Point de non-retour : un rapport du groupe de travail sur la COVID-19

  • 23 fĂ©vrier 2021
  • Bradley Regehr et Vivene Salmon

L’ABC prĂ´ne depuis longtemps la modernisation du système de justice. MalgrĂ© le fait qu’il avait dĂ©jĂ  largement dĂ©passĂ© ses capacitĂ©s, le changement a Ă©tĂ© lent et progressif. Rares Ă©taient les personnes qui souhaitaient vraiment l’avènement d’un changement majeur et encore plus rares Ă©taient les fonds pour le concrĂ©tiser.

Et puis, la pandĂ©mie de COVID-19 est survenue et tous ses acteurs se sont efforcĂ©s dĂ©sespĂ©rĂ©ment de faire en sorte que le système de justice, soit les tribunaux et les services juridiques, fonctionne Ă  distance. Nous avons pensĂ© qu’il serait utile de prendre du recul et d’examiner les changements, d’Ă©valuer ce qui fonctionnait et ce qui ne fonctionnait pas, et de dĂ©terminer la manière dont le processus de modernisation pourrait se poursuivre durablement.

Pas de simples expédients

Entre autres, nous avons dĂ©couvert qu’il a fallu que le système vive un vĂ©ritable choc pour que des changements majeurs surviennent. Cependant, une fois ce premier pas rĂ©alisĂ©, les choses ont commencĂ© Ă  se mettre en place. L’un des importants enseignements en gĂ©nĂ©ral, c’est que le système de justice peut fournir ses services Ă  distance. Alors que divers domaines du droit ont des exigences diffĂ©rentes, les audiences virtuelles peuvent très bien fonctionner dans certains cas.

Le rapport est intitulĂ© « Point de non-retour » et cela rĂ©sume parfaitement la situation. La case dĂ©part est lĂ  oĂą nous sommes aujourd’hui, pas oĂą nous Ă©tions avant la pandĂ©mie. Nous devons collaborer avec d’autres partenaires du système de justice pour mettre en Ĺ“uvre de manière permanente ce qui fonctionne correctement et pour corriger ce qui peut ĂŞtre amĂ©liorĂ©.

GĂ©rer les risques

Nous devons reconnaĂ®tre et faire face aux risques liĂ©s Ă  la technologie. Nous devons veiller Ă  ne pas faire fi des dangers qu’elle prĂ©sente et de ses possibles effets collatĂ©raux involontaires. Ainsi, l’augmentation du nombre de documents Ă©lectroniques et d’enregistrements prĂ©sentĂ©s aux tribunaux signifie qu’un plus grand nombre de renseignements personnels sont divulguĂ©s et pourraient ĂŞtre utilisĂ©s pour nuire Ă  leur propriĂ©taire notamment pour l’humilier, divulguer en ligne ses renseignements personnels ou usurper son identitĂ©. Cette exposition accrue pourrait nuire Ă  la capacitĂ© d’une personne d’avoir recours Ă  la justice pour que justice lui soit faite. Par consĂ©quent, plusieurs recommandations portent sur l’importance de la protection des renseignements personnels et autres donnĂ©es sensibles.

Rien de tout cela n’est gratuit. Notre rapport intitulĂ© Atteindre l’Ă©galitĂ© devant la justice disait il y a quelques annĂ©es que nous vivons dans un « monde oĂą il y a une abondance de lois, mais une pĂ©nurie de ressources ». Cela n’a pas changĂ©. Nous disions alors que les dĂ©penses au titre de la justice ne reprĂ©sentaient qu’un pour cent des budgets du gouvernement. Nous tendons Ă  considĂ©rer la justice comme un luxe lorsqu’il s’agit des budgets gouvernementaux. Ce que nous ne voyons pas, ce sont les Ă©conomies dans d’autres domaines gĂ©nĂ©rĂ©es par les dĂ©penses au titre des enjeux liĂ©s Ă  la justice. Les problèmes juridiques qui ne sont pas rĂ©glĂ©s peuvent faire porter un lourd fardeau aux budgets en matière de santĂ© et de services sociaux. Chaque annĂ©e, il en coĂ»te aux gouvernements 248 millions de dollars en paiements au titre des services sociaux, 450 millions de dollars en assurance emploi et 101 millions de dollars au titre des frais de soins de santĂ©. Des sommes colossales. Les dĂ©penses faites aujourd’hui pour amĂ©liorer le système de justice gĂ©nĂ©reront de vastes Ă©conomies Ă  l’avenir.

Améliorer le sort des plaideurs marginalisés

Il importe de veiller Ă  ce que les gens qui se servent de la technologie, c’est-Ă -dire les juges, les membres des commissions et tribunaux administratifs, les mĂ©diateurs et le personnel judiciaire soient formĂ©s correctement Ă  l’utilisation de la nouvelle technologie. C’est particulièrement important pour les plaideurs non reprĂ©sentĂ©s par avocats ou marginalisĂ©s. Maintes personnes n’ont pas les connaissances suffisantes pour utiliser un ordinateur. Quelque forme que prenne la modernisation, elle doit tenir compte de l’âge, des connaissances, du niveau de revenu, de la mobilitĂ©. Bref, en la matière, il n’y a pas de panacĂ©e universelle, mais le système doit pourtant convenir Ă  tous et toutes.

Le rapport souligne que les partenaires du système de justice, soit notamment les cours, tribunaux, la profession juridique dans son ensemble, doivent collaborer. Ensemble, nous pouvons mettre des idĂ©es, et des rĂ©sultats, en commun et trouver une voie raisonnable Ă  suivre. Le rapport recommande en outre la crĂ©ation d’un centre d’expertise pour recueillir des donnĂ©es au sujet de la profession juridique et pour effectuer des sondages auprès des utilisateurs du système au sujet de leur expĂ©rience concernant son utilisation. C’est important, car si les personnes qui ont besoin d’accĂ©der au système de justice ne peuvent pas le faire correctement, cela veut dire qu’il ne fonctionne pas, un point c’est tout.