la structure, ça se fait », signale Me Buckley. « Le rĂ©sultat n’en sera que meilleur s’ils prennent le temps d’Ă©claircir ces questions en amont. »

C’est par leurs compĂ©tences rĂ©dactionnelles que les jeunes juristes peuvent le mieux se faire valoir et bâtir leur rĂ©putation, souligne Me Buckley. « Un Ă©crit reflète votre façon de penser et de prĂ©senter l’information. » Qui plus est, indique-t-elle, comme la rĂ©daction s’apprend, ils devraient d’autant plus y consacrer de l’Ă©nergie. « J’aime voir les jeunes envisager la rĂ©daction non pas comme une Ă©preuve, mais comme un outil dont la maĂ®trise peut les aider Ă  se distinguer. »

Trucs pour devenir un meilleur rédacteur

  • Pensez au destinataire et au but de votre document
  • Choisissez le registre qui convient au lecteur
  • Utilisez un langage clair et Ă©vitez le jargon juridique, les blagues, les termes spĂ©cialisĂ©s et les locutions latines
  • Enlevez les mots inutiles
  • Utilisez la voix active
  • Gardez-vous du temps pour vous rĂ©viser
  • Utilisez les logiciels de rĂ©vision gratuits disponibles sur le Web
  • Faites rĂ©viser vos documents importants
  • Utilisez des sous-titres pour rendre votre document plus lisible
  • Suivez un cours de rĂ©daction

Ann Macaulay contribue régulièrement à EnPratique de l'ABC.