Guide des relations de l’avocat, de l’avocate avec les médias

  • 13 août 2014
  • Ann Macaulay

Vous reconnaissez sans doute les noms des avocats et avocates régulièrement cités dans les médias. Constatant que ces collègues sont souvent sollicités, vous vous demandez « pourquoi ne fait-on jamais appel à mon expertise? » ou peut-être avez-vous déjà été interviewé mais n’avez pas été sollicité à nouveau.

Être cité dans les médias est une excellente manière de vous faire connaître, vous et votre cabinet. Cela vous permet de bâtir votre réputation en tant que professionnel spécialisé dans tel champ de pratique et de souligner aussi un aspect de votre travail plus ou moins laissé de côté dans le passé mais que vous aimeriez désormais explorer davantage.

Certains juristes se demandent pourquoi ils devraient attirer l’attention des médias, en étant cités dans la presse, entendus à la radio ou encore vus à la télé. Tout simplement parce que vos concurrents le font! « Si vous ne racontez pas votre histoire, ni ne parlez de votre pratique, d’autres collègues le feront à votre place et les éventuels clients auront tendance à les contacter plutôt que vous » affirme Kevin Aschenbrenner, chef du service des comptes et chargé des relations publiques pour Jaffe Associates à Vancouver.

Il existe d’excellentes tactiques pour faire en sorte d’être sollicité – à plusieurs reprises- pour des entrevues avec les médias. Il suffit juste de se familiariser avec leur mode de fonctionnement.

Une occasion de se faire valoir

Être cité dans les médias devrait faire partie de votre stratégie de positionnement. Avoir ses propos repris dans les médias peut être une bonne référence pour votre site web et d’autres documents promotionnels. Si vous disposez d’une page énumérant vos récentes apparitions à la télé ou des articles dans les médias où l’on vous a cité : cela prouve que vous êtes dans le coup, et que vous travaillez sur des problèmes qui concernent probablement des clients à l’heure actuelle.

« Les médias sont en quelque sorte une validation externe de votre expertise » dit-il. Le travail du journaliste consiste à se renseigner auprès de sources fiables, d’obtenir des opinions éclairées, d’évaluer le niveau de connaissance et d’expertise et ensuite de déterminer qui est la meilleure personne à interviewer. « Ainsi, si vos propos sont repris dans l’article d’un journaliste connu pour sa rigueur quant à la fiabilité de ses sources – ou simplement cités dans un article en général – on prendra pour acquis dans le milieu que ce journaliste a effectué ses recherches en bonne et due forme et décidé que votre opinion valait d’être citée dans son article. »

Une ou deux citations ne sauraient, bien entendu, vous assurer une reconnaissance instantanée auprès d’éventuels clients ou clientes, cela demeure cependant un excellent point de départ et vous fait comprendre que les relations publiques sont un processus graduel.

« Commencez par prendre contact avec certains journalistes dont vous lisez régulièrement les articles dans le journal » explique M. Aschenbrenner. « Je conseillerais d’envoyer un bref courriel en disant que tel article vous a beaucoup plu - vous reprenez les questions soulevées dans l’article en ajoutant qu’il s’agissait d’une analyse intéressante. Vous terminez en proposant vos services au journaliste au cas où il aurait besoin, à un moment donné, d’une personne capable de parler du sujet en question, que vous affirmez bien connaître en disant quelque chose comme : « J’ai récemment représenté une entreprise de ce type ». Il se peut que l’on vous réponde, mais l’inverse est tout aussi probable. « Le truc avec les journalistes est de susciter leur intérêt de façon à ce qu’ils n’aient pas l’impression de devoir vous re-contacter sur-le-champ, que vous les harcelez ou que vous cherchez à vous « vendre ». Sachez que les journalistes possèdent en général un flair remarquable pour détecter les tentatives de manipulation. Efforcez-vous donc d’employer le ton juste.

« Voyez les relations publiques et les relations avec les médias de manière à la fois réactive et proactive » : déclare Aschenbrenner. « Réagir : cela consiste en fait à attendre simplement que le téléphone sonne. Entretenir des relations publiques proactives, par ailleurs, signifie que vous élaborez en partie l’article et réfléchissez aux questions que vous voudriez que le journaliste vous pose. Dans ces cas-là, vous exercez davantage de contrôle, parce que, en gros, c’est vous qui allez dicter l’article. Il est préférable de considérer vos relations avec les médias comme un mouvement de va-et-vient. Parfois vous répondez à des sollicitations et d’autres fois c’est vous qui proposez des idées. »

Natasha Chetty, directrice principale chez Isis Communications à Vancouver, se charge de contacter les rédacteurs en chef, les journalistes et les réalisateurs de la radio et de la télé au nom de ses clients avocats et avocates et les inscrit ensuite sur une liste de ressources. Elle conseille aux avocats et avocates d’aviser les journalistes qu’ils et elles font autorité sur certains sujets.

« Il suffit de mener une petite enquête discrète » explique-t-elle. « Vérifiez qu’il s’agit bien d’un domaine que vous connaissez à fond et que votre marché cible pourrait y prêter attention. Les tribunes téléphoniques à la radio ont toujours des retombées positives, car c’est en soi une méthode plus crédible qu’une annonce publicitaire.

Il existe d’autres manières, simples et directes, de voir votre nom affiché afin que le public et des clients éventuels puissent le découvrir. Vous pouvez devenir une autorité réputée dans votre domaine du droit en rédigeant régulièrement des chroniques et des articles, sporadiques, dans des publications cibles. Et si vous savez que vous serez cité dans une publication professionnelle ou que votre article sera publié, essayez de placer une annonce dans le même numéro de cette publication, recommande Chetty.

Envoyer régulièrement des lettres aux rédacteurs est aussi une bonne façon de vous faire connaître. « Si vous avez une opinion sur un sujet en particulier et que vous n’êtes pas d’accord avec ce qui est publié à ce propos, c’est l’occasion d’écrire directement au rédacteur de la publication en exposant votre point de vue, conseille Chetty. Faites preuve de prudence cependant, car en général le public et vos collègues n’apprécieront pas tellement le côté ostentatoire de vos interventions médiatiques. Il arrive qu’un « avocat téléphone à des journalistes pour relater que leur client a fait telle ou telle chose». C’est déjà arrivé et ce n’est vraiment pas une bonne idée. C’est tout simplement du « racolage » de médias.

L’exactitude et la concision sont des impératifs

Diffuser publiquement un message exact vous aide à préserver votre intégrité professionnelle. « Mais si vous fournissez aux gens des faits erronés et des chiffres inexacts, un journaliste finira par le découvrir et prouvera que vous vous êtes fourvoyé, ce qui peut-être particulièrement embarrassant et nuire à vote réputation », explique Chetty.

L’acte de faire passer un message exact comprend aussi votre disponibilité pour des entrevues. Parfois des avocats attendent des jours, voire des semaines avant de répondre à un journaliste. « C’est inacceptable, selon Chetty, vous ne feriez pas cela à un de vos clients. » Et ne vous contentez surtout pas d’envoyer un communiqué de presse sur la cause d’un client pour ensuite sauter dans un avion. Ça s’est déjà vu!

Si l’on vous demande d’adresser des commentaires à la presse à propos d’une cause que vous défendez, n’oubliez pas que les faits et chiffres relatifs à la cause de votre client peuvent faire l’objet d’articles fouillés dans les médias. Alors, il est impératif de vous assurer de l’exactitude des faits et chiffes que vous citez.

Vous en tenir à votre message initial devrait vous aider à garder le contrôle sur le déroulement de l’interview. Les juristes craignent souvent d’être mal cités, interprétés de manière incorrecte ou mal compris, c’est pourquoi le fait de préparer ce que vous allez dévoiler en entrevue et de vous en tenir à vos messages clés est une excellente façon de faire pencher la balance de votre côté.

Soyez concis. Les avocats ont tendance à se laisser aller à digresser en puisant dans la mine de connaissances de leur domaine de pratique, en donnant souvent bien plus de détails que le ou la journaliste n’en a besoin. Ceci s’applique en particulier aux entrevues données à la radio ou à la télé, où le journaliste ne désire en général qu’obtenir un bref point de vue. En venir rapidement à l’essentiel avec quelques références à l’appui augmente vos chances d’être sollicité à nouveau.

« En faisant à fond vos devoirs de votre côté, vous aidez le journaliste dans son travail » recommande Aschenbrenner. « Le journaliste sait ainsi dès le début qu’il s’adresse à quelqu’un qui sait de quoi il parle et il saura immédiatement l’ordre dans lequel placer les citations dans son article. »

Il est tout à fait permis de poser des questions au journaliste avant l’entrevue. Et même, cela orientera davantage l’entrevue vers les points essentiels et fera gagner du temps au ou à la journaliste. Demandez d’emblée sur quoi porte l’article, sous quel angle le journaliste désire-t-il explorer le sujet et quels enjeux en particulier souhaite-t-il aborder.

Souvent les avocats « ignorent le fonctionnement des relations avec les journalistes, il ne savent pas qu’ils peuvent leur poser des questions et ce qu’ils devraient leur demander » explique Aschenbrenner. Obtenir les questions précises à l’avance « est parfois difficile dans la mesure où le journaliste peut avoir l’impression que vous essayez de contrôler l’entrevue. Il est rare qu’ils acceptent d’être ainsi ‘organisés’ de cette manière. Cependant, tout journaliste digne de ce nom et soucieux d’équité devrait vous expliquer en gros de quoi l’article retourne et le genre de discussion qu’il attend de vous. »

Certes, votre obligation première avant toute entrevue est celle que vous avez envers votre client. Si le client y consent, cependant, vous êtes en droit de communiquer avec un journaliste pour mettre les choses au point au sujet de la cause et même vous servir de ce contact comme une sorte de mesure préventive en faveur de votre client.

Soyez bien préparé

Faire vos devoirs, c’est payant. Tâchez de savoir à l’avance quels renseignements le journaliste a déjà en sa possession. S’il détient un dossier de faits incomplets ou inexacts, c’est à cela qu’il faut s’attaquer en premier lieu. Ensuite, vous aurez une bonne idée de l’orientation qui sera donnée à l’entrevue. Et souvenez-vous que les journalistes ne cherchent pas à vous piéger, ils veulent tout simplement recueillir des faits. Comme Aschenbrenner le souligne, « en règle générale, les journalistes ne sont pas vos ennemis. »

Souvenez-vous qu’ils font simplement leur boulot. « Les journalistes ont des échéances serrées à respecter » rappelle Bob, associé principal en litige chez Pitblado, s.r.l à Winnipeg. « En fait, les échéances qui leur sont imposées sont même plus serrées que celles des avocats. Alors, tenez-en compte. Si vous promettez de rappeler à 14h, faites-le à 14h pile, avec un maximum de 30 secondes de retard. Ne laissez pas le journaliste en attente. C’est la moindre des politesses et votre travail d’avocat implique l’observance de cette règle de courtoisie élémentaire. »

« Les gens des médias, comme la plupart d’entre nous, ont la mémoire longue » affirme Sokalski. « Advenant une controverse sur un point de l’affaire, ne devenez pas inaccessible. Parce qu’il y a des chances que cela soit interprété de façon négative et parfois, le silence est retentissant de sous-entendus! »

Lorsqu’un journaliste fait appel à vos connaissances en raison de votre réputation : « tenez-vous en à la question en jeu, soyez à jour pour le compte rendu des faits et répondez rapidement » conseille Sokalski. « Ensuite dès que vous avez le temps de repenser au sujet, prenez des notes et si vous avez des textes faisant autorité, ayez-les à portée de main. Vous pouvez en faire part au journaliste et faciliter ainsi le déroulement de l’entrevue pour vous comme pour lui. » Si vous passez une entrevue à la radio ou dans la presse, rien ne vous empêche d’avoir vos notes avec vous, ce qui en revanche n’est pas conseillé si vous vous passez une entrevue télévisée. Dans une bonne entrevue, servez-vous d’expressions comme « autrement dit » ou « voici comment on pourrait résumer » ou « comme je l’ai dit plus tôt »

Une entrevue publiée dans la presse peut aller bien plus dans le détail qu’une entrevue télévisée, laquelle est segmentée en brefs clips de 15 à 30 secondes. L’avocat peut trouver contraignant d’être ainsi obligé de morceler son exposé, cependant il faut savoir que la télévision ne vous permet pas d’expliquer votre point de vue en détail. Il faut donc mettre de côté les explications élaborées et faire ressortir vos meilleurs points.

« Et par-dessus tout, soyez honnête » recommande Sokalski. Si vous n’êtes pas familier avec le sujet, dites-le tout de suite. Évitez les approximations et les spéculations. Si le sujet évoqué ne s’inscrit pas dans le champ de vos connaissances, dites d’emblée au journaliste : « je ne dispose pas sous la main de toutes les données sur le sujet, mais si vous le voulez, je vais faire quelques recherches et voir ce que je peux obtenir pour vous ».

Si vous accordez une entrevue à propos d’une cause spécifique, tâchez de faire passer trois à cinq messages clés pour exprimer votre point. Revenez à ces messages clés si le journaliste vous pose une question tendancieuse. Être bien préparé diminue l’anxiété ou l’impression d’être sur la défensive pendant une entrevue.

Tâchez de faire passer votre message

Les avocates demandent parfois de pouvoir relire l’article avant sa publication. « En général, on leur répondra par la négative » déclare Aschenbrenner, « il est rarissime qu’un journaliste vous envoie son article et vous demande de relire et de corriger ses erreurs, s’il y a lieu. En revanche, vous pouvez demander de vérifier vos citations par téléphone si vous passez une entrevue dans la presse écrite ou de vous les envoyer par courriel, pour voir leur réaction. S’ils répondent par l’affirmative à cette requête, c’est qu’ils accepteront des modifications. Mais il arrive que les journalistes ne puissent accéder à votre demande à cause des contraintes posées par le délai de parution. Ils estiment qu’il est de votre responsabilité de veiller à dire ce que vous voulez vraiment dire et d’éviter de livrer des propos que vous refuseriez de voir imprimés.

« Il existe toujours la crainte d’être mal cité et cela certes peut arriver » ajoute-t-il. « Il est possible que vous ayez oublié avoir tenu tel propos ou que ce propos soit cité hors contexte, et pourtant cela cadre avec le reste de l’article. Mais si vous ne dites pas une chose, elle ne figurera pas dans l’article. Il est possible que vous soyez mal cité, voire même que la citation soit créée de toutes pièces, mais cette situation ne se produira pas si vous faites affaire avec un journaliste professionnel qui travaille pour une institution reconnue dans le domaine. Leur but n’est pas de brosser un portrait flatteur de votre personne ou de vous donner la vedette, ça c’est votre boulot. Leur travail consiste à rédiger un article sur ce qu’ils perçoivent être la vérité .»

Il peut arriver aussi que vous soyez interviewé mais que vos propos ne soient pas repris en citations et ce, pour différentes raisons, parfois c’est une simple question de coupures imposées par la longueur du texte, ou encore le fait que vous n’ayez pas réussi à faire passer le message clé ou encore qu’un autre livré de meilleures citations. Il arrive aussi qu’en effectuant ses recherches, le journaliste ait modifié l’orientation de son article.

Soyez prêt à différents types d’entrevues

Si vous passez une interview à la télévision « votre apparence doit traduire le type de personnalité que vous voulez montrer, » explique Aschenbrenner. « N’oubliez pas que certaines couleurs passent mal à la télévision. Évitez les rayures qui ont tendance à avoir un effet stroboscopique. S’il s’agit d’une entrevue où vous êtes assis en studio, vous serez probablement maquillé, ce qui ne sera sans doute pas le cas si l’entrevue se déroule dans votre bureau ».

Souvenez-vous aussi que l’entrevue fera l’objet d’un montage. « Ainsi, toute expression, tout propos est susceptible d’être coupé au montage » rappelle Aschenbrenner. « À la télévision, vous ne serez pas forcément assis en face de quelqu’un, vous pourriez vous rendre dans un studio et parler à une voix sans présence physique ou à quelqu’un sur un écran de télévision. »

À la radio, c’est votre voix qui donne toute sa portée à l’entrevue. « Vous devez donc vous exprimer lentement et bien articuler » recommande Aschenbrenner, « veillez à ce que vos commentaires soient porteurs du message, brefs et rapides. » N’accordez pas d’entrevue par téléphone cellulaire, surtout si l’entrevue est diffusée à la radio. La qualité du son pourrait être médiocre et il faut éviter que le journaliste ait à deviner vos propos.

Si vous ne comprenez pas une question, ne la répétez pas. « Si une question risque de vous porter préjudice, la répéter équivaudrait à vous dévoiler. » explique Aschenbrenner. « Réfléchissez avant de parler. Si vous n’avez pas saisi une question, il vaut mieux prier le journaliste de la reformuler. »

On peut aussi vous demander de commenter un sujet par courriel, mais c’est rare. Cela peut cependant se produire si vous êtes en voyage et que le journaliste ne parvient pas à vous contacter par téléphone. « Je doute qu’un journaliste d’une agence de presse ou d’un grand quotidien accepte une entrevue par courriel parce qu’il préférera toujours vérifier en personne que vous êtes la vraiment la source, et s’arranger pour vous parler directement et se faire sa propre idée » explique Aschenbrenner. « Certaines publications techniques et professionnelles également acceptent des entrevues par courriel. Dans les entrevues par courriel, faites attention à l’orthographe et à la façon d’épeler les mots, sinon le journaliste pourrait laisser intactes vos citations en les assortissant de sic pour se moquer de vous. C’est peu probable mais on ne sait jamais, il vaut mieux être prudent. Un bon moyen de vous assurer de l’absence de fautes est de faire lire votre texte par quelqu’un d’autre avant de l’envoyer. »

Au-delà du « pas de commentaire » : comment répondre à des questions délicates?

Ne comptez pas que l’un ou l’autre de vos propos puisse passer inaperçu. « Dès la minute où vous décrochez le téléphone ou vous asseyez en studio jusqu’à celui où vous raccrochez ou quittez le studio, tout est enregistré », avertit Aschenbrenner. Même si vous ne donnez que des renseignements de référence, tout ce que vous dites peut vous être imputé.

« Ne faites jamais à un journaliste une déclaration que vous ne voulez pas voir en première page du journal » recommande Sokalski. « Même si vous tenez certains propos à titre officieux, les journalistes ne connaissent pas forcément la loi. Donc, si vous ne tenez pas à lire ou entendre un commentaire, sachez que le fait de l’avoir confié « à titre officieux » n’est pas une garantie qu’il passera sous silence.»

« Si vous ne voulez pas que certains propos soient cités, faites-en la demande avant l’entrevue parce qu’un engagement a posteriori n’a aucune valeur » affirme Sokalski. « La promesse de respecter le caractère confidentiel ou la promesse de l’anonymat ou les deux est un véritable contrat légalement exécutoire s’il y a eu à la base un échange de valeurs. Les avocats doivent connaître le droit contractuel et savoir que l’on ne peut exiger une promesse après le fait parce qu’alors aucune valeur ne peut plus être échangée. En bref, il est trop tard. »

Si pour une raison ou une autre, il est préférable que vous n’émettiez aucun commentaire, dites-le d’emblée. Il arrive par exemple que vous ne puissiez commenter parce que l’affaire est pendante devant le tribunal ou qu’il vous soit interdit d’en parler pour d’autres motifs. Il vous suffira dans ce cas d’expliquer au journaliste ces raisons, plutôt que de vous contenter d’un « pas de commentaire » qui demeure trop évasif.

Soyez franc et honnête – il n’y a rien de mal à avouer qu’on ignore quelque chose. Cet aveu est préférable à un sec « pas de commentaire » et cela vous permet de continuer l’échange avec le journaliste. Préciser « J’aimerais pouvoir en parler, mais hélas cela m’est impossible » est préférable à l’absence pure et simple de commentaire, qui pourrait faire croire que vous avez quelque chose à cacher.

« Le ton de la voix est très important aussi » rappelle Chetty. « Vous ne voulez certainement pas donner l’impression que vous êtes sur la défensive, condescendant ou agressif sachant que cela risque de causer du tort à vous-même et à votre client. Si vous passez à la télévision et qu’une question vous met mal à l’aise, évitez toute mimique montrant votre malaise ou votre dédain, comme de rouler les yeux par exemple. L’effet est désastreux à la télé. »

Aschenbrenner conseille aux avocats de s’inspirer des méthodes des politiciens. « Certains d’entre eux sont vraiment des champions pour ce qui est de diffuser leur message et de s’y tenir. Ils ne sont jamais démontés par des questions incongrues, ils sont toujours prêts. Ils savent garder leur sang-froid, paraître décontractés et saisissent toute l’importance de cette attitude. Alors, regardez les nouvelles à la télé, écoutez la radio et lisez les journaux. Plutôt que de vous concentrer sur le récit, analysez plutôt sur les propos rapportés, la manière dont ils sont cités et le style des interventions. Examinez à fond la manière dont les autres gèrent les entrevues et quelles techniques pourraient vous servir. »

Modèle de politique pour les relations du cabinet avec les médias

Les cabinets juridiques devraient adopter une politique indiquant le nom de la personne désignée pour s’adresser aux médias. En mettant un tel programme en place, on évite tout risque de fuite préjudiciable et on fait en sorte de diffuser le message souhaité.

Si vous désignez plusieurs personnes pour se charger des relations avec les médias, veillez à ce que toutes ces personnes soient sur la même longueur d’onde. Si le dialogue avec les médias se déroule sur un mode continu, tenez un dossier à jour sur le sujet, vous pouvez même recourir à un service spécialisé de surveillance des médias. Si les médias montrent un intérêt soutenu pour une cause ou un dossier en particulier, songez à engager les services d’une société de consultation spécialisée dans les médias. En général, les avocats n’ont pas de formation pour ce qui est de transiger avec les médias. Si les relations vont plus loin que la simple entrevue générale, si, par exemple, un aspect du procès ou une transaction fait l’objet d’une attention soutenue des médias, il vaut mieux embaucher un consultant dans ce domaine.

Avant de traiter avec les médias, tâchez d’obtenir le consentement de votre client et veillez à éviter tout conflit d’intérêts. « Aucune visibilité dans les médias ne vaut la perte d’un client » met en garde Aschenbrenner. « En cas de situation de crise, une politique établie par le cabinet est d’autant plus utile qu’elle vous permet de confier l’affaire à la personne désignée pour les relations avec les médias. Dans la mesure du possible, il est préférable que la même personne traite avec tous les médias. Ainsi, comme c’est la même personne qui parle au nom du cabinet, toutes les chances sont réunies pour qu’un message uniforme soit diffusé. Il importe de choisir la personne la mieux qualifiée pour ce faire, quelqu’un ayant une connaissance approfondie des médias, qui sait parfaitement garder son sang-froid en cas de crise, qui est au courant des principales questions en jeu et qui sait exactement ce qu’il faut et ne faut pas divulguer. »

Il faut savoir que la notion d’actualité est capitale pour la plupart des médias. Si vous désirez qu’une nouvelle transaction, un règlement hors cour ou une victoire judiciaire fasse la une dans la presse, sachez que plus le temps file, moins votre nouvelle présente de l’intérêt. « Si vous demeurez inactif au cours des heures qui suivent votre victoire, il est peu probable que la presse veuille s’emparer de la nouvelle » avertit Aschenbrenner. « Au bout de cinq heures, il faut déjà faire une croix sur les quotidiens nationaux, et ainsi de suite. Il importe donc que vous conserviez en mémoire les échéances qui comptent pour les médias. »

« Lorsque vous faites affaire avec les médias, soyez aidant, respectueux, tâchez de comprendre ce que le journaliste veut, les exigences qui pèsent sur ses épaules au quotidien et la manière dont il exerce son métier » recommande Aschenbrenner. Souvent les gens ont des questions sur la manière dont leurs propos vont être rendus, parce qu’ils en savent peu sur le mode de fonctionnement des médias. « Lorsque vous vous adressez à un journaliste, tâchez d’épeler correctement votre nom et celui du cabinet et demandez à ce que ce dernier soit inclus, si possible. Même s’ils vous rassurent sur ce point, il est toujours possible que le nom soit coupé alors du montage ou de la révision, il faut savoir que cela peut se produire et souvenez-vous que l’article ne sert pas à parler de vous, mais plutôt à relater une histoire. »

Chetty conseille aux avocats de saisir toutes les occasions possibles d’éduquer le public au sujet de leur profession par l’entremise des médias. « Le public croit que tous les avocats ne pensent qu’à profiter de la misère du monde et que c’est à eux de changer cet été de chose. Il ne faut donc pas se contenter d’attendre que l’opinion publique évolue dans la bonne direction, comme par enchantement. L’opinion publique est fluctuante, alors n’ayez pas peur de vous impliquer et de modifier le courant en faveur de vote profession. »

Ann Macaulay est une auteure de Toronto.