Quand un dirigeant cède sa place

  • 27 avril 2015
  • Patrick J. McKenna

NDLR : Les droits de reproduction de cet article ont Ă©tĂ© accordĂ©s Ă  l’ABC Ă  titre gracieux pour l’Ă©dition Dirigeants de cabinets d’avocats du bulletin EnPratique de l’ABC. Il s’agit d’une version abrĂ©gĂ©e.

Quand le très admirĂ© Robert M. Dell, ex-prĂ©sident et associĂ© directeur de Latham & Watkins, a pris sa retraite Ă  la fin de 2014, après 20 ans Ă  la direction du cabinet, il a laissĂ© de grands souliers Ă  chausser. Mais les mesures que le cabinet a prises pour veiller au succès de sa succession devraient servir de modèle en matière de gestion et de succession Ă  la direction :

  • Dell a prĂ©venu le cabinet treize mois Ă  l’avance qu’il cĂ©derait sa place
  • Pour superviser le processus de sĂ©lection, Latham a mis sur pied un comitĂ© de succession formĂ© de membres d’un grand nombre de bureaux et de groupes de pratique du cabinet
  • Dell a travaillĂ© avec le nouvel associĂ© directeur pendant environ six mois pour l’aider Ă  assurer une transition en douceur

Un changement de direction peut être une épreuve compliquée et désordonnée, ou il peut être planifié avec soin pour promouvoir au mieux les intérêts du cabinet. Dans cet article, je voulais exposer quelques-unes des meilleures pratiques en la matière, et les pièges potentiels auxquels le dirigeant sortant et le dirigeant entrant devraient être attentifs.

Si vous ĂŞtes le dirigeant sortant

Le dirigeant sortant a des responsabilités envers le cabinet concernant la sélection impartiale de son successeur et le processus de transition.

Premièrement, quand l’heure de se retirer est venue, la bonne chose Ă  faire est d’assister le comitĂ© exĂ©cutif ou le conseil d’administration dans la formation d’un comitĂ© de sĂ©lection, mais sans devenir membre de ce comitĂ© ni suggĂ©rer des candidats pour examen par le comitĂ©.

Pour que processus de sĂ©lection soit efficace, le comitĂ© exĂ©cutif ou le conseil d’administration doit d’abord s’entendre sur l’orientation stratĂ©gique du cabinet. Le conseil doit dĂ©finir l’effet très spĂ©cifique qu’il voudrait voir le prochain dirigeant avoir sur les activitĂ©s du cabinet et les compĂ©tences requises pour y parvenir.

Deuxièmement, votre cabinet vous survivra, et il prospĂ©rera sans vous. Vous devriez donc prĂ©parer des motifs de dĂ©part rĂ©alistes, prĂ©sentĂ©s de manière positive, et communiquer votre enthousiasme pour vos prochains projets et l’avenir du cabinet.

Troisièmement, la pĂ©riode de transition est un bon moment pour s’occuper enfin des problèmes opĂ©rationnels ennuyeux ou des personnalitĂ©s difficiles, de sorte que le nouveau dirigeant puisse prendre ses fonctions et commencer immĂ©diatement Ă  s’attaquer aux questions stratĂ©giques plus importantes.

Quatrièmement, songez aux informations que vous voudriez dĂ©tenir si c’Ă©tait vous qui deviez occuper ce poste pour la première fois, et assurez-vous de les transmettre Ă  votre successeur.

Cinquièmement, pour assurer le succès du nouveau dirigeant, vous ne devriez en aucun cas discuter de sa performance avec qui que ce soit au cabinet. Vous devriez vous contenter de le soutenir et de cultiver ses points forts.

Enfin, le meilleur conseil que je puisse donner Ă  n’importe quel dirigeant quittant le bureau est de simplement lâcher prise. Et par « lâcher prise », je veux dire s’abstenir complètement de se mĂŞler de la direction du cabinet.
Le cabinet doit apprendre à vivre sans vous. Plus tôt vous vous ôterez du chemin, plus tôt le cabinet passera aux choses sérieuses.

Si vous ĂŞtes le dirigeant entrant

Peu de nouveaux dirigeants de cabinet sont aussi bien prĂ©parĂ©s que nous le souhaiterions — ou qu’ils le souhaiteraient eux-mĂŞmes. Voici quelques Ă©lĂ©ments Ă  garder Ă  l’esprit.

Premièrement, la plupart des professionnels sous-estiment considĂ©rablement la portĂ©e de la responsabilitĂ© que reprĂ©sente la gestion d’un cabinet entier. Le poste devrait avoir une description dĂ©taillĂ©e largement diffusĂ©e dans tout le cabinet afin que tout le monde ait une idĂ©e juste de ce que le poste implique.

Deuxièmement, le plus gros problème dont me parlent les nouveaux dirigeants est toujours la quantitĂ© de temps requis pour faire le travail. Un avis de la Citibank de 2014 intitulĂ© The Leadership Challenge (Le dĂ©fi de diriger) a notĂ© que « pour ĂŞtre efficace, un dirigeant de cabinet doit approcher sa tâche comme un rĂ´le Ă  temps plein ».

Troisièmement, tout nouveau dirigeant de cabinet doit avoir une idĂ©e claire des attentes des autres associĂ©s. Dans la plupart des situations, votre prĂ©occupation première ne devrait pas ĂŞtre de vous mettre immĂ©diatement au travail, mais de vous mettre immĂ©diatement Ă  l’Ă©coute : parlez aux associĂ©s pour connaĂ®tre leur point de vue et obtenir leurs conseils, et vĂ©rifiez avec eux ce qu’ils souhaitent vous voir secouer et ce qu’ils souhaitent voir prĂ©servĂ©.

Quatrièmement, vos décisions, la façon dont vous les prenez, les personnes que vous consultez, tout cela sera surveillé de très près. Même chose pour tout ce que vous direz et les signaux que vous enverrez. Vous devez être particulièrement prudent quant à la façon dont est perçue la relation que vous entretenez avec les personnes avec qui vous avez déjà travaillé en étroite collaboration.

Et n’oubliez pas d’informer les gens sur la meilleure façon de travailler avec vous. Par exemple :

  • Comment prĂ©fĂ©rez-vous recevoir l’information : en personne, par tĂ©lĂ©phone ou par Ă©crit?
  • Votre porte est-elle ouverte ou prĂ©fĂ©rez-vous que les gens prennent rendez-vous?
  • Avez-vous des bĂŞtes noires?
  • ĂŠtes-vous Ă  l’aise avec le fait qu’on vous appelle Ă  la maison?

Cinquièmement, en vous basant sur ce que vous avez entendu lors de vos entretiens avec les autres associĂ©s, fixez quelques grandes prioritĂ©s. Vous ne pouvez pas tout rĂ©gler en une seule fois ni faire tout ce que vous souhaiteriez faire, alors vous devez faire des choix stratĂ©giques. C’est Ă  partir de lĂ  que vous commencez Ă  aligner votre cabinet sur une direction commune Ă  long terme.

Pour vos 100 premiers jours, vous devez cibler quelques premières victoires. Choisissez certains problèmes que votre cabinet n’a pas Ă©tĂ© en mesure de rĂ©gler et cherchez un moyen de les corriger rapidement. VoilĂ  comment on renforce son ossature et qu’on favorise une perception positive de la transition.

Dernière chose, si vous vous concentrez sur la prĂ©paration de votre hĂ©ritage, on se souviendra de vous comme de quelqu’un qui Ă©tait concentrĂ© sur la prĂ©paration de son hĂ©ritage. Au lieu de cela, concentrez-vous sur la vitalitĂ© concurrentielle Ă  long terme du cabinet.

Patrick J. McKenna (patrickmckenna.com) est une autoritĂ© internationalement reconnue en matière de gestion et de stratĂ©gie pour les cabinets d’avocats. Il est co-auteur des succès de librairie First Among Equals (Premier parmi ses pairs) et Serving At The Pleasure of My Partners : Advice To The NEW Firm Leader (Au service heureux de ses associĂ©s : conseils au nouveau dirigeant de cabinet), publiĂ©s chez Thomson Reuters en 2011. Il a Ă©galement fait l’objet d’une Ă©tude de cas Ă  Harvard intitulĂ©e Innovations In Legal Consulting (L’innovation en conseil juridique). Vous pouvez le contacter Ă  l’adresse patrick@patrickmckenna.com.