Qui trouve garde : conseils pour conserver vos juristes salariés

  • 12 avril 2016
  • Carolynne Burkholder-James

Selon des donnĂ©es recueillies par le Barreau de l’Alberta, 57 % des avocates et 49 % des avocats quittent la pratique privĂ©e au cours de leurs cinq premières annĂ©es d’exercice. De l’avis des experts, les chiffres sont probablement similaires partout au Canada.  

C’est un problème de taille pour les cabinets juridiques, dĂ©clare Lorene Nagata, fondatrice de NagataConnex Executive Legal Search, une sociĂ©tĂ© de recrutement de personnel juridique.

« La perte d’avocates et d’avocats salariĂ©s coĂ»te extrĂŞmement cher », dit-elle. « Ces derniers ne commencent gĂ©nĂ©ralement Ă  produire des revenus pour le cabinet qu’au cours de leur quatrième annĂ©e d’exercice. Avant cela, ils ne reprĂ©sentent qu’un investissement pour le cabinet. »

Le constant mouvement de personnel au sein d’un cabinet peut Ă©galement ĂŞtre frustrant pour les clients et nuire au moral, dĂ©clare Lorene Nagata, qui travaille Ă  Toronto.

Lorene Nagata et Allison Wolf, qui se spĂ©cialise dans l’encadrement des juristes auprès de Shift Work Strategic Inc., une sociĂ©tĂ© de Vancouver, ont quelques conseils pour aider les cabinets juridiques Ă  mieux retenir leurs avocats et avocates salariĂ©s.

Faites en sorte que les juristes salariĂ©s se sentent intĂ©grĂ©s Ă  l’Ă©quipe

Selon Lorene Nagata, l’indicateur le plus important laissant entendre qu’une personne va quitter son emploi repose sur le fait de savoir si elle a l’impression de faire partie intĂ©grante de l’Ă©quipe.

« Si vous ne savez pas comment faire en sorte que vos avocats et avocates se sentent intĂ©grĂ©s Ă  votre Ă©quipe, je pense que vous risquez de les perdre », affirme Lorene Nagata.

Elle recommande que les associĂ©s s’intĂ©ressent Ă  la carrière des avocats et avocates salariĂ©s de leur cabinet « pour qu’ils n’aient pas l’impression d’ĂŞtre jetĂ©s seuls dans le grand bain sans savoir nager. »

Cela peut inclure des mesures allant de leur offrir du mentorat, à leur confier des dossiers et à les présenter aux clients, déclare Lorene Nagata.

« Plus que tout, le fait de donner l’impression aux juristes salariĂ©s qu’ils sont importants et que leur travail est apprĂ©ciĂ© fait beaucoup pour les retenir », dit-elle. « Il est essentiel de leur donner l’impression qu’ils comptent. »

Soyez plus souple

Depuis quelques annĂ©es, de nombreux cabinets juridiques canadiens ont commencĂ© Ă  adopter des arrangements de travail souples pour retenir les avocates. 

Cependant, ces arrangements deviennent également un facteur important pour la rétention des avocats, ajoute Allison Wolf.

« C’est de plus en plus une question de rĂ©tention de tous les juristes », dit-elle. « Il ne s’agit plus des femmes ou des hommes, il s’agit de parents. J’entends des juristes salariĂ©s dire “j’envisage ma future carrière et quand je regarde la vie des associĂ©s de ce cabinet, je ne vois aucun exemple que je souhaite reproduire”. »

Allison Wolf a vu des cabinets juridiques adopter des options qui incluent le fait d’autoriser les juristes Ă  faire du tĂ©lĂ©travail ou Ă  travailler un nombre d’heures rĂ©duit lorsque leurs enfants sont en bas âge.

« Pour un grand nombre de cabinets, ces options de temps de travail souple sont difficiles Ă  gĂ©rer, car cela sort de leurs habitudes passĂ©es et prĂ©sentes », dit Allison Wolf. « Cependant, pour les cabinets qui peuvent adopter cette souplesse, cela leur permettra de conserver leurs meilleurs Ă©lĂ©ments. »

Veillez à ce que les femmes aient des modèles de référence

Selon Lorene Nagata, la rétention des avocates est depuis longtemps un problème pour les cabinets juridiques.

Ce défi a généré des initiatives telles que le projet Justicia du Barreau du Haut-Canada pour promouvoir la rétention et la promotion des femmes exerçant en pratique privée.

Lorene Nagata dit que de nombreuses femmes lui ont confié ne pas voir de modèle de référence au sein de leur cabinet.

« Plusieurs avocates salariĂ©es m’ont dit que la seule femme associĂ©e dans leur service n’a pas d’enfants », dit-elle. « Si elles n’ont pas de modèle de rĂ©fĂ©rence, elles prĂ©sument immĂ©diatement que le cabinet n’est pas ouvert Ă  la rĂ©ussite de quelqu’un comme elles ou que cette rĂ©ussite est tout bonnement impossible. »

Ajoutez les conjoints Ă  l’Ă©quation

Les juristes du secteur privĂ© doivent frĂ©quemment travailler pendant de longues heures, dĂ©clare Allison Wolf. « Et le conjoint ou la conjointe peut en ĂŞtre la principale victime. »

Elle conseille aux cabinets juridiques d’ajouter les conjoints de leurs juristes Ă  l’Ă©quation.

« Le fait que le cabinet ait une relation avec le conjoint ou la conjointe peut aussi aider Ă  crĂ©er une meilleure impression Ă  son Ă©gard et un meilleur engagement du couple », affirme-t-elle. « Cette acceptation peut aider. »

Allison Wolf recommande aux cabinets d’ouvrir certaines activitĂ©s sociales aux conjoints des juristes salariĂ©s pour aider Ă  l’Ă©tablissement d’un lien positif entre eux et le cabinet.

Entretenez-vous avec les juristes qui partent pour déceler les problèmes

Lorene Nagata recommande aux cabinets juridiques d’engager un tiers indĂ©pendant qui s’entretiendra avec les avocats et avocates salariĂ©s qui quittent le cabinet.

« Je pense que si le cabinet confie les entretiens de dĂ©part Ă  son propre service de ressources humaines, il n’en tirera pas grand-chose. Qui va aller critiquer le cabinet en face d’un de ses employĂ©s? Pourquoi brĂ»ler ses propres ponts? », dit-elle.

Lorene Nagata conseille aux cabinets de plutĂ´t permettre Ă  un tiers d’effectuer les entretiens de dĂ©part et d’Ă©valuer les rĂ©ponses au fil du temps pour que le cabinet ne puisse pas identifier qui a dit quoi.

Elle recommande en outre aux cabinets de veiller à poser les questions adéquates lors des entretiens de départ.

« Le tiers devrait poser des questions du genre suivant. Pensez-vous que le travail Ă©tait rĂ©parti Ă©quitablement? Pensez-vous que votre formation Ă©tait adĂ©quate? Pensez-vous que vous avez bĂ©nĂ©ficiĂ© d’un mentorat de qualitĂ©? Pensez-vous que les gens s’intĂ©ressaient Ă  la progression de votre carrière? Pourquoi quittez-vous le cabinet? Qu’aurions-nous pu faire pour vous faire changer d’avis? »

En fonction des réponses données par les juristes, les cabinets pourraient être en mesure de déceler des problèmes internes qui pourraient les pousser à partir, déclare Lorene Nagata.

RĂ©alisez que parfois, vous ne pouvez rien y changer

Parfois, un avocat ou une avocate souhaite juste ardemment s’en aller, dĂ©clare Allison Wolf.

« Il n’est pas rare qu’une personne soit engagĂ©e en qualitĂ© de stagiaire, qu’elle soit restĂ©e au sein du cabinet et n’ait jamais travaillĂ© ailleurs. Dans ce cas, elle pourrait tout simplement souhaiter voir ce qui se passe ailleurs », explique Allison Wolf. « Le cabinet peut ĂŞtre un très bon endroit oĂą travailler. Aurait-il pu faire quelque chose pour retenir cette personne dans ce cas-lĂ ? Non, je ne le pense pas. Parfois, les gens veulent essayer quelque chose de nouveau et de diffĂ©rent. »

En outre, pour certains juristes salariĂ©s, c’est le travail qui leur dĂ©plait, dit Allison Wolf.

« Pour certains juristes, le travail n’est ni motivant ni fascinant et ne correspond pas Ă  ce qu’ils ont besoin de faire », dĂ©clare-t-elle. « Vous ne pouvez pas conserver quelqu’un dans cette situation. Au final, pour certaines personnes, il y a une sorte d’incompatibilitĂ© avec la pratique ou mĂŞme avec la profession. »

Carolynne Burkholder-James est avocate chez Heather Sadler Jenkins LLP Ă  Prince George (C.-B.)