Quelle est la valeur d’un avocat salarié?

  • 01 janvier 2014
  • Ed Poll

Qu’est-ce que les cabinets devraient attendre de leurs jeunes avocats? Dire qu’un avocat vaut la somme des profits découlant de la facturation ou des occasions d’affaires rapportées, c’est ignorer des facteurs subjectifs dont il faudrait tenir compte. Par exemple, la combinaison des compétences et des attitudes de l’avocat laisse-t-elle entrevoir un développement potentiel de sa carrière au-delà du volume d’affaires immédiat? En outre, les compétences comprennent tant la connaissance du droit que la capacité à comprendre les affaires en droit.

L’analyse de rentabilité

Ce dernier point mène à l’analyse de la rentabilité des avocats salariés, qui n’est pas la même chose que leur valeur pour le cabinet. Les salariés peuvent calculer le profit net qu’ils génèrent pour le cabinet à l’aide de la formule suivante : Factures – [Rémunération totale du salarié + Dépenses directes et indirectes] = Profit net.

Le profit net est le profit disponible résultant des efforts d’un salarié. Règle générale, les nouveaux avocats devraient être des contributeurs au profit net trois ans après leur embauche. La responsabilité des salariés est de faire leur travail de la manière la plus efficace et la plus efficiente possible, dans le délai le plus court possible. Remplir cette responsabilité de manière à générer des profits nets pour le cabinet est essentiel pour qu’un salarié développe sa carrière dans un cabinet donné.

Le manque à gagner pour la profitabilité

Si le salarié fait un bon travail, que le cabinet comprend, détermine et surveille les objectifs que le salarié doit atteindre (que ce soit le nombre d’heures, la nature du travail ou les revenus), que le salarié atteint ces objectifs, et que les deux parties acceptent la rémunération versée au salarié pour cet effort… où est le problème? Le salarié est satisfait de sa rémunération, le cabinet obtient du travail de qualité et rentable pour le cabinet, et les clients sont bien servis. Qu’est-ce qui cloche dans ce portrait?

Le problème, évidemment, est le modèle du cabinet lui-même, qui astreint les avocats salariés à « travailler au centre ». Ce sont de bons avocats, mais pas des as de la vente. Embauchés par le cabinet pour fournir une force de travail, ils génèrent du travail à bien meilleur marché que les associés qui ont facturé ce travail au taux plus élevé des associés. Les salariés demeurent, leur revenu augmente, puis après la huitième ou la neuvième année, ils sont soit invités à s’associer à leur tour, soit remerciés de leurs services. De nos jours, on les laisse souvent partir avant même que se pose la question de leur éventuelle association.

La stratégie de rentabilité

Changer cette dynamique demande de la planification. Chaque cabinet d’avocats est une entreprise, et les entreprises qui n’ont pas une idée claire de leurs objectifs généraux et de l’usage stratégique de leurs meilleurs atouts — les jeunes employés, qui sont l’avenir de l’entreprise — n’ont pas un très grand avenir. Voici ce que doit comprendre tout plan efficace visant à stimuler la capacité des salariés à générer des bénéfices :

  • La question n’est pas le nombre d’heures facturables fournies par les salariés, mais le genre de travail facturable et ce qu’il apporte au cabinet.
  • Si un cabinet ne peut pas mesurer le développement des salariés par des normes précises de temps facturable, de formation et d’efforts de développement de la clientèle, il ne connaîtra jamais le véritable potentiel de génération de bénéfices du salarié.
  • Il faut fixer des cibles à court terme réalistes, et lever la barre graduellement.
  • Il faut éviter de condamner les salariés à l’échec en fixant des attentes de bénéfices ou des objectifs de développement des affaires déraisonnables.
  • Il faut donner aux salariés un délai adéquat, mais qui transmet néanmoins un sentiment d’urgence.

Un plan de développement intelligent n’a pas besoin d’être compliqué. Ce peut être aussi simple que de fixer pour le salarié deux ou trois résultats dans un délai donné, de définir les comportements nécessaires pour atteindre ces résultats, et de donner au salarié les moyens d’atteindre ces résultats.

Le succès de tout salarié dépend de deux choses : sa propre volonté de réussir, et la capacité du cabinet à lui fournir les moyens de réussir. Définir le « succès » en termes subjectifs comme « plus de bénéfices » ou « une meilleure capacité de vente » ne donne que des critères flous difficiles à cerner, et encore plus difficiles à atteindre.

Les mesures de rentabilité

Plus tôt les salariés se mettent adopter les mesures spécifiques de leur plan de développement, plus vite ils améliorent leur contribution aux profits de l’entreprise. Les cabinets devraient encourager les salariés à entreprendre des activités de développement des affaires à côté des tâches que leur assignent les associés.

Ces mesures peuvent être aussi simples que de communiquer régulièrement avec d’anciens camarades de la faculté de droit pour développer des sources de clients potentiels. Ou, ce peut être un effort plus organisé, comme entrer dans l’espace public en publiant des articles, en participant à des évènements ou en remplissant des fonctions dans les associations de barreau, idéalement en collaboration avec des associés établis et plus expérimentés. Les salariés devraient aussi être encouragés à faire du « blogage juridique » (que ce soit à titre personnel ou au nom du cabinet), et à contribuer à tenir les clients à jour. Pour développer leur carrière, quelle que soit la taille de leur cabinet, les salariés doivent utiliser de tels outils et établir l’expertise nécessaire pour se présenter aux clients potentiels et les convaincre de faire affaire avec leur cabinet. Voilà la voie du développement d’une carrière rentable, tant pour le salarié que pour le cabinet.

Dès que les salariés se mettent à concevoir leur carrière comme une série de cibles entrepreneuriales et professionnelles structurées, la dynamique change. Ils ne cherchent plus à deviner les attentes des associés ou à savoir si le cabinet va les garder — ils comprennent désormais ce qu’ils doivent faire et prennent les moyens pour y arriver. Les avocats qui comprennent comment faire croître leur carrière peuvent mieux évaluer la valeur qu’ils apportent à l’entreprise, et mieux la traduire dans leur travail. Voilà des salariés rentables, et que tout cabinet veut garder.

Edward Poll est CMC et mentor de procureurs et de cabinets juridiques à Los Angeles pour les aider à devenir plus rentables. Il est l’auteur de Attorney and Law Firm Guide to the Business of Law: Planning and Operating for Survival and Growth, 2nd ed. (ABA, 2002), Collecting Your Fee: Getting Paid from Intake to Invoice (ABA, 2003), Selling Your Law Practice: The Profitable Exit Strategy (LawBiz, 2005) et Growing Your Law Practice in Tough Times (West Pub. 2010).