L’ABC remet en question la nécessité de combler une brèche inexistante

  • 11 mars 2021

Lorsque le Parlement a Ă©tĂ© prorogĂ© en aoĂ»t 2020, un certain nombre de projets de loi sont morts au feuilleton. Parmi eux, se trouvait le projet de loi C-5 qui aurait assujetti la validitĂ© des nominations Ă  la magistrature Ă  l’engagement Ă  suivre des cours sur le droit des agressions sexuelles et le contexte social. Le projet de loi C-5 Ă©tait similaire au projet de loi C-337, un projet de loi d’initiative parlementaire lui aussi mort au feuilleton lorsque les Ă©lections de 2019 ont Ă©tĂ© dĂ©clenchĂ©es.

La Section du droit pĂ©nal de l’ABC et le Sous-comitĂ© des questions judiciaires ont commentĂ© ces deux projets de loi et offrent maintenant leurs commentaires Ă  propos du projet de loi C-3, Loi modifiant la Loi sur les juges et le Code criminel.

Passons aux bonnes nouvelles en premier : l’ABC considère comme une amĂ©lioration que le projet de loi n’exige plus que l’ensemble des candidats et candidates suivent une formation sur les agressions sexuelles avant leur nomination, mais qu’il exige des personnes qui posent leur candidature pour un poste Ă  la magistrature qu’elles s’engagent Ă  suivre la formation. Il reste cependant des prĂ©occupations.

L’une des importantes questions est de savoir si la nomination d’un candidat sera suspendue ou conditionnelle jusqu’Ă  l’achèvement de la formation. Il faudrait Ă©galement savoir exactement Ă  qui incombe la responsabilitĂ© de dispenser la formation et qui assumerait le coĂ»t de l’inscription Ă  ces cours. « Si une personne est nommĂ©e, mais n’est pas en mesure de remplir son engagement, fera-t-elle l’objet de mesures disciplinaires? Ou d’autres sanctions? »

Alors qu’il est souhaitable que les juges canadiens soient formĂ©s de manière adĂ©quate, le mĂ©moire soulève d’importantes questions quant au caractère appropriĂ© de l’obligation qui serait imposĂ©e Ă  toute personne nommĂ©e Ă  un poste de juge de suivre une formation en droit des agressions sexuelles, particulièrement si le juge n’aura probablement jamais l’occasion de trancher ce genre d’affaire, comme ceux qui sont nommĂ©s Ă  la Cour canadienne de l’impĂ´t. Comme l’ont dĂ©jĂ  soulignĂ© la section et le sous-comitĂ© dans leurs commentaires Ă  propos de projets de loi antĂ©rieurs, le projet de loi  « ne prĂ©voit aucune mesure de sensibilisation aux agressions sexuelles pour les juges provinciaux et territoriaux, alors que ce sont eux qui sont appelĂ©s Ă  examiner le plus de dossiers d’agressions sexuelles ».

L’ABC s’inquiète Ă©galement de la protection de l’indĂ©pendance de la magistrature. « Il est troublant de voir le Parlement tenter de soumettre un des trois grands pouvoirs de l’État, qui ne lui est pas subordonnĂ©, Ă  une formation particulière qu’il juge nĂ©cessaire », dit le mĂ©moire, qui ajoute que le Conseil canadien de la magistrature et l'Institut national de la magistrature dispensent dĂ©jĂ  une formation de sensibilisation aux agressions sexuelles. « Ces institutions dirigĂ©es par des juges conçoivent des formations en droit pĂ©nal Ă  l’intention des juges fĂ©dĂ©raux; formations axĂ©es sur les procès portant sur des agressions sexuelles, y compris une formation sur le contexte social. Nous exhortons les juges provinciaux et territoriaux Ă  se procurer une formation adĂ©quate. »

Selon l’ABC, le projet de loi C-3, Ă  l’instar de ses prĂ©dĂ©cesseurs, vise Ă  corriger « une lacune inexistante dans l’appareil fĂ©dĂ©ral » sans aborder les possibles problèmes au sein de la magistrature provinciale et territoriale, oĂą siègent les juges qui tranchent presque toutes les affaires d’agressions sexuelles.