Préoccupations concernant le projet d’une Commission d’examen et de traitement des plaintes du public

  • 28 février 2023

Le projet de loi C-20 vise à établir une Commission d’examen et de traitement des plaintes du public pour examiner et enquêter sur des plaintes soumises contre le personnel de la Gendarmerie royale du Canada (GRC) et l’Agence des services frontaliers du Canada (ASFC). Selon la Section du droit de l’immigration de l’ABC, le projet de loi constitue un élément de réforme important des mécanismes qui permettent de déposer les plaintes. La section a toutefois 11 préoccupations principales concernant le projet de loi en ce qu’il touche à l’ASFC, dont les plus saillantes sont résumées ci-dessous :

Les délais et dates limites

La section s’inquiète du fait que le projet de loi pourrait habiliter la Commission, en collaboration avec l’ASFC, à décider des délais appropriés pour la résolution des plaintes. Selon le mémoire, « le travail de la Commission pourrait être présenté comme “efficace” quant au traitement des plaintes, quoiqu’en réalité les cibles soient déplacées », et puisqu’un délai d’un an est imposé pour qu’un plaignant puisse déposer sa plainte, il est donc raisonnable que la Commission soit également tenue de conclure ses travaux dans ce même délai fixe.

Les plaintes doivent être soumises dans l’année après l’incident, mais ce délai ainsi que le délai de 60 jours pour renvoyer une plainte à la Commission, pourraient être prolongés « par la Commission ou le président de l’ASFC si l’un ou l’autre est “d’avis que la prolongation est justifiée et ne va pas à l’encontre de l’intérêt public” ». L’ABC signale que les termes « justifiée » et « intérêt public » ne sont pas définis dans le projet de loi C-20, et qu’il se peut que les demandeurs d’asile vulnérables potentiellement victimes de mauvaises conduites ne se rendent compte que la conduite en cause représente un motif de plainte plus d’un an après les faits.

Comme solution simple, la section recommande de faire démarrer le délai de dépôt d’une plainte à « la date où le demandeur en est avisé ou en a eu connaissance », au lieu du jour où les incidents auraient eu lieu.

Sécurité nationale

Le texte du projet de loi C-20 stipule que la Commission n’a pas compétence pour effectuer un examen de certaines activités de l’ASFC « liées à la sécurité nationale », mais énonce également que la Commission doit refuser d’examiner toute plainte si cette affaire concerne « des activités étroitement liées à la sécurité nationale ».

Comme le dit la section de l’ABC dans son mémoire, ce n’est pas clair si la terminologie différente utilisée est un oubli de rédaction ou bien si la distinction est intentionnelle. « Il convient de clarifier dans quelles mesures une plainte sera interprétée comme étant liée à des questions de sécurité nationale avant que celle-ci ne soit considérée comme étant “étroitement liée” à la sécurité nationale », prévoit la lettre. Ce processus impliquerait une évaluation qualitative, par exemple en se concentrant sur la nature des activités susceptibles d’être examinées plutôt que sur les caractéristiques de la personne qui dépose la plainte. Sur le plan quantitatif, la section exhorte le législateur à clarifier l’étendue des inquiétudes au niveau de la sécurité nationale nécessaire pour que la plainte soit considérée comme « étroitement liée » à la sécurité nationale.

« En tant que juristes traitant des demandes d’AIPRP pour le compte de clients, nous constatons que les fonctionnaires ont tendance à faire la part belle à toute disposition législative mentionnant des questions analogues à la sécurité ou à la sécurité nationale comme motif pour refuser l’accès à des parties ou à la totalité du dossier d’un client », y compris aux notes des agents. « En l’absence de lignes directrices claires définissant les critères permettant de déterminer si une personne est “étroitement liée” à la sécurité nationale, la même tendance se manifestera sous le régime de ce projet de loi », énonce la lettre.

D’autres clarifications nécessaires

La Section du droit de l’immigration est préoccupée du fait que certains termes ne sont pas définis précisément dans le projet de loi C-20. Par exemple, qu’est-ce qui constitue des plaintes « futiles ou vexatoires ou portées de mauvaise foi » qui pourraient conduire à un simple rejet d’enquête?

De même, le critère « dans les meilleurs délais » est très vague. « Si les délais pour entamer le processus sont longs ou imprévisibles, les plaignants potentiels ou le personnel de l’ASFC peuvent ne pas considérer la résolution informelle comme une option viable. De même, les parties devraient disposer d’un délai raisonnable pour répondre qu’elles acceptent ou refusent la résolution informelle en ce qui concerne un dossier particulier, afin d’éviter de retarder indûment les dossiers de plainte », souligne la section.