Prendre soin de sa santé mentale dès la faculté

  • 15 mars 2023
  • Oksana Romanov

En tant que nouveaux étudiants en droit, nous devons prendre soin de notre santé mentale et voir à notre bien-être. Il y a au moins trois bonnes raisons de nous en soucier dès le début de notre carrière, surtout depuis la pandémie.

Raison numéro un

Tout d’abord, il n’y a pas de santĂ© sans santĂ© mentale. Selon l’Association canadienne pour la santĂ© mentale (ACSM), « la santĂ© mentale ne consiste pas seulement Ă  Ă©viter les problèmes de santĂ© mentale. Votre santĂ© mentale est affectĂ©e par de nombreux facteurs de votre vie quotidienne, comme le stress d’avoir Ă  concilier votre travail avec votre santĂ© et vos relations ». Il faut faire un effort rĂ©gulier pour « rester en forme et en bonne santĂ© mentalement tout au long de sa vie ».

Le Manuel diagnostique et statistique des troubles mentaux (DSM-V) est utilisĂ© Ă  la fois par l’American Psychiatric Association (APA) et par le Conseil mĂ©dical du Canada (depuis 2014). Le DSM-V dĂ©finit tous les types de maladies mentales et de troubles mentaux pouvant ĂŞtre diagnostiquĂ©s. Selon l’APA, la santĂ© mentale est affaire de bon fonctionnement au quotidien, c’est-Ă -dire [traduction] « (1) des activitĂ©s productives (travail, Ă©cole, aide naturelle), (2) des relations saines et (3) la capacitĂ© de s’adapter au changement ». La maladie mentale se dĂ©finit par [traduction] « des changements importants dans la pensĂ©e, les Ă©motions ou le comportement » et « une dĂ©tresse ou des problèmes de fonctionnement dans les activitĂ©s sociales, professionnelles ou familiales ». Si l’on se fie Ă  ces dĂ©finitions, il n’y a pas de vĂ©ritable santĂ© ni de vie productive sans une bonne santĂ© mentale.

Quelques faits sur la santé mentale

Selon Statistique Canada, un Canadien sur cinq a eu besoin de soins de santĂ© mentale en 2018. Bien que les gens puissent connaĂ®tre des hauts et des bas tout au long de leur vie, l’apparition de la plupart des problèmes de santĂ© mentale se produit au dĂ©but de la vingtaine, selon les donnĂ©es de l’APA. L’ACSM indique que plus de 28 % des personnes âgĂ©es de 20 Ă  29 ans souffrent chaque annĂ©e d’une mauvaise santĂ© mentale. C’est assurĂ©ment une nouvelle alarmante pour les jeunes adultes, y compris les Ă©tudiants et Ă©tudiantes en droit.

En 2016, la distribution par genre des titulaires canadiens d’un titre universitaire (« certificat, diplĂ´me ou grade universitaire au niveau du baccalaurĂ©at ou supĂ©rieur ») dans les professions et les Ă©tudes juridiques, âgĂ©s de 25 Ă  34 ans, Ă©tait de 59,4 % pour les femmes et 40,6 % pour les hommes. Prenons l’exemple de Toronto. L’enquĂŞte de la facultĂ© de droit Osgoode Hall sur ses admissions de 2019 rĂ©vèle que 58 % des membres de sa nouvelle cohorte d’Ă©tudiants Ă©taient âgĂ©s de 20 Ă  24 ans. Une autre tranche de 24 % Ă©tait âgĂ©e de 25 Ă  29 ans. Le profil des Ă©tudiants du baccalaurĂ©at en droit (JD) Ă  l’UniversitĂ© de Toronto pour la mĂŞme annĂ©e montre que 89 % des Ă©tudiants de première annĂ©e sont passĂ©s par le volet gĂ©nĂ©ral selon la mĂŞme proportion en matière de leur âge.

Selon les plus rĂ©centes donnĂ©es du Law School Admissions Council sur les candidats au LSAT (examen d’admission standardisĂ© des facultĂ©s de droit), seul un petit pourcentage d’entre eux, entre 2,5 et 4,1 % (selon la rĂ©gion), ont plus de 40 ans.

Raison numéro deux

Deuxièmement, la profession juridique dans son ensemble s’inquiète de la santĂ© mentale de ses membres. Notre culture professionnelle carbure Ă  la performance, Ă  la concurrence et au succès, ce qui favorise l’adoption d’habitudes de travail malsaines menant Ă  l’Ă©puisement professionnel.

L’Association du Barreau canadien (ABC) a mis sur pied un comitĂ© spĂ©cial, le Sous-comitĂ© ABC Bien-ĂŞtre, qui mène des recherches sur tous les aspects de la santĂ© mentale et du bien-ĂŞtre des professionnels du droit. En 2012, l’Association a menĂ© un sondage sur les questions liĂ©es au bien-ĂŞtre des juristes. Les rĂ©sultats sont Ă©loquents : « Cinquante-huit pour cent des avocats, juges et Ă©tudiants en droit interrogĂ©s ont connu un stress important ou un Ă©puisement professionnel; 48 % ont ressenti de l’anxiĂ©tĂ©; 25 % ont souffert de dĂ©pression. » Cinquante-sept pour cent des juristes interrogĂ©s Ă©taient prĂ©occupĂ©s par les heures de travail. « Le stress/l’Ă©puisement professionnel et l’anxiĂ©tĂ© Ă©taient les deux problèmes perçus comme les plus rĂ©pandus dans la profession juridique (94 % et 68 %, respectivement). »

Les rĂ©pondants ont en outre soulignĂ© la nĂ©cessitĂ© de transformer au plus vite la culture de la profession juridique, afin de rĂ©duire la stigmatisation associĂ©e aux problèmes de santĂ© mentale et au fait de demander de l’aide. Les dĂ©clarations suivantes illustrent bien les enjeux liĂ©s Ă  la santĂ© mentale dans la profession juridique :

  • « Changement de culture : se montrer vulnĂ©rable est perçu comme fatal Ă  la carrière. »
  • « DĂ©mystifier. Les problèmes de santĂ© mentale et Ă©motionnelle et les problèmes de comportement sont encore tabous dans notre milieu […]. »
  • « Une meilleure Ă©ducation pour attĂ©nuer l’anxiĂ©tĂ© que ressentent les juristes Ă  l’idĂ©e d’ĂŞtre “dĂ©masquĂ©s” comme une personne ayant des problèmes. »

Le ComitĂ© de sensibilisation Ă  la santĂ© mentale de la Section des jeunes juristes de l’ABC reconnaĂ®t que la profession juridique est aux prises avec des problèmes de santĂ© mentale et de toxicomanie. Pour Candice Ashley Pollack, membre Ă  titre particulier de la section, « les juristes font partie des trois principaux groupes professionnels confrontĂ©s Ă  des problèmes de toxicomanie, avec les mĂ©decins et les policiers ». Pour lutter contre la stigmatisation associĂ©e aux problèmes de santĂ© mentale et encourager les juristes Ă  prendre soin d’eux-mĂŞmes, de jeunes juristes ont lancĂ© une campagne sur les rĂ©seaux sociaux avec le mot-clic #ConcilierDroitEtMieux-ĂŠtrePour.

Enfin, l’ABC propose aux Ă©tudiants et Ă©tudiantes en droit la sĂ©rie « Solutions », fait la promotion du bien-ĂŞtre et a encouragĂ© le rĂ©seautage par l’intermĂ©diaire de cafĂ©s virtuels – pour tisser des liens et parler – pendant la pandĂ©mie.

Raison numéro trois

Troisièmement, des mesures de soutien particulières destinĂ©es aux Ă©tudiants en droit sont apparues sur les campus. Une coalition de six facultĂ©s de droit ontariennes, menĂ©e par l’UniversitĂ© York, s’est notamment formĂ©e dans le but de veiller Ă  la santĂ© mentale des Ă©tudiants et Ă©tudiantes en droit. L’Ontario Law School Mental Health Initiative (c’est son nom) a menĂ© Ă  la crĂ©ation de diverses ressources et mesures de soutien offertes aux professeurs et aux Ă©tudiants, dont (1) un rĂ©seau officiel de l’administration des facultĂ©s de droit ontariennes, (2) un site Web complet offrant des ressources et des soutiens aux Ă©tudiants en droit, et (3) des programmes de soutien par les pairs pour les Ă©tudiants en droit de l’Ontario.

En conclusion, les Ă©tudiants en droit sont Ă  risque de dĂ©velopper des problèmes de santĂ© mentale. Il existe plusieurs facteurs : l’âge, les heures d’Ă©tude excessives, les exigences accrues des facultĂ©s, la culture professionnelle et l’anxiĂ©tĂ© engendrĂ©e par les incertitudes de notre Ă©poque.

Cet article est reproduit avec permission. Il est initialement paru dans Law360 (anciennement The Lawyer’s Daily), une publication de LexisNexis Canada.


Oksana Romanov est Ă©tudiante de troisième annĂ©e Ă  la facultĂ© de droit Lincoln Alexander de l’UniversitĂ© mĂ©tropolitaine de Toronto. Elle est membre du comitĂ© de direction de la Section des Ă©tudiants et Ă©tudiantes en droit de l’Association du Barreau de l’Ontario et ambassadrice de sa facultĂ© de droit. Pour en apprendre davantage, visitez son profil sur LinkedIn.