Mise à jour de la LCSA : La Loi canadienne sur les sociétés par actions pourrait connaître de profonds changements

  • 01 fĂ©vrier 2014
  • George Mucalov

En dĂ©cembre dernier, Ottawa a lancĂ© une consultation publique sur la mise Ă  jour de la Loi canadienne sur les sociĂ©tĂ©s par actions (LCSA). CrĂ©Ă©e en 1975, cette loi n’a pas connu de rĂ©vision majeure depuis treize ans.

« Il est important de s’assurer que la LCSA reste Ă  jour et qu’elle reflète les rĂ©alitĂ©s actuelles », observe Andrew Grossman, du cabinet Norton Rose Fulbright Canada, exprimant une opinion largement partagĂ©e.

La rĂ©munĂ©ration des cadres, les droits de vote et de participation des actionnaires, le dĂ©lit d’initiĂ© et le soutien aux entreprises socialement responsables sont tous Ă  l’ordre du jour.

« L’idĂ©e de soutenir les entreprises socialement responsables est particulièrement intĂ©ressante », note Ernest McNee, du cabinet Blake Cassels & Graydon. « Nous avons l’habitude de concevoir les sociĂ©tĂ©s commerciales comme distinctes des organisations socialement responsables. Le profit a toujours Ă©tĂ© perçu comme leur seule motivation. Je suis heureux que le gouvernement fĂ©dĂ©ral cherche des moyens de concilier la recherche du profit avec la responsabilitĂ© sociale. »

La liste d’Ă©picerie de cet exercice de consultation contient Ă©galement des prĂ©occupations plus larges, comme la reprĂ©sentation des deux sexes aux conseils d’administration des entreprises publiques et la lutte Ă  l’Ă©vasion fiscale, au blanchiment d’argent, au financement du terrorisme et Ă  la corruption internationale, ainsi que des questions techniques qui ont surgi depuis la rĂ©vision de 2001.

La rĂ©vision de la LCSA, qui rĂ©git quelque 235 000 entreprises, devra tenir compte des lois provinciales sur les valeurs mobilières. « La mise Ă  jour devra porter une grande attention Ă  la toile d’araignĂ©e des dispositions lĂ©gislatives qui rĂ©gissent actuellement les valeurs mobilières », prĂ©vient Andrew Grossman.

Enfin, bien que la LCSA s’applique Ă  presque la moitiĂ© des plus grandes entreprises publiques du Canada, la plupart des sociĂ©tĂ©s visĂ©es par la LCSA sont de petite ou moyenne taille. C’est un autre aspect avec lequel la rĂ©vision devra se dĂ©battre.

« Il y a beaucoup plus de petites et moyennes entreprises que de grandes, et elles sont une force motrice majeure de l’Ă©conomie canadienne, crĂ©ant la plupart des nouveaux emplois », rappelle l’avocat montrĂ©alais Patric Besner, du cabinet Besner Avocats d’affaires. « Il nous faut une loi moderne adaptĂ©e aussi Ă  toutes ces autres entreprises. »

Voici les principales questions au menu de cette consultation.

1) Dispositions « say-on-pay » obligatoires

Des dispositions dites « say-on-pay » devraient-elles ĂŞtre intĂ©grĂ©es Ă  la LCSA? Essentiellement, ces dispositions obligeraient les sociĂ©tĂ©s Ă  solliciter un vote « consultatif » ou non contraignant des actionnaires sur la rĂ©munĂ©ration des cadres supĂ©rieurs. Par exemple, les actionnaires sont-ils favorables Ă  un gĂ©nĂ©reux programme de prime au rendement pour le PDG? Ces nouvelles dispositions « pourraient donner aux conseils d’administration un outil afin de contenir la rĂ©munĂ©ration des cadres et imposer un peu de discipline dans leur rĂ©munĂ©ration globale », croit Ernest McNee.

Des mesures « say-on-pay » s’appliquent dĂ©jĂ  Ă  plusieurs entreprises publiques aux États-Unis et au Royaume-Uni. Au Canada, plusieurs entreprises publiques majeures, notamment des banques, ont aussi volontairement adoptĂ© le vote consultatif sur la rĂ©munĂ©ration des cadres. Mais certaines entreprises publiques canadiennes importantes rĂ©sistent Ă  ce type de mesure.

Si on les adopte, les règles « say-on-pay » ne devraient s’appliquer qu’aux entreprises publiques, estime Andrew Grossman. « On ne peut pas demander aux sociĂ©tĂ©s fermĂ©es de suivre les mĂŞmes règles de gouvernance que les entreprises publiques. Ces deux types de sociĂ©tĂ© ont une anatomie complètement diffĂ©rente qui doit ĂŞtre reconnue. »

Il y a aussi la question de savoir s’il vaut mieux intĂ©grer les dispositions « say-on-pay » Ă  la LCSA ou laisser la rĂ©glementation provinciale sur les valeurs mobilières (axĂ©e sur la divulgation) s’en charger. « Les avocats ont des opinions divergentes Ă  ce sujet, mais je crois que les dispositions “say-on-pay” devraient ĂŞtre laissĂ©es aux lois sur les valeurs mobilières, afin d’Ă©viter une rĂ©glementation excessive », affirme Ernest McNee. « L’absence de coordination entre la rĂ©glementation rĂ©gissant les valeurs mobilières et la LCSA pourrait ĂŞtre problĂ©matique. »

2) Droits de vote et de participation des actionnaires

Les moyens de favoriser une meilleure communication entre les actionnaires et les conseils d’administration sont aussi sur la planche Ă  dessin.

Pour commencer, la LCSA devrait ĂŞtre adaptĂ©e Ă  la technologie actuelle, soutient Ernest McNee. « Certaines mises Ă  jour techniques sont nĂ©cessaires pour reflĂ©ter la rĂ©alitĂ© d’aujourd’hui, par exemple permettre les tĂ©lĂ©rĂ©unions et la signification Ă©lectronique des envois de documents. »

On demande en outre au public de se prononcer sur certains moyens d’amĂ©liorer la position des actionnaires, notamment :

  • exiger le vote par bulletin (plutĂ´t qu’Ă  main levĂ©e) et la divulgation des rĂ©sultats
  • exiger l’Ă©lection individuelle des administrateurs (au lieu d’un scrutin de liste)
  • exiger l’Ă©lection annuelle des administrateurs (autrement dit, interdire les mandats de deux ou trois ans)
  • interdire les Ă©lections « Ă©chelonnĂ©es » oĂą se chevauchent les mandats (et qui font qu’on ne renouvelle qu’un tiers des administrateurs Ă  la fois)
  • exiger que chaque administrateur soit Ă©lu par vote majoritaire

Le but des mesures proposĂ©es est de renforcer la dĂ©mocratie des actionnaires, en s’assurant par exemple que le vote des actionnaires est mieux mesurĂ© et interprĂ©tĂ©. Elles permettraient notamment aux actionnaires d’Ă©valuer chacun des administrateurs et de rĂ©agir plus rapidement en cas de mĂ©contents vis-Ă -vis des actions autorisĂ©es par le conseil d’administration.

3) ResponsabilitĂ© des conseils d’administration

Parmi les Ă©lĂ©ments de discussion :

  • sĂ©parer le rĂ´le de prĂ©sident du conseil et celui de PDG dans les entreprises publiques (supprimant de ce fait le conflit intrinsèque qui survient lorsqu’un PDG prĂ©side le conseil, lequel est chargĂ© de la supervision de la gestion de l’entreprise)
  • exiger l’approbation des acquisitions considĂ©rablement dilutives (financĂ©es par les actions rachetĂ©es) par les actionnaires
  • mettre en place des moyens simples, comme l’arbitrage, pour traiter les perceptions d’abus
  • amĂ©liorer la responsabilitĂ© sociale des entreprises, par exemple en obligeant les conseils d’administration des entreprises publiques Ă  faire connaĂ®tre leur perception de l’impact social et environnemental des activitĂ©s de l’entreprise

4) Diversité

Le document de consultation demande Ă©galement au public de se prononcer sur les moyens de promouvoir la diversitĂ© dans les conseils d’administration des entreprises publiques (par exemple, comment faire en sorte que plus de femmes siègent aux conseils). Le document note que les autres pays ont employĂ© diffĂ©rentes mĂ©thodes pour favoriser la diversitĂ©, des lignes directrices volontaires aux quotas obligatoires.

5) Transparence

Ottawa sollicite Ă©galement l’opinion du public sur les moyens d’amĂ©liorer la transparence de la propriĂ©tĂ© d’actions et les obligations de dĂ©claration actuelles afin de lutter contre la corruption dans les opĂ©rations internationales. Le document laisse entendre qu’un mĂ©canisme de divulgation amĂ©liorĂ© pourrait Ă©galement rĂ©duire le blanchiment d’argent, le financement du terrorisme et la fraude fiscale.

Ce n’est pas tout…

Un vĂ©ritable buffet d’autres aspects importants de la LCSA est Ă©galement au menu de la discussion, comprenant notamment :

  • se dĂ©barrasser complètement des exigences relatives Ă  la rĂ©sidence canadienne des administrateurs
  • amĂ©liorer les mĂ©canismes de propositions des actionnaires
  • rĂ©viser les dispositions actuelles de la loi sur les offres d’achat
  • Ă©valuer l’utilisation actuelle d’arrangements en vertu de la LCSA pour restructurer les sociĂ©tĂ©s insolvables
  • modifier la dĂ©finition d’« Ă©viction »

Une réforme complète?

La question de savoir si la LCSA sera complètement refondue afin de répondre également aux préoccupations relatives aux sociétés fermées plus petites est jugée importante par plusieurs juristes.

« Il nous faut une rĂ©forme complète », soutient Patric Besner, qui fait partie du comitĂ© qui prĂ©pare le mĂ©moire de l’ABC. « Les avocats devraient Ă©crire Ă  la Direction gĂ©nĂ©rale des politiques-cadres du marchĂ© d’Industrie Canada pour exiger du gouvernement qu’il entreprenne une refonte complète. Si on ne le fait pas maintenant, on pourrait devoir attendre encore plusieurs annĂ©es. »

La date limite du dépôt des mémoires est fixée au 11 mars 2014. Pour plus amples renseignements sur le sujet et obtenir la documentation pertinente, cliquer ici.

Janice et George Mucalov sont avocats et auteurs. Ils vivent en Colombie-Britannique.