Réinventer les stages et promouvoir l’équité dès le début de la carrière en droit

  • 07 avril 2020
  • Angela Simmonds et Morgan Manzer

En juin 2020, les nouveaux stagiaires en droit entameront un nouveau programme d’enseignement et d’Ă©valuation des compĂ©tences. Le barreau de la Nouvelle-Écosse (Nova Scotia Barristers’ Society, [NSBS]), de mĂŞme que les barreaux de trois autres provinces, lancera un nouveau cours de formation professionnelle. Le programme, intitulĂ© Practice Readiness Education Program (en anglais seulement) [PREP], a Ă©tĂ© Ă©laborĂ© par le Canadian Centre for Professional Legal Education, en consultation avec le NSBS et les autres barreaux ayant adoptĂ© le programme.

Le passage au PREP offre au NSBS une occasion unique de complètement rĂ©inventer la façon de concevoir le stage en droit. Cela signifie Ă©galement que le NSBS ne fera plus passer d’examen du barreau.

La version actuelle de l’examen a donnĂ© de bons rĂ©sultats dans les dernières annĂ©es. Cependant, de nos jours, l’ensemble des facultĂ©s de droit au Canada offrent un curriculum agrĂ©Ă©. Il existe en outre des normes d’admission nationales qui viennent dĂ©finir les connaissances, les compĂ©tences et les qualitĂ©s que doivent possĂ©der les Ă©tudiants et Ă©tudiantes en droit au Canada pour devenir avocats et avocates.

En rĂ©sumĂ© : c’est dans les facultĂ©s de droit que l’on apprend le droit substantiel; il n’existe aucune bonne raison d’Ă©valuer Ă  nouveau les Ă©tudiants et Ă©tudiantes sur cet aspect pour les admettre au barreau. Il serait beaucoup plus efficace et judicieux de mettre Ă  l’Ă©preuve leurs connaissances du droit substantiel en leur demandant de s’occuper d’un dossier juridique du dĂ©but Ă  la fin. C’est exactement ce qu’on leur demande dans le cadre du PREP.

Les connaissances en droit des stagiaires seront Ă©valuĂ©es tout au long du programme tandis qu’ils travailleront sur des dossiers clients fictifs. Le cours met l’accent sur les problèmes considĂ©rĂ©s par les autoritĂ©s de rĂ©glementation comme ceux Ă©tant rĂ©ellement vĂ©cus par les juristes et qui tournent gĂ©nĂ©ralement autour d’enjeux liĂ©s Ă  la gestion de la pratique. Ă€ cette fin, le PREP se concentre sur des sujets comme la gestion de la clientèle et des dossiers, les comptes en fiducie et le bien-ĂŞtre; en plus du dĂ©veloppement d’aptitudes indispensables aux juristes, soit la recherche, la rĂ©daction, la prĂ©paration de mĂ©moires, la rĂ©alisation d’entrevues, la nĂ©gociation et l’art de la plaidoirie.

L’une des prioritĂ©s du NSBS est Ă©galement d’Ă©veiller et d’aiguiser le savoir-faire culturel des futurs avocats et avocates. Tout au long de l’annĂ©e du stage, on suscite l’engagement de chaque avocat et avocate de s’adapter sur le plan culturel, engagement qui se poursuivra tout au long de leur carrière. Le savoir-faire culturel s’inscrit dans un continuum; il exige de s’engager Ă  continuellement parfaire ses connaissances.

C’est pourquoi le NSBS s’est efforcĂ© d’intĂ©grer dans tous les aspects de son travail une perspective d’Ă©quitĂ©. En dĂ©cembre 2019, il a publiĂ© une trousse en matière d’Ă©quitĂ© (Equity Lens Toolkit, [en anglais seulement]) afin d’aider son personnel et les juristes de la province Ă  acquĂ©rir une sensibilitĂ© culturelle accrue, ainsi qu’Ă  concevoir et Ă  offrir des programmes et des services qui sont adaptĂ©s et rĂ©pondent aux inĂ©galitĂ©s et aux obstacles systĂ©miques avec lesquels les personnes issues de groupes en quĂŞte d’Ă©quitĂ© sont aux prises.

Le savoir-faire culturel est la capacitĂ© d’interagir efficacement avec des personnes appartenant Ă  des cultures diffĂ©rentes. Il demande aux avocats et aux avocates de dĂ©montrer quatre aptitudes essentielles :

  • premièrement, ils doivent comprendre leur propre positionnement culturel et comprendre en quoi il est diffĂ©rent de celui de leur interlocuteur et en quoi il lui ressemble.
  • deuxièmement, ils doivent comprendre la rĂ©alitĂ© sociale et culturelle dans laquelle vit et travaille leur interlocuteur.
  • troisièmement, ils doivent adopter une attitude adĂ©quate envers les diffĂ©rences culturelles.
  • quatrièmement, ils doivent ĂŞtre capables d’interprĂ©ter une vaste gamme de rĂ©ponses verbales et non verbales. Cela peut reprĂ©senter un travail difficile sur le plan Ă©motionnel. Pour y arriver, le juriste doit arriver Ă  remettre en doute certaines croyances qui lui ont Ă©tĂ© inculquĂ©es depuis son plus jeune âge et parvenir Ă  en accepter de nouvelles.

Dans le cadre des volets du PREP qui sont en personne, le NSBS continuera de faciliter la tenue d’un atelier d’une journĂ©e complète sur le savoir-faire culturel axĂ© spĂ©cifiquement sur le contexte de la Nouvelle-Écosse. Plus particulièrement, cet atelier aborde les injustices commises envers les Afro-NĂ©o-Écossais et les Mi’kmaq au cours de notre passĂ© colonialiste, esclavagiste et sĂ©grĂ©gationniste, des politiques qui Ă©taient toutes lĂ©gales Ă  une certaine Ă©poque en Nouvelle-Écosse.

Le PREP met l’accent sur l’apprentissage expĂ©rientiel afin que les stagiaires soient mieux outillĂ©s pour intĂ©grer la pratique. Le programme comprend 14 modules en ligne et deux volets en personne. Des individus issus de communautĂ©s en quĂŞte d’Ă©quitĂ© ont Ă©tĂ© consultĂ©s dans le cadre de la conception du PREP, afin d’apporter leur contribution et de faire part de leurs commentaires. L’un des 14 modules en ligne en apprend aux stagiaires sur les communautĂ©s autochtones et leurs contributions, leurs cultures et leurs traditions juridiques.

En 2014, le NSBS avait introduit un volet sur le droit autochtone dans l’examen du barreau. Le module « Cultures et peuples autochtones » du PREP s’appuie sur ce volet.

Tous les modules ont Ă©tĂ© intentionnellement conçus de sorte Ă  inclure des Ă©lĂ©ments de diversitĂ© qui exigent d’ĂŞtre analysĂ©s par les stagiaires pour que le module soit rĂ©ussi. Dans divers volets du cours, les Ă©lèves devront composer avec des clients issus de contextes culturels diffĂ©rents, en Ă©valuer les incidences sur leur scĂ©nario juridique et adapter leurs conseils en consĂ©quence. Ils auront l’occasion d’appliquer leur savoir-faire culturel Ă  diffĂ©rents scĂ©narios et d’obtenir de la rĂ©troaction sur la façon dont ils sont parvenus Ă  gĂ©rer la situation.

Dans un dossier de droit pĂ©nal, par exemple, les stagiaires auront Ă  se pencher notamment sur les aspects suivants : la disponibilitĂ© d’un tribunal de type Gladue ou d’un tribunal du mieux-ĂŞtre qui applique les traditions et coutumes autochtones en matière de justice rĂ©paratrice; le droit d’une personne autochtone Ă  ce qu’un rapport de type Gladue soit prĂ©parĂ© lorsqu’elle demande une mise en libertĂ© sous caution ou lors du prononcĂ© de la peine; et le besoin Ă©ventuel de services de traduction en vue de garantir que le client comprend entièrement la procĂ©dure.

Un autre module en ligne enseigne aux stagiaires les responsabilitĂ©s d’ordre Ă©thique propres Ă  la profession juridique, ce qui comprend l’interdiction du harcèlement et de la discrimination.

L’accessibilitĂ© au PREP pour tous, particulièrement les personnes handicapĂ©es, a Ă©tĂ© un enjeu prioritaire lors de la conception du programme. Ă€ titre d’exemple, les modules en ligne sont adaptĂ©s pour les personnes ayant une dĂ©ficience visuelle afin qu’elles puissent avoir facilement accès au contenu nĂ©cessaire et participer pleinement.

Le lancement du PREP est une occasion formidable pour le NSBS de s’appuyer sur son travail prĂ©paratoire en matière d’Ă©quitĂ© et de faire valoir chez les nouvelles recrues de la profession juridique en Nouvelle-Écosse l’importance et la nĂ©cessitĂ© de possĂ©der un savoir-faire culturel aiguisĂ©.


Angela Simmonds est directrice en matière d’Ă©quitĂ© et d’accès et Morgan Manzer est conseiller sur les questions d’Ă©quitĂ© et d’accès au sein du Nova Scotia Barristers’ Society.