Le droit à l’avortement au Canada

Vous écoutez Juristes branchés, présenté par l'Association du Barreau canadien.

Animatrice : Aujourd'hui nous avons le plaisir de parler avec FrĂ©dĂ©rique Chabot, directrice pour la promotion de la santĂ©, chez Action Canada pour la santĂ© et les droits sexuels. Bonjour FrĂ©dĂ©rique, merci beaucoup d’ĂŞtre avec nous aujourd'hui comment ça va? FrĂ©dĂ©rique comme vous le savez le 24 juin 2022, la Cour suprĂŞme des États-Unis a renversĂ© la dĂ©cision Roe contre Wade. Quelle a Ă©tĂ© votre rĂ©action en tant qu’activiste?

F. Chabot : Écoutez, ça fait longtemps qu'on sait que c'est une possibilitĂ©, ça fait des mois qu’on en parle. Il y a eu la fuite des documents de la dĂ©cision au dĂ©but du mois de mai. MalgrĂ© tout ça, le 24 juin a Ă©tĂ© une journĂ©e choquante pour tout le monde Ă  Action Canada. Y a eu des larmes, y a eu de la colère. Parce que de voir sur papier une telle dĂ©cision qui va avoir des impactes dĂ©vastateurs sur des gens et sur des dĂ©cennies Ă  venir. MĂŞme s'il y a des changements qui se passent dans quelques annĂ©es, les gens aujourd'hui et jusqu’Ă  tant que ces changements-lĂ  soient faits leur vie va ĂŞtre impactĂ©e pour le reste de leur vie. Donc, il va y avoir des consĂ©quences Ă©normes et c'est surtout sur les populations qui sont dĂ©jĂ  marginalisĂ©es par des systèmes qui dĂ©jĂ  rendaient l’accès aux soins de service complexe. Donc, ç’a dĂ©jĂ  Ă©tĂ© un choc.

Ceci Ă©tant dit, ça fait dĂ©jĂ  des mois que les organisations qui s’occupent de droits reproductifs et de droits humains sont sur la question. Y a des networks qui sont en place, des rĂ©seaux qui sont en place pour s'assurer qu’on allait aider le plus de gens possible. C'est transnational, tout le monde se parle Ă  travers la rĂ©gion pour s’assurer qu’on met la main Ă  la pâte, pour essayer de mitiger ces effets-lĂ . Ceci Ă©tant dit, moi ça rĂ©affirme pour moi, devant une dĂ©cision comme ça, parce que dans la dĂ©cision de Dobbs versus Jackson qui est annulĂ©e Roe v Wade, dans le texte de la dĂ©cision ça dit : il est temps de renvoyer aux États la possibilitĂ© de lĂ©gifĂ©rer ou de dĂ©rĂ©glementer l’avortement selon les opinions de leurs citoyens.

Les droits humains ce n'est pas une question d’opinion. C'est un des plus progrès de l’humanitĂ© d’avoir Ă©tabli ces droits inaliĂ©nables et ce n'est pas une question d’opinion, parce que ce n'est pas comme ça qu’on protège les droits et la dignitĂ© des gens de dire : « on verra qu'est-ce que nos voisins en pensent. » Donc, ça c'est une grande erreur qui va avoir des effets dĂ©vastateurs, surtout aux États-Unis oĂą l’on voit des efforts herculĂ©ens pour limiter le droit de vote dans les États. Donc, vraiment lĂ  on a vu un coup politique se passer dans les institutions politiques amĂ©ricaines et c'est Ă©peurant pour quelqu'un qui travaille sur ces questions-lĂ  de voir la possibilitĂ© des impacts qui vont au-delĂ  de l'avortement, d’un moment comme ça. C'est aussi l’essence d’une colère qui j'espère va ĂŞtre productive au Canada chez les activistes, aux États-Unis et partout, que l’on se rende compte que la dĂ©fense des droits humains, le travail de tous c'est la responsabilitĂ© de tous. Et c'est une conversation qui est très importante.

Animatrice : Est-ce que les lois canadiennes sont Ă  l’abri de l’impact de la rhĂ©torique antiavortement qui nous vient des États-Unis?

F. Chabot : C'est une question que beaucoup de gens se posent en ce moment. Je pense que le choc a Ă©tĂ© brutal, non seulement aux États-Unis, avec la dĂ©cision qui est venue de la Cour suprĂŞme, mais aussi au Canada. Il y a beaucoup d’inquiĂ©tude sur ce qui pourrait se passer ici. Est-ce que nos droits sont Ă  l’abri? Est-ce que l’avortement est garanti au Canada. Donc, c'est une question qui est certainement d'actualitĂ© depuis la dĂ©cision-choc qui a Ă©tĂ© annoncĂ©e le 24 juin dernier aux États-Unis. La chose qu'il faudrait dire c'est que le paysage lĂ©gal, politique, au Canada est bien diffĂ©rent des États-Unis. Ceci Ă©tant dit, je pense que c'est une discussion qui vaut la peine en ce que concerne l’importance de rester vigilant pour ce qui est de nos droits.

Si la question est : est-ce que nos droits sont Ă  l’abri? En ce moment au Canada l’avortement est rĂ©gularisĂ© comme une procĂ©dure mĂ©dicale. Pour un petit retour dans l’histoire assez simplifiĂ©, c'est quelque chose qu’on pourrait avoir une longue discussion sur le sujet, mais en 1988, avec l’arrĂŞt Morgan Taylor, l’avortement ou l’offre de soins en avortement a Ă©tĂ© dĂ©criminalisĂ©. Ă€ ce moment-lĂ , la Cour suprĂŞme a offert au parlement d’introduire de nouvelles lois qui encadreraient l’offre de soins en avortement qui serait en ligne avec la nouvelle dĂ©cision Morgan Taylor. Et, le gouvernement qui Ă©tait conservateur Ă  l’Ă©poque a essayĂ© d’introduire un projet de loi qui s’est rendu au SĂ©nat et qui a Ă©tĂ© dĂ©fait au SĂ©nat. Donc, c'est Ă  ce moment-lĂ  que l'avortement a Ă©tĂ© dĂ©criminalisĂ©, pas parce qu'il n’y a pas eu un effort pour rĂ©gulariser l’offre de l’avortement au Canada, mais parce que le projet de loi a Ă©tĂ© dĂ©fait. Ă€ ce moment-lĂ  c'est devenu une procĂ©dure mĂ©dicale comme une autre.

Mais ce n'est pas entièrement vrai, parce qu'il existe encore beaucoup de stigmas autour de l’avortement, mais techniquement c'est devenu une procĂ©dure mĂ©dicale qui n’est pas rĂ©glementĂ©e dans le Code criminel canadien. Ça, ça veut dire qu’il y a une loi canadienne qui entoure l’offre de la procĂ©dure mĂ©dicale de l'avortement, c'est la Loi canadienne sur la santĂ©. Il y a 5 piliers qui nous sont offerts par la Loi canadienne sur la santĂ©. Donc, lĂ  c'est sĂ»r que je vais les oublier, ou je vais en oublier un. En gros ça garantit que les soins mĂ©dicaux au Canada sont administrĂ©s de façon publique, que le public n'a pas Ă  payer de frais pour des procĂ©dures mĂ©dicales qui sont assurĂ©es, qui sont accessibles au public. Ils sont portables, que l’on se trouve en Colombie-Britannique ou au Nouveau-Brunswick, on a accès aux mĂŞmes soins de santĂ©. C'est lĂ  que je vais oublier le numĂ©ro 4 et le numĂ©ro 5. En gros, ça veut dire qu'il y a une loi qui Ă©tablit les standards selon lesquels l’offre en avortement doit ĂŞtre faite.  

Est-ce que ça veut dire que depuis il n’y a pas eu des assauts politiques sur l'avortement? Pas du tout. Ça, ça veut dire qu’au niveau du gouvernement fĂ©dĂ©ral il y a plusieurs projets de loi privĂ©s qui ont Ă©tĂ© mis de l’avant depuis les annĂ©es 80 pour essayer de restreindre l’offre en avortement, ou encore de voir la vie d’un fĹ“tus reconnu comme Ă©tant sa propre personne. Y a plusieurs projets de loi qui ont Ă©tĂ© offerts, mais qui ont toujours Ă©tĂ© dĂ©faits depuis 1988. Donc, au Canada c'est diffĂ©rent des États-Unis c'est pas au Code criminel oĂą l’avortement est rĂ©glementĂ©, c'est rĂ©glementĂ© comme une procĂ©dure mĂ©dicale par la Loi canadienne sur la santĂ© et ensuite par les collèges professionnels qui y sont associĂ©s.

Animatrice : C'est-Ă -dire que Morgan Taylor ne va pas jouer le mĂŞme rĂ´le dans le système judiciaire au Canada que Roe versus Wade va jouer aux États-Unis, c'est ça?

F. Chabot : Effectivement, c'est important de faire la distinction, Roe v Wade, la façon dont le jugement a Ă©tĂ© Ă©crit, on a lĂ©gifĂ©rĂ© un droit constitutionnel Ă  l'avortement protĂ©gĂ© par un des amendements qui protège la vie privĂ©e. Donc ça veut dire que c'est comme une loi qui a encadrĂ© l'accès Ă  l'avortement, non pas comme une procĂ©dure mĂ©dicale, mais dans le fond pour dire que c'est un droit en tant que tel.

Animatrice : Est-ce que les femmes, ou toute personne qui peuvent ĂŞtre enceintes ont des raisons de craindre que leur droit Ă  l’avortement soit menacĂ© ici au Canada?

F. Chabot : Écoutez, dans ma longue, longue, longue rĂ©ponse, je donne un peu le contexte pour dire oui c'est très diffĂ©rent aux États-Unis et au Canada. Ceci Ă©tant dit, je pense qu'il  faut rester vigilant au Canada. Je ne pense pas que le droit Ă  l'avortement au Canada qui a Ă©tĂ© affirmĂ© Ă  plusieurs reprises dans plusieurs jugements ou par les obligations en droits humains que le gouvernement canadien est signataire. Les inquiĂ©tudes ne sont pas nĂ©cessairement les mĂŞmes. Ceci Ă©tant dit, ce que je me dis, moi, c'est que aux États-Unis il y a 4 ans, ça aurait Ă©tĂ© impensable que Roe v Wade soit annulĂ©. Donc, ça prend une certaine combinaison de circonstances qui viennent ensemble qui peuvent crĂ©er un moment spĂ©cial oĂą il peut y avoir de la rĂ©gression pour ce qui est de nos droits. Aux États-Unis, ç’a Ă©tĂ© l’Ă©lection de Donald Trump comme prĂ©sident qui a ensuite prĂ©cipitĂ© l’introduction de trois juges Ă  la Cour suprĂŞme, deux de ces nominations-lĂ  ont Ă©tĂ© forcĂ©es par les rĂ©publicains. Et ces trois juges-lĂ  ont affirmĂ© devant le congrès et devant le SĂ©nat qu’ils considĂ©raient Roe v Wade comme Ă©tant une loi qui Ă©tait Ă©tablie, impliquant de cette façon-lĂ  qu’ils n'allaient pas y toucher.

Donc lĂ , ici, on a plusieurs morceaux d’un casse-tĂŞte qui se mettent en place. On a des juges qui ont en effet menti lors de leur assermentation, et on a des juges qui ont Ă©tĂ© rushĂ© Ă  travers le processus pour ĂŞtre mis Ă  la Cour suprĂŞme par un prĂ©sident qui n'avait… qui de plusieurs façons Ă©tait problĂ©matique. Donc, ç’a pris toutes ces forces-lĂ  qui ont travaillĂ© ensemble pour avoir une cour qui a pu agir sur le plaidoyer de groupes antiavortement qui, depuis 20 ans, travaillaient pour essayer de faire annuler Roe v Wade. Et en attendant, ils avaient dĂ©jĂ  vĂ©ritablement dĂ©cimĂ© l’accès Ă  l’avortement dans plusieurs États aux États-Unis. Roe v Wade c'est un gros moment aux États-Unis, mais ça ne veut pas dire que le dĂ©clin n’avait pas commencĂ© avant le 24 juin 2022. L’accès Ă  l’avortement aux États-Unis Ă©tait dĂ©jĂ  sĂ©vèrement compromis dans plusieurs États.

Au Canada, ce que je me dis, c'est que premièrement il faut ĂŞtre vigilant parce que des circonstances qui s'alignent et qui font qu'un moment qui semble surprenant, ça peut arriver. Les forces antiavortement, antidĂ©mocratiques, anti-vote et anti droits humains sont fortifiĂ©es par ce qui s’est passĂ© aux États-Unis, c'est une montĂ© globale en ce moment d’attaques contre les droits reproductifs, des droits des femmes et les droits humains gĂ©nĂ©ralement. Donc, ce n’est pas un moment qui est unique aux États-Unis. Et ce sont des forces qui sont transnationales avec un financement qui est transnational.

Ce que l’on sait, il y a un rapport qui Ă©tĂ© publiĂ© par le Forum parlementaire europĂ©en pour les droits sexuels et reproductifs, il s’appelle The Tip of the Iceberg. Il trace le financement Ă  travers le monde et qui dĂ©montre que la majoritĂ© de ce financement-lĂ  vient de pays comme les États-Unis et la Russie. Il se retrouve, en Irlande, au Canada, en Afrique, en AmĂ©rique du Sud. Donc ce sont des forces qui se sont alliĂ©es avec un projet politique bien pointu. Et, il ne faut pas penser qu’au Canada on est immunisĂ© contre ces forces-lĂ . Et que tout Ă  coup, un moment politique distinct qui se forme, pour des raisons qui ne semblent pas possibles Ă  ce moment-ci, pourrait mener Ă  une rĂ©gression des droits humains au Canada.

Animatrice : En effet, c'est vrai que souvent dans la Loi, on va essayer de prendre la lĂ©gislation comme une manière de nous protĂ©ger contre des virages extrĂ©mistes par exemple, ou des lois ou des politiques qui seraient dĂ©posĂ©s et qui seraient de l’extrĂŞmement droite. C'est un peu pour ça qu’on entend de la part de certains activistes, certaines activistes, qu'ils plaident pour qu’il y ait une nouvelle loi qui protĂ©gerait l’avortement au Canada. Cependant, Action Canada avec l'Association nationale de femmes et droits ont rĂ©cemment publiĂ© un article qui est sur leur site internet qui plaidait tout le contraire en fait. Et, est-ce que vous pourriez nous expliquer pourquoi?

F. Chabot : Absolument. Action Canada et l’Association nationale des femmes et du droit se sont joints pour crĂ©er un papier sur notre position, qui soutient le fait que nous ne dĂ©sirons pas voir une nouvelle loi qui, dans le fond, protĂ©gerait le droit Ă  l’avortement d’une façon distincte au Canada. Et ça semble peut-ĂŞtre surprenant Ă  plusieurs, je sais qu'il y a quelques rĂ©ponses qu'on a reçues qui dĂ©montraient de l’incomprĂ©hension que des groupes leader au Canada sur les droits reproductifs et sur le droit des femmes prennent cette position-lĂ . Mais, la raison pour laquelle nous le faisons, c'est qu’au Canada on a un modèle qui est unique au monde et qui est utilisĂ© comme un exemple Ă  suivre dans plusieurs pays qui souhaitent libĂ©raliser l’accès Ă  l’avortement. Dans plusieurs endroits, les activistes proavortement disent : l’avortement est un soin mĂ©dical Abortion is Health Care. C'est au Canada oĂą on a un modèle oĂą c'est vĂ©ritablement le cas que l’on rĂ©glemente comme un soin mĂ©dical. L’avortement est protĂ©gĂ© de cette façon-lĂ . En n’Ă©tant pas soutirĂ© du concept de procĂ©dure mĂ©dicale, pour devenir un sujet politique qui peut ensuite se voir soumis Ă  des assauts politiques qui ne sont pas basĂ©s dans l'Ă©vidence que l’on a, ou bien la science qui existe autour de cette procĂ©dure mĂ©dicale lĂ .

En ce moment l'accès Ă  l’avortement est protĂ©gĂ© par une loi qui existe au Canada qui est la Loi canadienne sur la santĂ© qui a des standards Ă©levĂ©s pour ce qui est de : Ă  quoi on doit s’attendre en tant que canadien pour l’accès Ă  l’avortement. Est-ce que c'est le cas que l’accès Ă  l’avortement est nĂ©cessairement accessible de cette façon-lĂ ? Non! Mais on a les standards en place pour faire ce plaidoyer-lĂ  avec nos gouvernements. Et on a une procĂ©dure mĂ©dicale au lieu d’avoir un sujet politique qui… Ce qui veut dire que la pratique est dictĂ©e pas les avancĂ©es scientifiques, par les standards qui sont Ă©tablis internationalement et au Canada par les collèges professionnels ou l’Organisation mondiale sur la santĂ©. Au lieu d’avoir un sujet oĂą les opinions politiques pourraient dicter quand et oĂą l’avortement pourrait ĂŞtre offert.

Pour faire un parallèle, si on compare la procĂ©dure mĂ©dicale d’un avortement avec la procĂ©dure mĂ©dicale du remplacement d’une hanche, ou une procĂ©dure cardiaque, parce que quelqu'un a besoin d’une valve. Ce n'est pas par la loi criminelle que l’on dicte qui a accès Ă  cette procĂ©dure mĂ©dicale lĂ  ou comment cette procĂ©dure-lĂ  doit ĂŞtre offerte. Ce sont les standards mĂ©dicaux des collèges professionnels et les standards mondiaux sur le sujet qui dictent comment cette procĂ©dure-lĂ  peut ĂŞtre offerte, et pour qui. Imaginez, par exemple, si on a une procĂ©dure comme une transplantation de poumon et ça devient un sujet politique et lĂ  on a des groupes de lobby qui disent : bien Ă©coutez, ça devrait simplement offert aux gens ne fument pas, ça devrait ĂŞtre simplement offert aux gens qui font de l’exercice rĂ©gulièrement, ça devrait… Donc, si des considĂ©rations politiques ou d’opinion personnelle venaient interfĂ©rer avec le fait que c'est une procĂ©dure mĂ©dicale.

Donc, c'est Ă  la base, la raison pour laquelle Action Canada et l’Association des femmes et du droit ne soutiennent pas l’introduction d’une nouvelle loi sur le sujet qui isolerait l’avortement, le sortirait du fait que c'est Ă©tabli au Canada que nous considĂ©rons l’avortement comme faisant partie du droit Ă  la santĂ© et rĂ©gulĂ© de cette façon-lĂ . Donc ça, c'est la rĂ©ponse courte.  

Animatrice : Donc, en fait on comprend aussi qu'au Canada l’avortement est perçu comme un service mĂ©dical, un soin de santĂ©. Est-ce que ç’a Ă©tĂ© dĂ©cidĂ© Ă  un certain moment dans l’histoire de l’avortement au Canada, ou alors c'Ă©tait après une dĂ©cision de la Cour suprĂŞme qui est dĂ©jĂ  derrière nous, qui Ă©tait dans les annĂ©es 1990, ou c'est le rĂ©sultat d’un mouvement, oĂą ça s’est fait organiquement finalement, avec l’Ă©volution du droit des femmes et des personnes en gĂ©nĂ©ral au Canada.

F. Chabot : Ç’a Ă©tĂ© organique. Donc justement, si on retourne au jugement Morgan Taylor en 88, le parlement a introduit une loi Ă  ce moment-lĂ  qui aurait criminalisĂ© l’offre de l’avortement après un certain point dans la grosse avec des pĂ©nalitĂ©s pour les fournisseurs de soins qui offriraient ces services-lĂ . Et, le fait que la loi n’ait pas passĂ© le SĂ©nat a automatiquement dĂ©criminalisĂ© l'avortement quand le gouvernement a dĂ©clinĂ© introduire une nouvelle loi. Comme ils n’ont pas rĂ©ussi Ă  passer la première version de la loi. Donc, c'est arrivĂ© de façon organique et c'est devenu un modèle Ă  suivre pour le reste du monde, de dire qu'on considère vĂ©ritablement l’avortement comme une procĂ©dure mĂ©dicale (ce que c’est!) et que c'est une procĂ©dure mĂ©dicale qui est clĂ© pour des services en santĂ© reproductive qui sont complets pour la sĂ©curitĂ© des personnes qui peuvent ĂŞtre enceinte, des femmes. Donc, c'est arrivĂ© de façon organique et ç'a Ă©tĂ© un dĂ©veloppement qui a Ă©tĂ© extrĂŞmement positif. Parce qu'au Canada il n’y a aucune limite imposĂ©e Ă  l’offre de l’avortement qui viendrait d’une opinion non informĂ©e par ce qu’offre la science en termes d'information.

Animatrice : Donc, est-ce que je peux revenir sur quelque chose que vous avez dit plus tĂ´t : c'Ă©tait qu’il fallait ĂŞtre vigilant et vigilante au Canada, en ce qui concerne le droit Ă  l’avortement, parce que nous on a un système qui a Ă©liminĂ© toute la question politique en y faisant plutĂ´t une question de santĂ©, puisque l'avortement est considĂ©rĂ©, somme tout, un soin de santĂ©. Mais il faut ĂŞtre vigilant et vigilante pour s’assurer que ce système-lĂ  nous reste. Est-ce que vous pourriez un peu plus Ă©laborer pour nous dire quelle forme devrait prendre cette vigilance? OĂą est-ce qu'on devrait mettre de la pression pour s’assurer que ce système-lĂ  nous reste?

F. Chabot : Excellente question. Il y a plusieurs endroits oĂą il faut garder les yeux bien ouverts. Premièrement, l’accès Ă  l’avortement, malgrĂ© le fait que la Loi canadienne sur la santĂ© Ă©tablit que l’avortement doit ĂŞtre accessible partout au Canada, ce n’est pas prĂ©sentement le cas. Donc, ça, c'est un endroit oĂą le manque de volontĂ© politique peut avoir un effet dĂ©vastateur. ConsidĂ©rant le fait que l’avortement est une procĂ©dure mĂ©dicale extrĂŞmement commune, donc une personne sur 3 qui peut ĂŞtre enceinte va avoir un avortement dans sa vie au Canada. Donc, c'est extrĂŞmement commun, c'est aussi commun que de se faire enlever les dents de sagesse. Ce n'est pas traitĂ© de cette façon-lĂ .

Donc le manque de volontĂ© politique ne s’explique que par un sentiment antiavortement actif, ou passif, dans le sens que c'est considĂ©rĂ© comme quelque chose de trop risquĂ© en tant que gouvernement. Donc, pendant les 30 ans qui ont suivi l’arrĂŞt Morgan Taylor, il y a eu peu d’efforts qui ont Ă©tĂ© faits pour augmenter l’accès Ă  l’avortement au Canada. Pendant des annĂ©es, c'est restĂ© contraint aux centres urbains majeurs, MontrĂ©al, Toronto, Vancouver, près de la frontière. Donc, toute communautĂ© rurale ou plus au nord des provinces, ou dans certaines parties du pays oĂą il y a moins de fournisseurs de soins. Ça veut dire qu’il y a beaucoup de gens qui se sont retrouvĂ©s livrĂ©s Ă  eux-mĂŞmes pour ce qui est de trouver l’information nĂ©cessaire pour se rendre au service dont ils avaient besoin. Ils ont payĂ© les frais de voyagement et tous les autres Ă©lĂ©ments logistiques qui peuvent venir avec un voyagement vers des soins mĂ©dicaux.

Donc, il y a eu des barrières qui ont persistĂ©es pendant plus de 30 ans qui sont encore en place dans certains endroits. En 2015, SantĂ© Canada a finalement approuvĂ© la mifepristone au Canada, c'est l’Ă©talon d’or de l’Organisation mondiale de la santĂ© pour ce qui est de l’avortement par mĂ©dicament. Et, depuis 2017 quand c'est arrivĂ© sur le marchĂ©, et quand les restrictions qui avaient Ă©tĂ© mises en place ont Ă©tĂ© levĂ©es, ça, c'est un Ă©lĂ©ment qui a aidĂ© un peu Ă  augmenter l’accès Ă  l’avortement dans certaines communautĂ©s. Mais, au Canada, c'est encore le fait que par manque de volontĂ© politique, ou encore par sentiment anti choix actif, les gouvernements provinciaux peuvent faire en sorte que l'accès Ă  l’avortement peut ĂŞtre difficile. Donc, si on a droit Ă  quelque chose, mais que ce service-lĂ  n'est pas disponible, le droit ne veut rien dire. Donc, on a besoin de continuer Ă  travailler ensemble et Ă  ĂŞtre vigilant pour ce qui est d’augmenter l'accès Ă  l'avortement pour tous, partout au Canada. Donc, ça ne devrait pas ĂŞtre le fait que si quelqu'un habite Ă  Toronto c'est un service qui est facile Ă  obtenir, alors que si on se trouve Ă  The Pas au Manitoba, ou dans les rĂ©gions rurales du Nouveau-Brunswick, que ce soit quelque chose qui nous coĂ»te des centaines et des centaines et des centaines de dollars. Ceci rend ça inaccessible pour beaucoup de personnes au Canada.

Donc, ça, c'est le premier front oĂą ensemble en tant que Canadien, le sentiment proavortement et en support de l'avortement au Canada est très, très, très fort. C'est quelque chose sur lequel on doit continuer Ă  faire pression sur nos gouvernements, sur nos institutions, incluant les hĂ´pitaux. Il y a seulement un hĂ´pital sur six au Canada qui offre le service d'avortement, malgrĂ© le fait qu'ils sont souvent le seul point de services dans des rĂ©gions entières. Donc il n'y a aucune raison pour que l'avortement ne soit pas offert dans tous les hĂ´pitaux au Canada. Donc, c'est un point oĂą l’on doit continuer Ă  ĂŞtre vigilant et actif.  

Animatrice : Mais il me semble qu’il nous manque quand mĂŞme un mĂ©canisme, soit au niveau provincial ou fĂ©dĂ©ral, pour les obliger Ă  assurer qu’il y ait des services accessibles.

F. Chabot : Oui, on a besoin d’avoir des mĂ©canismes pour mieux implĂ©menter la Loi canadienne sur la santĂ©. C'est lĂ  oĂą le gouvernement fĂ©dĂ©ral a du pouvoir et peut activement travailler avec la contrepartie provinciale pour augmenter, peut-ĂŞtre avec l'augmentation des transferts fĂ©dĂ©raux sur la santĂ©, qui sont attachĂ©s aux soins reproductifs, en santĂ© reproductive et sexuelle, pour s'assurer que les soins en avortement soient offerts partout dans les provinces. Donc, oui on a besoin de mĂ©canismes de surveillance, on a besoin de mĂ©canismes de mise en place de ces principes-lĂ  qui existent au Canada. Parce que mĂŞme s'il y avait une loi, donc la loi qu’Action Canada et l’Association nationale des femmes et du droit ne supportent pas, mĂŞme s’il y avait une loi qui soudainement protĂ©gerait le droit Ă  l’avortement, ça ne vient avec aucun mĂ©canisme, ce dont on n’a pas dĂ©jĂ  besoin avec la loi qu’on a dĂ©jĂ . Donc, on a tout ce qu’il faut pour ce qui est des lois, maintenant ce serait des mĂ©canismes d'implĂ©mentation et de surveillance qui seraient nĂ©cessaires. Donc ça, c'est un des fronts.

Animatrice : Est-ce qu'on a plus d’information par rapport Ă  l’Ă©ducation? Est-ce que la possibilitĂ© mĂŞme d’avoir un avortement est sur le radar d’une jeune fille de 13 ans au Canada? Est-ce qu'elle est au courant qu’elle pourrait se faire avorter? Ou si elle se trouve dans cette situation-lĂ , elle est laissĂ©e seule Ă  elle-mĂŞme et doit chercher par elle-mĂŞme avec qui en parler?

F. Chabot : Ça, c'est un excellent point oĂą on doit continuer Ă  crĂ©er des environnements qui supportent les droits qu’on a ici au Canada. Donc, l'accès Ă  l’information est crucial et quand on parle de l’avortement, il y a beaucoup de dĂ©sinformation qui existe. Il y a un manque d’accès Ă  l’information qui est juste et sans stigma autour de l’avortement et qui s’assure que les gens sont connectĂ©s aux services dont ils ont besoin. Il y a des organisations charitables comme Action Canada qui font ce travail-lĂ . Action Canada a une ligne tĂ©lĂ©phonique, les gens peuvent appeler s’ils ont des questions sur leur santĂ© reproductive et sur l’avortement en particulier. On offre du soutien financier aux gens qui en ont besoin.

Ceci Ă©tant dit, ça, c'est accessible aux gens qui nous trouvent. Ils doivent nous trouver sur internet, les soutiens sociaux en santĂ© doivent connaĂ®tre notre organisation pour connecter leurs patients avec des organisations comme Action Canada. Donc, ce n'est pas systĂ©matiquement implĂ©mentĂ© Ă  travers le Canada. Ce qui serait le plus utile serait une stratĂ©gie nationale pour assurer l'accès Ă  l’Ă©ducation en santĂ© sexuelle complète. Le Canada a reçu plusieurs communications de l’ONU sur le sujet qui reconnaĂ®t qu'au Canada le système fĂ©dĂ©ral, qui fait en sorte que chaque province a juridiction sur l’Ă©ducation et la santĂ©, fait en sorte qu'il y a des Ă©carts dans le respect des droits des Canadiennes au niveau provincial et ça, c'est la responsabilitĂ© du fĂ©dĂ©ral d’agir sur le sujet. MalgrĂ© le fait que l’Ă©ducation soit une juridiction provinciale.

Donc, on a besoin de standardiser le genre d’Ă©ducation qui est offert, on a besoin de mĂ©canismes de surveillance sur l'Ă©ducation qui est offerte, on a besoin de curriculums qui sont bâtis sur les lignes directrices canadiennes qui sont excellentes (elles ont Ă©tĂ© publiĂ©es en 2019) et les lignes directrices internationales que l’UNESCO publie et qui sont liĂ©es Ă  toutes les recherches scientifiques les plus rĂ©centes. Donc, ça, ce serait un morceau du casse-tĂŞte extrĂŞmement important sur lequel les gens au Canada peuvent aussi faire pression. Donc, on a besoin d’Ă©ducation Ă  la sexualitĂ© complète de façon urgente au Canada, et ça aiderait Ă  avoir l’information dont ils ont besoin pour faire des choix importants sur leur santĂ©.

Animatrice : On peut penser qu’il y a une certaine lueur dans toute cette dĂ©cision qui est de retourner Roe contre Wade aux États-Unis, ce qui est somme toute assez sombre pour les droits des femmes et des personnes en gĂ©nĂ©ral. Mais en mĂŞme temps, ça permet de mettre un peu de lumière sur le manque Ă©norme d’Ă©ducation Ă  la santĂ© sexuelle et Ă  la sexualitĂ© au Canada, tant pour les adolescents et adolescentes que pour toute personne qui rechercherait de l'information sur sa santĂ© sexuelle.

F. Chabot : Absolument, et je peux assurer… Écoutez, Action Canada fait des groupes de focus pour plusieurs campagnes que l’on mène au Canada sur la santĂ© sexuelle, sur les maladies transmises sexuellement ou les infections transmises sexuellement. Et, le niveau de connaissance, qu'on remarque dans ces groupes-lĂ  dans ces conversations-lĂ  qu’on a Ă  travers le pays, est extrĂŞmement bas. Donc, ce serait liĂ© aussi, une stratĂ©gie nationale sur le sujet serait liĂ©e Ă  la stratĂ©gie nationale pour adresser les ITSS, les infections transmises sexuellement, sur la stratĂ©gie nationale pour adresser la violence faite aux femmes et personnes de divers genres. Donc, il y a plusieurs connexions, ici, qui peuvent se faire pour ce qui est du respect des droits de plusieurs populations ici au Canada. 

Animatrice : Qu'est-ce qu'on peut faire? Est-ce qu'on peut Ă©crire au ministre?

F. Chabot : Oui, c'est un sujet qui a beaucoup de support au niveau canadien, au niveau du public. Ils veulent que leurs enfants soient en sĂ©curitĂ©, ils veulent qu'ils aient accès Ă  l’information, mais c'est un sujet aussi oĂą il y a beaucoup d’Ă©nergie nerveuse, donc de savoir que des politiciens sachent que c'est un sujet qui nous tient Ă  cĹ“ur a un effet important sur leur volontĂ© d’adresser ce sujet-lĂ .

Maintenant, si je peux retourner Ă  votre question : oĂą est-ce qu'on devrait ĂŞtre vigilant. On a besoin d’ĂŞtre vigilant au niveau de l'accès Ă  l'avortement et de continuer Ă  faire le travail Ă  long terme pour continuer Ă  croĂ®tre l'accès Ă  l'avortement partout au pays. Donc, ça c'est du travail de plaidoyer de droit qui dure des annĂ©es. Donc, de travailler avec des collèges professionnels, avec des gouvernements provinciaux, de continuer le travail culturel de parler de l’avortement. Il y a un autre front aussi qui est important Ă  noter. Il y a aussi le front, justement cette conversation culturelle lĂ . Ce que l’on observe aux États-Unis, mais pas juste aux États-Unis, au niveau global il y a des connexions entre les mouvements qui se battent contre l'avortement et les mouvements de suprĂ©matie blanche, et les mouvements anti-droits humains et antidĂ©mocratique. Donc c'est important de continuer Ă  faire la lumière sur ces connexions-lĂ . Parce que c'est un mouvement qui est minoritaire, mais qui a une influence au niveau mondial qui n'est pas proportionnel.

On le voit Ă  l’ONU, on le voit dans les gouvernements d’extrĂŞme droite qui sont en train de monter Ă  travers le monde : en Hongrie, en Pologne, au BrĂ©sil, aux États-Unis en ce moment avec les rĂ©publicains qui se sont radicalisĂ©s de façon exceptionnelle. C'est quelque chose Ă  laquelle on doit porter attention, parce que je pense que la conception des droits humains, les gens pensent que le progrès est toujours linĂ©aire. On va de l’avant, c’est acquis, la question est rĂ©glĂ©e. Mais ce n'est pas du tout le cas comme on le voit Ă  travers le monde oĂą il y a des lois qui sont extrĂŞmement stringentes qui sont en train d'ĂŞtre proposĂ©es ou passĂ©es par des groupes minoritaires qui ont infiltrĂ© les domaines politiques et les institutions politiques de plusieurs pays.

Ici au Canada il y a eu une publication super intĂ©ressante qui a regardĂ© pendant les dernières annĂ©es, l'activitĂ© en ligne des groupes de suprĂ©matie blanche. On est un des pays oĂą les groupes sont les plus actifs. Donc, peut-ĂŞtre que ça semble un peu bizarre d'avoir cette conversation-lĂ  qui parle du droit Ă  l'avortement, de Roe v Wade, de ce qui s’est passĂ©. Mais en fait, il y a des connexions entre les groupes qui se radicalisent du cĂ´tĂ© antidĂ©mocratique, on l’a vu avec le convoi qui a occupĂ© Ottawa pendant plusieurs semaines l’hiver passĂ©. Ils demandaient, justement, de dĂ©poser un gouvernement qui a Ă©tĂ© Ă©lu dĂ©mocratiquement, avec des demandes assez radicales et antidĂ©mocratiques, avec des groupes qui se radicalisent sur leur position antiavortement, anti-immigration, anti-droits humains gĂ©nĂ©ralement.

Je pense que c'est une conversation culturelle au niveau mondial Ă  laquelle il faut porter attention, et il ne faut pas se faire Ă  croire que ça n’a pas d'impact au politique. Donc, on le voit au Canada, on l’a vu aux États-Unis. Aux États-Unis, il y a aussi du support populaire pour ce qui est de l'accès Ă  l'avortement. Et lĂ , on a des institutions qui ont Ă©tĂ© infiltrĂ©es et qui ont complètement annulĂ©es, qui ont gouty lĂ  j’oublie le mot en français, des droits qui avaient Ă©tĂ© acquis il y a plus de 50 ans. Donc, il faut rester vigilant sur ces forces-lĂ  qui sont transnationales, les conversations qui se radicalisent et qui sont plus connectĂ©es que l’on pense.

Animatrice : Il y a quand mĂŞme au Canada et partout dans le monde beaucoup de gens qui ont plutĂ´t un sentiment contre le choix, est-ce que vous avez des stratĂ©gies pour un peu aider ceux et celles qui nous Ă©coutent sur « comment en parler » avec ces gens-lĂ  sans que ça devienne un dĂ©bat inutilement trop Ă©motionnel?

F. Chabot : Oui, je pense que ce qui est important de dire c'est que les sentiments pro-choix au Canada ou proavortement sont très forts. Je veux dire les chiffres changent quand on regarde les diffĂ©rents sondages parce que les questions sont posĂ©es de façons diffĂ©rentes. Mais, l’Ă©tĂ© passĂ© juste avant l’Ă©lection fĂ©dĂ©rale, Radio-Canada a fait un sondage sur les sentiments des Canadiens sur leur dĂ©sir de voir accroĂ®tre l'accès Ă  l'avortement au Canada. Donc, pas simplement est-ce que vous ĂŞtes pour ou contre, mais de voir une croissance de l'accessibilitĂ© Ă  l'avortement.  La vaste majoritĂ© des Canadiens de tous les partis, incluant les partis oĂą il y a des factions antiavortement, ont communiquĂ© un fort niveau de support Ă  l'avortement.

Ceci Ă©tant dit, il y a des discussions qui peuvent ĂŞtre plus complexes. Quand on parle de l'avortement, les gens peuvent ĂŞtre gĂ©nĂ©ralement en support, mais avoir des rĂ©serves pour l'avortement après un certain moment dans la grossesse, ou l'avortement qui est appelĂ© sexe selective l'avortement sur la base du sexe. Il y a certaines questions oĂą les gens peuvent avoir une opinion qui diffère de leur sentiment gĂ©nĂ©ral. C'est lĂ  oĂą, premièrement, il y a beaucoup de place au partage de l’information. Quand on met un visage sur une histoire, ou qu'est-ce que ça veut dire d’avoir ou non l’accès Ă  l'avortement et qu’on partage des histoires qui sont très humaines, ça peut aider Ă  mieux comprendre pour les gens qui ne sont pas nĂ©cessairement convaincus pour l'avortement ils ne seront jamais en support, mais pour les gens qui en gĂ©nĂ©ral supporte l'avortement, mais pourrait supporter des mesures qui le restreindrait, je pense que de vraiment comprendre l'impact humain, l’histoire humaine de l'accès Ă  l'avortement est un point de rencontre important.

Je vous donne l'exemple, Ă  Action Canada, Ă  cause du fonds d'urgence qu’on opère, on est devenu expert Ă  supporter les gens qui doivent accĂ©der Ă  un avortement tardif. Parce que c'est souvent des procĂ©dures qui demandent plus de voyagement parce qu'ils sont offerts dans peu de place. Donc, ça fait des centaines de personnes que l’on supporte. On a pu aussi mieux comprendre pourquoi les gens peuvent avoir besoin d’un avortement plus tard dans leur grossesse. Une situation que si on n'a pas cette information-lĂ  peut sembler bizarre ou en dĂ©saccord avec notre code moral. Mais quand on commence Ă  discuter de ça ressemble Ă  quoi pour vrai : cette personne-lĂ  est en situation d’immigration complexe, n’avait pas accès Ă  une assurance mĂ©dicale, donc il y a eu un dĂ©lai d’accès aux soins. Ou encore : c'est une personne en situation de violence domestique, n’a pas Ă©tĂ© capable de quitter son domicile, c'est très complexe de voyager, ça prend plusieurs semaines pour l’amener Ă  un point de service. C'est une personne qui est en rĂ©gion rurale, dans les prairies, qui s’est vue dĂ©sinformĂ©e par des groupes antiavortement et qui se rend compte plusieurs semaines après ces rencontres initiales lĂ  que ce n’est pas le cas, qu’elle n'a pas accès Ă  l'avortement et que lĂ , finalement, elle trouve une façon de communiquer avec de vĂ©ritables services en soins de santĂ©, mais il y a des semaines qui se sont passĂ©es.

Quand quelqu'un a besoin d’un avortement tardif, les raisons psychosociales sont habituellement très, très complexes. Quelqu'un qui est dans la rue, quelqu'un qui a un problème d’abus de substances, quelqu'un qui est en situation de violence domestique, qui a Ă©tĂ© dĂ©sinformĂ©. Quelqu'un qui n’a pas d’argent, par le temps qu’elle a ramassĂ© un peu de sous pour se rendre Ă  la capitale de sa province, elle est rendue beaucoup plus loin dans sa grossesse. Bien, les gens commencent Ă  connecter Ă  l’histoire de ces gens-lĂ  pour mieux comprendre l’importance de ces soins-lĂ . Donc, je pense que l’aspect humain est très important.

Quand on parle avec des gens qui sont peut-ĂŞtre plus convaincus de leur position antichoix, c'est une position politique, c'est une position morale.  Pour eux, je pense que les conversations commencent plus au niveau de l’impact des restrictions sĂ©vères Ă  l'avortement. Encore une fois, communiquer l’histoire humaine, dire, par exemple, aux États-Unis avec les restrictions qui ont Ă©tĂ© immĂ©diatement mises en place dans certains États, on voit dĂ©jĂ  des gens qui ne se font pas offrir de soins en situation de grossesse ectopique. Ça, ça peut mettre leur vie en danger, elles peuvent perdre leur habiletĂ© Ă  avoir des enfants, alors que c'est une situation oĂą la grossesse ne sera jamais viable. Mais les fournisseurs de soins en santĂ© sont tellement apeurĂ©s de perdre leur licence s’ils violent les restrictions mises en place que des soins vitaux ne sont plus offerts aux femmes. On parle de grosses ectopiques, on parle de grossesse molaire, on parle de grossesse sceptique parce qu'un fĹ“tus est dĂ©cĂ©dĂ©, mais il y a encore une activitĂ© cardiaque. On parle d’anencĂ©phalie, de dĂ©veloppement oĂą, justement, le fĹ“tus ne vivra pas après la naissance, mais il vit dans l’utĂ©rus. Donc, dans ces cas-lĂ , je pense que de commencer par lĂ  et de dire : Ă©coutez, l'avortement est utilisĂ© dans un spectre très large de situations mĂ©dicales urgentes. C'est important de l’avoir accessible Ă  tous. Donc, je pense que ça vient encore une fois, de un : d’essayer de connecter, de voir quelles sont les valeurs qu’on a en commun. Je pense que tout le monde veut que les gens soient en sĂ©curitĂ©, que leur famille soit en sĂ©curitĂ©. Personne ne veut que des parents dĂ©cèdent sur la table d’opĂ©ration quand ils ont des enfants Ă  la maison. Il y a beaucoup de points de connexions oĂą on peut se retrouver et commencer Ă  discuter de l’aspect humain de la question.

Animatrice : OK, thank you bye.

Hors entrevue : Et est-ce qu'on peut Ă©crire au ministre par exemple? Et est-ce qu'on peut Ă©crire au ministre? Oups sorry. Est-ce qu'on peut Ă©crire au ministre qu'est-ce qu'on peut faire? On peut faire des balados.