Adapter le système de justice pénale au monde après la COVID-19

  • 18 aoĂ»t 2022

Dans l’ensemble, la Section du droit pĂ©nal de l’Association du Barreau canadien soutient le projet de loi S-4 qui vise Ă  clarifier le libellĂ© du Code criminel et Ă  modifier plusieurs dispositions en rĂ©ponse Ă  la pandĂ©mie de COVID-19. Toutefois, comme elle l’explique dans sa lettre Ă  la sĂ©natrice Mobina Jaffer, prĂ©sidente du ComitĂ© permanent des affaires juridiques et constitutionnelles, elle doit soulever certaines inquiĂ©tudes.

Comparutions Ă  distance

La section de l’ABC appuie globalement le recours accru aux comparutions Ă  distance dans les affaires pĂ©nales. Cependant, « le consentement des accusĂ©s est primordial, parce que bon nombre d’entre eux […] n’ont pas facilement accès aux technologies Ă  distance, comme les audioconfĂ©rences et les vidĂ©oconfĂ©rences ».

Pour s’assurer que les comparutions Ă  distance sont uniquement utilisĂ©es dans les cas oĂą l’accusĂ© peut utiliser des technologies Ă  distance, la section de l’ABC recommande l’ajout Ă  cette liste de trois facteurs qui doivent ĂŞtre pris en compte par le tribunal lors de la prise de dĂ©cision quant Ă  la comparution Ă  distance : l’accès des parties Ă  la technologie nĂ©cessaire, y compris Ă  une connexion Internet stable; les facteurs particuliers Ă  prendre en considĂ©ration pour maintenir le principe de la publicitĂ© de la justice, en particulier pour les affaires très mĂ©diatisĂ©es, et les questions de sĂ©curitĂ© qui se posent dans l’affaire.

La section de l’ABC recommande Ă©galement de permettre expressĂ©ment aux juges d’autoriser la comparution Ă  distance « selon toutes conditions appropriĂ©es dans les circonstances ». Ainsi, ceux-ci pourraient rĂ©gler dès le dĂ©part des questions comme le lieu appropriĂ© pour les tĂ©moignages, plutĂ´t que d’attendre qu’elles soient soulevĂ©es le jour de l’audience ou du procès.

Plaidoyers et audiences de détermination de la peine

La section de l’ABC soulève quelques prĂ©occupations quant aux comparutions des accusĂ©s par audioconfĂ©rence ou vidĂ©oconfĂ©rence. La première concerne la vĂ©rification de l’identitĂ© de la personne qui comparaĂ®t Ă  distance. « Nous proposons de n’utiliser cette technologie que lorsque son identitĂ© peut ĂŞtre vĂ©rifiĂ©e avec certitude, par exemple si elle est accompagnĂ©e d’un avocat. »

La deuxième inquiĂ©tude est liĂ©e au besoin d’investir dans la technologie nĂ©cessaire pour les parties. Les membres de la section de l’ABC signalent que les Ă©tablissements correctionnels font souvent comparaĂ®tre les accusĂ©s par tĂ©lĂ©phone pour certaines procĂ©dures lorsque toutes les salles de vidĂ©o sont occupĂ©es. « L’accusĂ© doit alors choisir entre consentir Ă  procĂ©der par tĂ©lĂ©phone ou demander le report de l’audience Ă  un autre jour s’il veut bĂ©nĂ©ficier de la vidĂ©oconfĂ©rence », selon la lettre.

La troisième inquiĂ©tude concerne les problèmes d’horaire crĂ©Ă©s par le fait que les juges des procès travaillent dans diffĂ©rentes juridictions ayant recours Ă  diffĂ©rentes approches pour les comparutions Ă  distance. La section recommande l’ajout d’une disposition autorisant ou « obligeant » tout juge de la juridiction compĂ©tente Ă  entendre la requĂŞte si toutes les parties consentent Ă  ce que l’affaire se dĂ©roule Ă  distance. « Cela simplifierait les requĂŞtes de cette nature et libĂ©rerait des ressources judiciaires pour traiter des questions plus urgentes. »

Mandats, sélection des jurés et empreintes digitales

La section de l’ABC appuie la modernisation des dispositions relatives aux tĂ©lĂ©mandats et Ă  l’intĂ©gration de la vidĂ©oconfĂ©rence au processus de sĂ©lection des jurĂ©s. Dans le cas de la vidĂ©oconfĂ©rence, la lettre indique qu’il s’agit d’une option qui « convient très bien aux questions prĂ©liminaires, par exemple les observations prĂ©liminaires du juge du procès ou les contrĂ´les prĂ©liminaires relatifs Ă  la citoyennetĂ©, Ă  la langue ou aux rĂ©cusations non motivĂ©es ».

La vidĂ©oconfĂ©rence n’est toutefois pas recommandĂ©e pour le processus de rĂ©cusation motivĂ©e ou l’administration d’un serment ou d’une affirmation solennelle. « La possibilitĂ© pour le jurĂ© potentiel et l’accusĂ© de se voir l’un l’autre en personne a une valeur qualitative inestimable. C’est leur première occasion de se rencontrer, et l’avocat pourrait avoir des observations Ă  faire sur des aspects subtils de la rĂ©action du jurĂ© par rapport au biais ou Ă  d’autres paramètres de l’admissibilitĂ© du jurĂ©. »

La section de l’ABC prĂ©cise que les modifications apportĂ©es Ă  la Loi sur l’identification des criminels doivent « trouver un Ă©quilibre entre l’intĂ©rĂŞt sociĂ©tal de recueillir des empreintes digitales pour enquĂŞter sur les crimes, d’une part, et le droit Ă  la vie privĂ©e des personnes qui n’ont pas encore franchi le banc des accusĂ©s, d’autre part ». Un accusĂ© n’est pas un criminel et ne devrait pas ĂŞtre obligĂ© de se soumettre Ă  une assignation pour la prise de ses empreintes digitales si les accusations ne sont pas portĂ©es devant un tribunal.

Selon la section, « il faut tenir compte du droit Ă  la vie privĂ©e des personnes impliquĂ©es dans une affaire pĂ©nale qui n’est finalement pas intentĂ©e, et penser en particulier aux consĂ©quences pour les jeunes, les personnes vulnĂ©rables et les personnes racisĂ©es qui doivent se prĂ©senter au poste de police ».