N’oubliez pas la TPS quand vous réglez des litiges juridiques

  • 02 mai 2019
  • John Bassindale

L’article 182 de la Loi sur la taxe d’accise rĂ©pute constituer une fourniture taxable tout paiement versĂ© Ă  un inscrit en raison d’une inexĂ©cution, d’une modification ou d’une rĂ©siliation d’une convention (autrement qu’Ă  titre de contrepartie pour une fourniture). Dans les faits, cette règle signifie qu’un paiement versĂ© Ă  un fournisseur par un bĂ©nĂ©ficiaire Ă  titre d’indemnisation d’une inexĂ©cution d’une convention visant Ă  fournir des biens ou des services sera gĂ©nĂ©ralement rĂ©putĂ© inclure la TPS/TVH.

Dans son rĂ©cent arrĂŞt THD Inc. c. La Reine, 2018 CCI 147, la Cour canadienne de l’impĂ´t (CCI) a eu l’occasion de se pencher sur l’application de l’article 182 Ă  une appelante qui avait reçu des dommages-intĂ©rĂŞts Ă  l’issue d’un arbitrage.

Dans l’arrĂŞt THD, l’appelante Ă©tait une sociĂ©tĂ© de transport qui avait passĂ© un contrat de livraison d’une durĂ©e de cinq ans avec McKesson Corporation of Canada. McKesson a annulĂ© ou modifiĂ© certains circuits de distribution prĂ©vus au contrat, suscitant un litige qui a Ă©tĂ© rĂ©glĂ© par voie d’arbitrage.

La sentence arbitrale ordonnait Ă  McKesson de verser 727 934,30 $ Ă  l’appelante au titre de dommages-intĂ©rĂŞts, ce qui correspondait au revenu que l’appelante aurait gagnĂ© si les routes n’avaient pas Ă©tĂ© modifiĂ©es ou annulĂ©es. McKesson devait en outre payer des dĂ©pens et intĂ©rĂŞts sur la somme susmentionnĂ©e s’Ă©levant Ă  50 677,60 $. Le tout s’Ă©levait Ă  778 612 $. La Cour supĂ©rieure du QuĂ©bec a ultĂ©rieurement homologuĂ© cette sentence et la demande d’autorisation d’appel devant la Cour d’appel du QuĂ©bec a Ă©tĂ© rejetĂ©e.

Malheureusement, lorsqu’elle a demandĂ© son indemnisation Ă  l’Ă©tape de l’arbitrage, l’appelante ne savait pas que le versement de dommages-intĂ©rĂŞts Ă©tait rĂ©putĂ© inclure la TPS au taux de 5 % prescrit par l’article 182 de la LTA. Elle a par consĂ©quent omis de demander que les dommages-intĂ©rĂŞts soient majorĂ©s pour tenir compte de ce montant.

Se fondant sur l’article 182 de la LTA, Revenu QuĂ©bec a ultĂ©rieurement Ă©tabli une nouvelle cotisation de TPS pour l’appelante s’Ă©levant Ă  37 076,76 $, calculĂ©e sur l’intĂ©gralitĂ© des 778 612 $ qui lui avaient Ă©tĂ© accordĂ©s Ă  l’Ă©tape de l’arbitrage.

En appel, la CCI a reconnu, Ă  bon droit, que l’article 182 de la LTA vise Ă  rĂ©puter que la TPS Ă©tait comprise dans le versement des dommages-intĂ©rĂŞts effectuĂ© par McKesson Ă  l’appelante. La CCI a plus particulièrement soulignĂ© qu’il Ă©tait manifeste que le versement effectuĂ© par McKesson avait pour objet d’indemniser l’appelante pour les pertes causĂ©es par les modifications apportĂ©es par McKesson au contrat quinquennal, et que le paiement Ă©tait effectuĂ© Ă  un autre titre que la fourniture prĂ©vue par le contrat. (Si le paiement avait Ă©tĂ© effectuĂ© pour la fourniture mĂŞme, la TPS aurait Ă©galement Ă©tĂ© exigible, mais sur une base de taxe ajoutĂ©e en vertu des règles gĂ©nĂ©rales Ă©noncĂ©es Ă  l’article 165, et non en vertu de l’article 182.).

La CCI a affirmĂ© que la règle dĂ©terminative inscrite dans l’article 182 Ă©tait claire et s’appliquait Ă  la situation de l’appelante, malgrĂ© que cette dernière plaidait que l’article 182 ne devait pas s’appliquer car McKesson n’avait pas demandĂ© de crĂ©dit de taxe sur les intrants Ă  l’Ă©gard des dommages-intĂ©rĂŞts.

En fin de compte, la CCI, acceptant les arguments de Revenu QuĂ©bec, a conclu que l’intĂ©gralitĂ© du versement des 778 612 $ effectuĂ© par McKesson au profit de l’appelante Ă©tait rĂ©putĂ©e inclure quelque 37 076,76 $ de TPS conformĂ©ment Ă  l’article 182 de la LTA.

L’arrĂŞt THD devrait servir de mise en garde quant Ă  l’importance de s’assurer de ne pas oublier l’application de l’article 182 de la LTA dans le contexte du règlement d’un litige de nature juridique, que ce soit devant un tribunal, un tribunal arbitral ou Ă  l’amiable entre les parties. L’application de l’article 182 devrait ĂŞtre envisagĂ©e Ă  chaque fois qu’un paiement est reçu en raison d’une inexĂ©cution, d’une modification ou de l’annulation d’un contrat.

Contrairement aux nĂ©gociations en vue d’un règlement dans lesquelles l’inclusion ou l’exclusion de la TPS/TVH dans le versement de la somme convenue au titre du règlement est l’un des Ă©lĂ©ments qui doivent ĂŞtre envisagĂ©s et discutĂ©s dans le cadre du calcul de la somme finale, lorsqu’un arbitre ou un juge accorde des dommages-intĂ©rĂŞts pour indemniser une partie lĂ©sĂ©e, la TPS/TVH applicable est presque toujours automatiquement ajoutĂ©e Ă  la somme lors de la demande. Par consĂ©quent, il ne fait pratiquement aucun doute que si l’appelante avait demandĂ© le montant de la TPS en sus des dommages-intĂ©rĂŞts accordĂ©s par l’arbitre, ce dernier l’aurait presque certainement accordĂ©.

Ceci dit, la question de savoir si l’article 182 aurait dĂ» ĂŞtre appliquĂ© au seul montant constituant les dommages-intĂ©rĂŞts (soit les 727 934,30 $ accordĂ©s au titre de l’inexĂ©cution) ou Ă  l’intĂ©gralitĂ© de la somme accordĂ©e par l’arbitre qui incluait les intĂ©rĂŞts et les dĂ©pens est une intĂ©ressante question qui ne semble pas avoir retenu l’attention de la CCI. On peut certainement faire valoir que l’article 182 n’aurait pas dĂ» s’appliquer aux intĂ©rĂŞts et aux dĂ©pens car ces sommes ne sont pas des sommes versĂ©es ni n’ayant fait l’objet d’une renonciation, Ă  proprement parler, « par suite de l’inexĂ©cution, de la modification ou de la rĂ©siliation […] d’une convention » en raison de leur lien indirect avec la convention. On pourrait en outre soutenir que le versement des intĂ©rĂŞts constitue un service financier exonĂ©rĂ©.

Pour terminer, le fait que l’appelante dans l’affaire THD semblait Ă©galement intenter des poursuites Ă  l’encontre des avocats qui avaient traitĂ© le dossier d’arbitrage et ne connaissaient pas les ramifications de l’article 182 de la LTA (poursuites pour recouvrer probablement le montant de la TPS demandĂ© Ă  l’appelante plus les dĂ©pens connexes au rejet de son appel interjetĂ© devant la CCI) pourrait particulièrement intĂ©resser les praticiens du droit.

John Bassindale est avocat dans le cabinet Millar Kreklewetz LLP