Éviter les menottes dorées : comment contrer l’inflation du mode de vie

  • 16 juin 2016
  • Carolynne Burkholder-James

Nombreux sont les juristes qui se retrouvent pris au piège des soi-disant « menottes dorĂ©es » dans lequel leur style de vie au-dessus de leurs moyens exige qu’ils demeurent dans une carrière oĂą les pressions sont fortes.

Cependant, certains jeunes juristes tentent de lutter contre l’inflation du style de vie.

Leah Klassen, qui exerce le droit des testaments, des successions et de la famille Ă  Ajax (Ontario), se dĂ©crit comme quelqu’un qui « essaie de se rebeller contre le stĂ©rĂ©otype de l’avocat ».

Elle dĂ©clare, toutefois, ressentir Ă  l’occasion les pressions de la sociĂ©tĂ© selon lesquelles elle devrait avoir l’air d’une avocate, agir comme une avocate et dĂ©penser comme une avocate.

« Lorsque les gens entendent dire que vous ĂŞtes juriste, ils s’attendent Ă  ce que vous ayez un style de vie prestigieux », dĂ©clare Me Klassen, qui a commencĂ© sa carrière juridique en fĂ©vrier 2016 en qualitĂ© d’avocate chez Marie G. Michaels and Associates. « Je me surprends parfois Ă  justifier les dĂ©penses faites pour mon apparence, comme des manucures et des vĂŞtements. Je pense que c’est largement parce que les gens pensent que les avocats qui prĂ©sentent bien et portent des vĂŞtements de marque sont prospères. Ce n’est pas mon avis, mais je me surprends malgrĂ© tout Ă  justifier ce genre d’achat. »

Nombreux sont ceux qui ne réalisent pas ce que coûtent les études en droit et combien un nouvel avocat dans un cabinet est rémunéré, ce qui conduit à des attentes déraisonnables, déclare-t-elle.

Ainsi, elle se souvient que lorsque son propriĂ©taire a dĂ©couvert qu’elle est avocate, il Ă©tait choquĂ©.

« Il a dĂ©clarĂ© : “attendez une minute! N’ĂŞtes-vous pas riche? Pourquoi vivez-vous ici?” » raconte Me Klassen. « Cela m’a fait rire. J’ai rĂ©pondu “Non. Pas tout Ă  fait.” »

Elle se rend compte aussi que ses amis qui ne sont pas juristes ont souvent des idées fausses.

« Les gens pensent savoir combien gagnent les avocats, et quand vous leur expliquez l’ampleur de votre dette et le montant de votre salaire, ils sont gĂ©nĂ©ralement très surpris », dit-elle.

Leah Klassen dit qu’elle tente de rĂ©sister aux pressions sociales visant Ă  imposer un certain style de vie, mĂŞme lorsqu’elle voit ses pairs, aussi de nouveaux avocats, « dĂ©penser des sommes dĂ©passant largement leur budget actuel ».

« Je fais partie de ces gens qui tentent de se rebeller contre l’idĂ©e que se fait la sociĂ©tĂ© de ce que devrait ĂŞtre un avocat », dit-elle. « Mais je ressens malgrĂ© tout la pression. »

Gordon Plewes, conseiller financier chez Raymond James Ltd., est d’accord sur le fait que les nouveaux juristes ressentent souvent la pression de se conformer Ă  un certain style de vie.

« Il y a souvent une pression sociale de nous conformer Ă  un statu quo parce qu’en tant que nouveaux professionnels, nous pensons que nous ne serons pas acceptĂ©s ou n’obtiendrons pas le gros client si nous ne semblons pas ĂŞtre Ă  un certain niveau », affirme Me Plewes, qui est basĂ© Ă  Prince George (Colombie-Britannique) « La norme “prĂ©tendre ĂŞtre dĂ©jĂ  arrivĂ©” est chose beaucoup trop courante. »

Cependant, Me Plewes recommande aux juristes de ne pas cĂ©der aux pressions sociales visant Ă  amener leur style de vie Ă  un niveau qui n’est pas rĂ©aliste pour quelqu’un en dĂ©but de carrière.

« En vĂ©ritĂ©, une bonne part de cette attitude peut augmenter vos risques d’Ă©chec, car elle n’est ni rĂ©aliste, ni durable en dĂ©but de carrière. Cela peut conduire Ă  un niveau accru de stress et de pression, ainsi qu’Ă  un recours irresponsable Ă  l’endettement et au crĂ©dit », prĂ©vient-il.

Me Klassen dit qu’elle fait face Ă  la pression en plaçant le remboursement de sa dette et la rĂ©alisation d’Ă©conomies en tĂŞte de sa liste de prioritĂ©s.

« S’agissant de mon budget, une certaine somme est rĂ©servĂ©e au remboursement de ma dette, une autre Ă  la rĂ©alisation d’Ă©conomies et ce qui reste est imputĂ© en fonction de mes objectifs de style de vie », explique-t-elle.

« Les voyages ont toujours Ă©tĂ© prioritaires », ajoute-t-elle. « Je veux retourner au Manitoba et revoir ma famille tous les quelques mois, je dĂ©pense donc moins en divertissements et en habillement pour pouvoir rĂ©aliser cet objectif. Je dois parfois me morigĂ©ner : “Non, tu n’as pas besoin de ces vĂŞtements ou de ce dĂ®ner sortant de l’ordinaire” afin de conserver de l’argent pour mes prioritĂ©s. »

Selon Me Plewes, les jeunes juristes doivent aussi rĂ©aliser qu’il faut du temps pour amasser des richesses et dĂ©velopper une carrière rĂ©ussie. 

« Il est simplement injuste de comparer votre style de vie Ă  celui d’un collègue ayant 30 ans de mĂ©tier », dit-il. « Soyez patient et commencez Ă  la base en faisant des Ă©conomies, en remboursant votre dette et en limitant au maximum vos paiements mensuels. »

Ainsi, Me Plewes affirme que la plupart des jeunes juristes ne devraient pas s’attendre Ă  acquĂ©rir la maison de leurs rĂŞves en dĂ©but de carrière.

« Votre première maison devrait ĂŞtre un achat facile Ă  gĂ©rer et pouvant ĂŞtre payĂ© intĂ©gralement. Dans dix Ă  vingt ans, lorsque votre maison sera presque entièrement payĂ©e, car vous aurez pu faire des paiements supplĂ©mentaires, vous pourrez chercher la maison de vos rĂŞves », recommande-t-il. « Cela rĂ©duira considĂ©rablement le coĂ»t de vos intĂ©rĂŞts au fil du temps et vous aurez plus de souplesse, ce qui vous permettra d’Ă©conomiser d’autres façons et de faire face aux urgences imprĂ©vues. » 

Me Plewes et Me Klassen recommandent tous deux de faire des Ă©conomies votre prioritĂ©.

« Je vais mettre une somme de cĂ´tĂ© Ă  chaque fois que je reçois mon salaire, puis je verserai le tout dans un rĂ©gime de retraite », dĂ©clare Me Klassen.

Me Plewes convient que les jeunes juristes devraient insérer dans leur budget dès le départ la nécessité de faire des économies en vue de leur retraite.

« L’une des plus graves erreurs que font les gens est de sous-estimer l’importance de commencer tĂ´t Ă  Ă©conomiser », dit-il. « Ce qu’ils ne rĂ©alisent pas, c’est qu’il faudra au moins dix ans pour amener leurs Ă©conomies Ă  un point oĂą les intĂ©rĂŞts commencent Ă  ĂŞtre consĂ©quents. »

Selon Me Plewes, l’un des plus grands regrets des gens qui prennent leur retraite aujourd’hui est de ne pas avoir commencĂ© Ă  Ă©conomiser plus tĂ´t dans leur carrière.

« L’idĂ©e que “j’ai plein de temps devant moi” est une idĂ©e fausse », ajoute-t-il. « La rĂ©alitĂ© du monde contemporain est que nous disposons de 35 annĂ©es de travail pour Ă©conomiser suffisamment pour financer 35 ans de retraite. En commençant de bonne heure, c’est facile Ă  faire. »

Carolynne Burkholder-James est avocate chez Heather Sadler Jenkins LLP Ă  Prince George (Colombie-Britannique).

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