Certains services externalisés par un gestionnaire de fonds sont exemptés de TPS/TVH

  • 24 dĂ©cembre 2019
  • Jean-Guillame Shooner

Infirmant une dĂ©cision de la Cour canadienne de l’impĂ´t, la Cour d’appel fĂ©dĂ©rale a conclu — Ă  l’Ă©gard d’une entente de financement complexe rĂ©gissant les commissions versĂ©es Ă  des courtiers dans le cadre de la vente de titres de fonds communs Ă  des investisseurs — que la fourniture de services financiers reçue par les fonds communs d’une entitĂ© de titrisation Ă  but unique Ă©tablie par une banque amĂ©ricaine Ă©tait exonĂ©rĂ©e de TPS.

La question au cĹ“ur de l’arrĂŞt SLFI Group c. Canada, 2019 CAF 217 est de savoir si, en vertu des règles rĂ©gissant les « fournitures taxables importĂ©es » aux termes de la Loi sur la taxe d’accise (LTA), les fonds communs Ă©taient tenus d’Ă©tablir eux-mĂŞmes leur cotisation Ă  l’Ă©gard de la TPS relativement aux services qui leur ont Ă©tĂ© rendus aux termes de l’entente de financement, au motif que ces services Ă©taient en fait taxables, mais fournis Ă  l’extĂ©rieur du Canada.

Les appelants formaient un groupe comprenant 72 fonds communs et leur gestionnaire, Invesco Canada Ltd. Le litige portait sur la façon dont certaines commissions Ă©taient financĂ©es et, plus particulièrement, les consĂ©quences fiscales des ententes de financement. Lorsque les titres des fonds ont Ă©tĂ© vendus aux tiers investisseurs, on leur a offert la possibilitĂ© de reporter le paiement des commissions de telle sorte qu’ils pouvaient complètement Ă©viter de verser les commissions s’ils conservaient leurs placements pendant une pĂ©riode dĂ©terminĂ©e. Le gestionnaire a versĂ© les commissions aux courtiers Ă  la place des investisseurs, puisque celles-ci devaient tout de mĂŞme ĂŞtre versĂ©es au moment de l’achat des titres.

Au dĂ©part, le gestionnaire a donc financĂ© les commissions en plus de les octroyer. Toutefois, le 1er avril 2002, les fonds ont conclu une entente de financement complexe avec Citibank, N.A., une banque amĂ©ricaine. Cette dernière a mis sur pied une entitĂ© Ă  but unique Ă©tablie aux États-Unis, FundCo, qui a convenu d’organiser le financement de paiements quotidiens correspondant aux commissions des courtiers reportĂ©es. En contrepartie, les fonds ont convenu de verser Ă  FundCo des honoraires, au moment oĂą ils les recevraient. FundCo transfĂ©rait alors Ă  Citibank les droits sur les honoraires reçus. Une autre entitĂ©, Citicorp agissait Ă  titre de reprĂ©sentante de Citibank et de FundCo dans le cadre de l’opĂ©ration.

Dans une dĂ©cision de 2017, la Cour canadienne de l’impĂ´t (CCI) avait rejetĂ© l’appel des fonds sur la question des cotisations. Plus prĂ©cisĂ©ment, la CCI avait rejetĂ© les deux principaux arguments mis de l’avant par les fonds, soit i) l’absence de fourniture d’un service et ii) s’il y a eu fourniture d’un service, il s’agissait de la fourniture d’un « service financier » (para. 28). 

En appel, la CAF a conclu que la CCI avait commis une erreur manifeste et dominante en concluant que le gestionnaire avait dĂ©lĂ©guĂ© Ă  FundCo des services de gestion et d’administration. Selon la CAF, le service fourni aux fonds tient davantage de la nature d’un service financier offert couramment par les institutions financières. Par consĂ©quent, il n’existait aucune fourniture taxable importĂ©e sur laquelle les fonds Ă©taient tenus d’Ă©tablir par eux-mĂŞmes de cotisation Ă  l’Ă©gard de la TPS.

Cette dĂ©cision offre d’intĂ©ressantes possibilitĂ©s de planification des rĂ©gimes et fonds d’investissement en ce qui a trait aux services de « fractionnement » fournis actuellement par un gestionnaire de fonds aux fins de minimiser les pertes associĂ©es Ă  la TPS/TVH.

Jean-Guillaume Shooner est associĂ© chez Stikeman Elliot S.E.N.C.R.L., s.r.l.