Postes de suppléants offerts aux nouveaux avocats

  • 01 juin 2014
  • Becky Rynor

Nul besoin de dire à un nouvel avocat que le marché du travail est difficile.

Les facultĂ©s de droit forment des lĂ©gions de diplĂ´mĂ©s, les stages ne mènent plus nĂ©cessairement Ă  un poste permanent Ă  temps plein, et les cabinets comptent gĂ©nĂ©ralement beaucoup moins d’avocats.

Comment les avocats dĂ©butants font-ils, alors, pour se lancer dans la pratique, acquĂ©rir de l’expĂ©rience et se construire un rĂ©seau?

L’une des solutions consiste Ă  devenir supplĂ©ant, c’est-Ă -dire un avocat qui travaille sous contrat pour un cabinet Ă  titre de remplaçant lors de congĂ©s pour une courte ou une longue pĂ©riode, en pĂ©riodes de pointe ou lorsque le cabinet est dĂ©bordĂ© et a besoin de l’aide d’un autre avocat.

« Que ce soit pour un contrat de trois ou de six mois, pour l’examen d’un document ou pour un très important dossier de litige, vous avez l’occasion de vous lancer et d’acquĂ©rir de l’expĂ©rience professionnelle », explique Salima Alibhai, conseillère directrice chez ZSA Legal Recruitment Ă  Toronto. « Certains cabinets sont occupĂ©s Ă  des moments prĂ©cis de l’annĂ©e et souhaitent embaucher du personnel pour quelques semaines ou quelques mois afin de traverser cette pĂ©riode de pointe. Un de nos clients, qui s’occupait de litiges entre crĂ©ancier et dĂ©biteur, avait plusieurs dossiers accumulĂ©s pour lesquels il pouvait payer un employĂ© Ă  un salaire beaucoup moindre que celui d’un avocat Ă  temps plein. La solution du remplaçant s’est donc avĂ©rĂ©e Ă©conomique pour lui. Il a embauchĂ© un supplĂ©ant pour examiner ces dossiers, et n’a pas eu Ă  lui verser les honoraires d’un avocat permanent du cabinet. »

Salima Alibhai explique que ZSA Legal Recruitment perçoit 25 % du traitement reçu par le supplĂ©ant la première annĂ©e, calculĂ© au prorata, et paie toutes ses retenues. MĂŞme si le salaire d’un avocat dĂ©butant n’est pas faramineux, elle affirme que la supplĂ©ance prĂ©sente d’autres avantages sur le plan financier.

« L’avantage de la supplĂ©ance, c’est la rĂ©munĂ©ration au taux horaire », fait-elle remarquer. « Les avocats n’ont pas droit Ă  la rĂ©munĂ©ration des heures supplĂ©mentaires prĂ©vue dans la lĂ©gislation sur les normes du travail. Un avocat travaille gĂ©nĂ©ralement entre 14 et 16 heures par jour, mais ne peut ĂŞtre payĂ© pour plus de 8 heures de travail. Le supplĂ©ant, lui, peut. Comme il est payĂ© Ă  l’heure, il arrive Ă  recevoir un bon salaire pour un poste Ă  court ou Ă  long terme. Et très souvent, s’il s’agit d’un poste Ă  long terme, par exemple dans une banque, le supplĂ©ant peut mĂŞme obtenir un poste permanent. »

Alan Treleaven, directeur de l’enseignement et de la pratique pour la Law Society of British Columbia, insiste toutefois sur le fait qu’il faut faire preuve de prudence en embauchant un avocat nouvellement admis au barreau ou un avocat dĂ©butant comme supplĂ©ant.

« Les compĂ©tences et l’expĂ©rience de l’avocat dĂ©butant doivent correspondre aux tâches qui seront accomplies par le supplĂ©ant », souligne-t-il. « L’un des Ă©lĂ©ments clĂ©s pour embaucher le bon supplĂ©ant consiste Ă  s’assurer que l’avocat choisi possède l’expĂ©rience et le jugement nĂ©cessaires pour gĂ©rer des dossiers, qu’il s’agisse de nouveaux clients ou d’affaires en cours. Pour les causes plus difficiles, comme les affaires matrimoniales ou criminelles, je recommande aux avocats qui veulent embaucher un supplĂ©ant de trouver quelqu’un qui possède de l’expĂ©rience dans le domaine, et non un avocat en phase d’apprentissage. »

Quand les circonstances s’y prĂŞtent, il convient qu’un poste de supplĂ©ant peut constituer une excellente façon pour un avocat dĂ©butant d’acquĂ©rir de l’expĂ©rience.

« L’examen d’un dossier de litige entre crĂ©ancier et dĂ©biteur, la participation Ă  un grand procès ou l’absorption du surplus de travail d’un cabinet d’avocats, qu’il s’agisse de dossiers accumulĂ©s ou d’une augmentation du volume de travail, voilĂ  des tâches qui peuvent ĂŞtre assumĂ©es par un supplĂ©ant, parce que ce dernier recevra les conseils et l’aide de ses pairs », affirme-t-il. Sa plus grande crainte serait qu’un avocat dĂ©butant travaille de façon isolĂ©e.

« L’avocat dĂ©butant doit possĂ©der les compĂ©tences pratiques nĂ©cessaires Ă  l’affectation. Si vous travaillez de façon complètement isolĂ©e, ce n’est pas la mĂŞme chose que si vous travaillez en Ă©quipe. »

« Si l’avocat doit travailler de chez lui pour faire certaines recherches juridiques et rĂ©diger quelques mĂ©moires et qu’il vient ensuite au cabinet pour en discuter avec les membres, ce n’est pas un problème », affirme Alan Treleaven. « Le problème, c’est l’isolement. Apporter un tas de dossiers Ă  la maison pour finir toutes ces affaires liĂ©es Ă  l’administration des biens immobiliers sur la table de cuisine, pour un avocat sans expĂ©rience, ça ne peut qu’ĂŞtre une mauvaise idĂ©e. Mais apporter tous ces dossiers Ă  la maison pour faire les recherches et les examens nĂ©cessaires, rĂ©diger un rapport et se prĂ©senter ensuite au cabinet pour en discuter avec ses collègues et signaler les problèmes, selon la complexitĂ© des dossiers, ce n’est pas nĂ©cessairement une mauvaise idĂ©e. »

Les parajuristes ou les avocats supplĂ©ants ou Ă  forfait peuvent s’inscrire sur le site Web de certains barreaux provinciaux, ĂŞtre recommandĂ©s par un collègue ou publier des annonces dans les revues spĂ©cialisĂ©es ou dans d’autres rĂ©pertoires d’emplois dans le domaine juridique. Le Barreau du Haut-Canada, par exemple, a crĂ©Ă© un rĂ©pertoire des avocat(e)s et parajuristes Ă  forfait en 2009 Ă  la suite de son enquĂŞte sur la rĂ©tention des femmes en pratique privĂ©e.

« Nous nous sommes dit qu’il faudrait des avocats et des parajuristes disponibles pour fournir des services sur de courtes pĂ©riodes », affirme JosĂ©e Bouchard, conseillère principale en Ă©quitĂ© au Barreau du Haut-Canada. « Mais le programme ne se limite pas aux courtes pĂ©riodes. Si quelqu’un dĂ©cide, par exemple, de prendre un congĂ© de six mois pour poursuivre ses Ă©tudes ou dĂ©cide de partir en vacances pendant quatre semaines et qu’il a besoin d’une personne pour garder ses dossiers Ă  jour, il peut embaucher un de nos contractuels. »

Salima Alibhai convient que l’avocat doit connaĂ®tre le domaine dans lequel il sera affectĂ©, mais elle prĂ©cise que lorsque c’est le cas, la supplĂ©ance peut aider les nouveaux avocats, tant sur le plan professionnel que financier, dans un marchĂ© de l’emploi en rapide Ă©volution.

« La supplĂ©ance vous permet d’acquĂ©rir une solide expĂ©rience, d’obtenir des lettres de recommandation et de vous familiariser avec la communautĂ© juridique. Un associĂ© peut mĂŞme vous dire “Je sais que ce cabinet cherche…”ou “Je serais heureux de vous Ă©crire une lettre de recommandation” », affirme-t-elle. « De nos jours, tout se fait par l’intermĂ©diaire de connaissances; c’est une façon de se faire connaĂ®tre, d’amĂ©liorer ses habiletĂ©s juridiques et honnĂŞtement, pour beaucoup d’Ă©tudiants, c’est le moyen de commencer Ă  rembourser leurs dettes. Ă€ la fin de leurs Ă©tudes en droit, leur dette se chiffre Ă  100 000 $, et ils doivent commencer Ă  la rembourser dans les six mois suivant l’obtention de leur diplĂ´me. Ils ne veulent pas quitter le milieu du droit. C’est donc une façon de demeurer dans le domaine, mĂŞme si on n’a pas obtenu un poste permanent. »

Becky Rynor est journaliste Ă  Ottawa.