L’art de l’entente : les fusions et acquisitions selon Pavan Jawanda

  • 14 décembre 2015
  • Ann Macaulay

La faiblesse du dollar, l’incertitude quant au prix des produits de base et le changement de gouvernement au Canada sont autant de facteurs influant sur les prévisions pour la nouvelle année dans le domaine des fusions et acquisitions, explique Pavan Jawanda, avocat adjoint chez McCarthy Tétrault à Vancouver.

La défaite des conservateurs aux mains des libéraux aux élections fédérales d’octobre semble hâter la conclusion d’ententes déjà sur la table de négociation, précise M. Jawanda, spécialiste des fusions et acquisitions.

« Certains vendeurs, qui détiennent une offre ouvrant de forts gains en capitaux, estiment qu’il leur faut conclure une entente pour matérialiser une partie de ces gains avant le 31 décembre, vu l’incertitude fiscale à prévoir pour 2016. L’éventualité de changements fiscaux ne saurait à elle seule pousser les entreprises à signer des contrats inenvisageables en temps normal, mais elle accélère certainement les choses pour les ententes déjà en négociation. »

M. Jawanda souligne que ces derniers mois, son cabinet a traité un volume accru d’ententes transfrontalières et internationales avec des investisseurs des États‑Unis et d’ailleurs souhaitant établir une présence au Canada. On peut s’attendre à ce que cette recrudescence d’activité se poursuive en 2016, alimentée par la faiblesse du huard. « Maintenant que les experts monétaires prédisent que cette faiblesse de la devise pourrait s’installer à plus long terme, certains investisseurs étrangers semblent prêts à signer une entente dans un délai raisonnable. »

L’incertitude relative au prix des produits de base entraîne le report de certaines grosses ententes dans les secteurs touchés, mais ce n’est certes pas l’unique facteur qui joue sur les fusions et acquisitions. « Bien que les ententes dans les industries liées aux ressources soient évidemment moins nombreuses qu’il y a deux ou trois ans, on observe une croissance de l’activité entre les acheteurs et les vendeurs des secteurs public et privé dans des sphères telles que les technologies, les produits de consommation, le secteur manufacturier et les services financiers. »

Membre du barreau depuis seulement six ans, M. Jawanda a été comptable avant d’être avocat. Maniant aussi bien la langue comptable que celle des juristes, il est bien placé pour offrir des conseils d’affaires plus pénétrants que ceux d’un juriste « unilingue ».

« J’ai eu la chance de m’occuper d’ententes dans différents pays, et les finances et la comptabilité sont manifestement la langue universelle des affaires. S’il existe des différences techniques entre les pratiques locales, les IFRS ou les PCGR, tout le monde sait ce que sont les BAIIA, les flux de trésorerie, les fonds de roulement, les leviers financiers, etc. »

Les juristes spécialisés en fusions et acquisitions sont de précieux conseillers pour les clients acheteurs ou vendeurs d’entreprise. Ils sont là pour rédiger le contrat d’achat ou de vente suivant son contexte et réduire les risques juridiques pour le client, afin que les parties s’entendent et consentent à signer.

« Dans ce domaine, les meilleurs juristes que j’aie vus, chez nous comme ailleurs, sont capables de synthétiser ces documents très complexes, qui font entre 20 et 100 pages, pour en résumer les points principaux d’une façon intelligible pour les clients – des entrepreneurs ou des gens d’affaires –, qui peuvent alors prendre une décision éclairée. »

En avril, M. Jawanda donnera une présentation sur la rédaction de ce document capital qu’est le contrat d’achat ou de vente. Ce sera l’un de huit modules principaux du volet 2016 du Programme de perfectionnement de l’ABC « Maîtres en pratique ». Ce volet s’intitulera « Anatomie d’une transaction » et comptera 16 modules, qui couvriront toutes les facettes d’une entente de fusion ou d’acquisition, de A à Z, au moyen d’un scénario créé par Jake Bullen, associé chez Cassels Brock & Blackwell.

C’est aussi M. Jawanda qui a donné l’un des cours les plus populaires du volet 2015.

Dans un monde idéal, le client fait appel à l’équipe de fusions et acquisitions au début du processus, quand les choses n’en sont qu’à la lettre d’intention, au protocole d’entente, voire seulement à l’entente de confidentialité. « Habituellement, notre premier travail consiste à structurer l’entente. À ce stade, nous interagissons avec le client, qui est habituellement l’acheteur ou le vendeur. Nous travaillons parfois avec ses comptables pour discuter des livres ou de fiscalité, et avec d’autres spécialistes selon le type d’industrie. » Lorsqu’il y a des questions de droit fiscal, de droit du travail, de propriété intellectuelle ou de droit environnemental ou des questions liées à la Loi sur la concurrence qui présentent un caractère unique ou particulièrement complexe, l’équipe consulte des spécialistes de son cabinet. « Le travail peut donc devenir vraiment multidisciplinaire, et c’est pour cela qu’il est tout sauf ennuyeux. »

Une première version du contrat est rédigée, puis envoyée à l’autre partie pour entamer les négociations. « Ensuite, différents scénarios sont possibles. Les négociations peuvent être ardues et durer des semaines ou des mois avant qu’on arrive à conclure, ou tout peut aller très vite, comme cela se voit dans les très compétitives ventes aux enchères ou dans le cas d’une entente d’urgence. »

Les objectifs et les priorités du client diffèrent beaucoup selon qu’il est vendeur ou acheteur. Le client vendeur recherche habituellement ce que M. Jawanda appelle les grands C : certitude de conclure et certitude d’une bonne contrepartie. En revanche, l’acheteur souhaite lui aussi conclure l’entente, mais veut réduire ses risques et éviter les mauvaises surprises. Ces intérêts concurrents influent sur les conditions à la signature, les droits de résiliation et les garanties.

« On observe depuis peu un phénomène intéressant : l’assurance déclarations et garanties, très populaire aux États‑Unis depuis quelques années, devient chez nous un moyen de plus en plus prisé des acheteurs et des vendeurs voulant protéger leurs arrières. »

« Le problème est toujours le même : l’acheteur connaît moins bien les tenants et aboutissants que le vendeur, vu l’asymétrie naturelle de l’information entre les parties. Dans certains cas, l’entente ou l’entreprise est si alléchante que l’acheteur, très pressé de signer, est prêt à assumer certains risques calculés. »

Ann Macaulay est rédactrice à Toronto.