Cinq questions clés à poser avant de se joindre à un CA

  • 01 mai 2014
  • Julie Sobowale

Le fait d’ĂŞtre membre d’un conseil d’administration est un excellent moyen pour les avocats d’Ĺ“uvrer dans leur collectivitĂ©. Il peut ĂŞtre valorisant de travailler pour un organisme sans but lucratif ou une entreprise. Toutefois, une vĂ©rification prĂ©alable s’impose et, surtout, un avocat doit se prĂ©parer avant de siĂ©ger Ă  un CA. Voici les cinq principales questions Ă  poser avant de prendre une dĂ©cision.

1. Pourquoi m’offre-t-on ce poste?

Il n’est pas rare qu’on invite un avocat Ă  faire partie d’un conseil d’administration, car leurs compĂ©tences en matière de prise de dĂ©cisions et leur esprit critique se prĂŞtent bien Ă  de telles fonctions. Évitez toute confusion et tâchez de savoir Ă  quoi vous en tenir.

« Sachez pourquoi c’est Ă  vous qu’on a pensĂ© et demandez-vous si ce poste vous convient, conseille Stan Magidson, prĂ©sident et chef de la direction de l’Institut des administrateurs de sociĂ©tĂ©s. Qu’apporterez-vous de plus Ă  l’Ă©quipe? Le poste convient-il Ă  vos compĂ©tences et Ă  vos forces? S’il s’agit d’un organisme sans but lucratif, vous sollicite-t-on pour votre capacitĂ© Ă  contribuer au financement ou pour vos compĂ©tences juridiques? Voyez si cela vous convient et jusqu’oĂą vous ĂŞtes prĂŞt Ă  vous investir. »

Si votre poste ne vous convient pas, ce travail peut devenir frustrant ou prendre beaucoup de votre temps. Ă€ ses dĂ©buts, Michelle Bullas a fait l’erreur de se joindre Ă  un CA sans s’ĂŞtre bien informĂ©e.

« FraĂ®chement nommĂ©e Ă  mon premier CA, j’ai assistĂ© Ă  une rencontre entre membres actuels et anciens du conseil, raconte Michelle Bullas, avocate Ă  son compte Ă  Calgary et prĂ©sidente du CA du Legal Education Action Fund (Fonds d’action pour l’Ă©ducation en droit). Un des membres du conseil m’a prise Ă  part et m’a dit sans ambages que les jeunes femmes dĂ©sireuses d’Ă©toffer leur CV n’Ă©taient pas les bienvenues dans ce CA, et qu’il fallait des administrateurs capables de contribuer au financement. J’ai aussitĂ´t paniquĂ©! Je n’avais pas un sou en poche et j’Ă©tais encore nouvelle dans la ville; je ne connaissais aucun contact pouvant m’aider. Dans quel guĂŞpier avais-je posĂ© le pied? »

Parlez au prĂ©sident du conseil pour en savoir plus sur ce qui vous attend, et donnez l’heure juste sur ce que vous pouvez faire.

2. Quel est le profil de l’organisation cĂ´tĂ© risques et finances?

La plupart des questions de ce genre trouveront rĂ©ponse lors de votre vĂ©rification prĂ©alable, mais un avocat ne doit pas oublier l’aspect financier. S’il y a des problèmes graves, une analyse financière rigoureuse rĂ©vĂ©lera cette faille de l’organisation.

« Examinez les bilans annuels, les Ă©tats financiers, les procès-verbaux du CA, etc., recommande Michelle Bullas. Quelle est sa situation financière? Est-ce une jeune entreprise ou une organisation communautaire dont vous vous interrogez sur la capacitĂ© Ă  boucler ses fins de mois? Ou est-ce un organisme de bienfaisance aux assises financières Ă©tablies de longue date? Quelles sont ses sources de financement principales? Ces sources sont-elles stables? Quelles sont les parts publiques et privĂ©es de ce financement? »

Ce n’est pas que vous ayez nĂ©cessairement Ă  refuser l’offre si vous constatez des problèmes de liquiditĂ©s ou un taux de roulement Ă©levĂ© chez les cadres supĂ©rieurs. « Sachez quels sont les risques et les processus de supervision au sein du CA, souligne Stan Magidson. La situation peut s’avĂ©rer explosive, et vous pourriez vous retrouver au cĹ“ur d’une crise. Difficile, certes, mais aux yeux de certains avocats, le jeu en vaut la chandelle. »

Assurez-vous aussi qu’il y a des ententes d’indemnisation prĂ©voyant une assurance de la responsabilitĂ© civile des administrateurs et des dirigeants suffisante. Dans le cas d’un organisme sans but lucratif, examinez bien le processus budgĂ©taire.

« Les organismes sans but lucratif devraient se doter d’un comitĂ© responsable du budget, affirme Thierry Dorval, associĂ© de Norton Rose, Ă  MontrĂ©al, et responsable de l’Ă©quipe Gouvernance et responsabilitĂ© des administrateurs. Cela aide Ă  garder les attentes rĂ©alistes. N’oubliez jamais le budget. Il faut savoir garder les deux pieds sur terre. »

3. Combien de temps devrai-je consacrer Ă  ce travail?

ĂŠtre membre d’un CA peut prendre beaucoup de votre temps. Pour un jeune avocat en train de s’Ă©tablir, les organismes sans but lucratif prĂ©sentent des avenues très intĂ©ressantes pour gagner en expĂ©rience, mais comme la plupart de ces organismes sont bĂ©nĂ©voles, cela peut exiger beaucoup de vous.

« PrĂ©voyez assez de temps dans votre agenda, recommande Thierry Dorval. Je le sais d’expĂ©rience, ĂŞtre membre d’un CA demande toujours plus de temps qu’on le pense. Ne prenez pas cet engagement Ă  la lĂ©gère. Avec vos engagements professionnels, ce serait difficile de siĂ©ger Ă  plus de deux ou trois conseils. »

4. Comment serai-je rémunéré?

Ne pensez pas uniquement Ă  la rĂ©munĂ©ration. Les avocats qui siègent Ă  des CA sont payĂ©s directement, plutĂ´t que par l’entremise de leur cabinet. Cette façon de faire Ă©tablit la distinction nette que l’avocat siège au conseil Ă  titre de conseiller et non d’avocat-conseil officiel.

« De nombreux cabinets ont leur propre politique en matière d’honoraires versĂ©s aux administrateurs, explique Thierry Dorval. IdĂ©alement, les administrateurs doivent garder ces honoraires et non les verser Ă  leur cabinet d’avocats. Ils dĂ©montrent ainsi qu’ils n’agissent pas en tant qu’avocats au sein du conseil. Évidemment, ils doivent respecter leur parole et se garder de donner des avis juridiques. »

La sĂ©paration entre le rĂ´le de membre d’un CA et celui d’avocat-conseil a fait l’objet d’un examen minutieux dans le diffĂ©rend entre Charles Allen et la Aspen Group Resources Corp. Charles Allen Ă©tait membre du CA d’Aspen et travaillait Ă  titre d’associĂ© de WeirFoulds LLP, le cabinet-conseil d’Aspen. Une dĂ©cision de la Cour supĂ©rieure de justice de l’Ontario en 2012 a rejetĂ© sa requĂŞte en jugement sommaire.

« La question est de savoir si le cabinet d’avocats est le fournisseur de services ou si un autre cabinet est le fournisseur, explique Stan Magidson. Pour des raisons d’indĂ©pendance, faire appel au mĂŞme fournisseur de services juridiques n’est peut-ĂŞtre pas la meilleure solution. Les avocats et les cabinets sont douĂ©s pour rĂ©flĂ©chir Ă  ces questions. Cela renforce le besoin de rĂ©flexion. Les grands cabinets ont gĂ©nĂ©ralement des processus en place pour examiner de telles demandes et dĂ©cider de donner ou non aux avocats l’autorisation de siĂ©ger Ă  des conseils. »

5. Le CA a-t-il un plan de gestion de crise?

Les mĂ©dias sociaux transforment rapidement la façon dont les organisations gèrent leur image. Des histoires nĂ©gatives sur des marques peuvent facilement devenir virales sur Twitter, Facebook et YouTube. Les conseils d’administration doivent ĂŞtre prĂŞts Ă  rĂ©gler ces questions au moyen de politiques Ă©tablies pour protĂ©ger la rĂ©putation de l’organisation.

« Il est bon d’avoir des plans d’urgence, quelques pages sur qui fait quoi et quand, soutient Thierry Dorval. Si une crise survient le samedi après-midi et que la sociĂ©tĂ© attend au lundi matin pour rĂ©agir, il peut ĂŞtre difficile de rattraper le retard lorsque les mĂ©dias sociaux sont en cause. »

Julie Sobowale est rĂ©dactrice et collabore rĂ©gulièrement aux publications de l’ABC.