Les avocats généraux des cabinets juridiques sont à l'avant-garde de la gestion du risque

  • 08 avril 2009
  • Elizabeth Raymer

Lorsque Stephen Sibold a Ă©tĂ© nommĂ© avocat gĂ©nĂ©ral chez Bennett Jones s.r.l. en juillet, il devenait seulement le troisième avocat gĂ©nĂ©ral interne d’un cabinet juridique canadien. Cette tendance, si minime soit-elle, laisse entrevoir la popularitĂ© croissante des avocats gĂ©nĂ©raux au moment oĂą les cabinets investissent davantage de ressources dans la gestion du risque.

« Je crois que la gestion du risque est devenue une prĂ©occupation pour toutes les entreprises, dit M. Sibold, qui a Ă©tĂ© chargĂ© d’Ă©laborer une stratĂ©gie de gestion du risque chez Bennett Jones. Ă€ mesure que les cabinets d’avocats adoptent une structure d’entreprise et qu’ils prennent de l’envergure, leur fonctionnement se rapproche de celui d’une entreprise de taille respectable. »

Malcolm Mercer, qui est devenu le premier avocat gĂ©nĂ©ral de McCarthy TĂ©trault en fĂ©vrier 2007, abonde dans le mĂŞme sens. Il estime que la première responsabilitĂ© de l’avocat gĂ©nĂ©ral consiste Ă  gĂ©rer les risques juridiques du cabinet, et de signaler ces risques au conseil d’administration. Sa deuxième prioritĂ© est de veiller Ă  ce que le cabinet respecte ses obligations.

Les tâches de l'avocat gĂ©nĂ©ral comprennent l’observation des exigences en matière de normes professionnelles, le maintien d’une assurance responsabilitĂ© professionnelle pour les administrateurs et les dirigeants, la gestion des rĂ©clamations contre le cabinet, la coopĂ©ration avec les groupes de pratique pour assurer la bonne intĂ©gration de la gestion du risque dans les activitĂ©s professionnelles (p. ex., processus visant les avis, suites donnĂ©es Ă  des vĂ©rifications) et la gestion des politiques du cabinet (l'aspect Ă©ducation et formation).

Par ailleurs, selon Malcolm Mercer, si des clients sont mĂ©contents, il peut aussi revenir Ă  l’avocat gĂ©nĂ©ral de traiter avec eux.

Les conflits d'intérêts : préoccupation croissante

Les conflits d'intérêts qui peuvent toucher les cabinets de toute taille constituent un aspect important de la gestion du risque. De fait, la complexité croissante du droit en matière de conflits d'intérêts à joué un grand rôle dans l'augmantation du nombre d'avocats généraux au Canada, affirme M. Mercer.

Glenn Leslie, qui est devenu le premier avocat gĂ©nĂ©ral chez Blake, Cassels & Graydon s.r.l. en janvier 2007, affirme que les conflits peuvent prendre deux formes : d’une part, le cabinet peut dĂ©tenir de l’information confidentielle sur un client qui serait d’intĂ©rĂŞt pour un autre client (de sorte qu’il ne pourrait pas exĂ©cuter une transaction connexe pour le compte du deuxième client sans la permission du premier); d’autre part, le cabinet peut ĂŞtre appelĂ© Ă  agir Ă  l’encontre d’un client actuel dans une affaire connexe ou non (ce que la Cour suprĂŞme du Canada a jugĂ© ĂŞtre inacceptable).

« Si vous avez des avocats qui ne savent pas dire non, ils peuvent vous exposer Ă  des risques », affirme Glenn Leslie, citant des affaires de fraude en matière de valeurs mobilières et autres affaires de conflits d’intĂ©rĂŞts qui ont pris des cabinets en dĂ©faut. « Les avocats gĂ©nĂ©raux s’efforcent de repĂ©rer les risques possibles de ce genre », dit-il.

L'avocat gĂ©nĂ©ral interne peut ĂŞtre l'intervenant de premier plan Ă  l'Ă©gard de conflits d'intĂ©rĂŞts, permettant au cabinet de les gĂ©rer plus efficacement, notamment, en mettant en place des formalitĂ©s d’ouverture de dossier qui rĂ©duisent le risque.

Selon M. Mercer, des causes cĂ©lèbres ont aussi appris aux cabinets juridiques, comme Ă  d’autres cabinets de services professionnels, d’ĂŞtre vigilants face aux conflits. Les dangers qu’ils engendrent ont Ă©tĂ© illustrĂ©s de façon dramatique dans des affaires amĂ©ricaines comme l’effondrement d’Enron – et, dans la foulĂ©e, du cabinet de comptables Arthur Andersen qui reprĂ©sentait l’entreprise.

Mise en commun des connaissances des avocats généraux

La connaissance intime du cabinet est un important avantage qu’apporte l’avocat gĂ©nĂ©ral interne. Glenn Leslie, Malcolm Mercer et Stephen Sibold ont tous trois effectuĂ© leur stage dans leurs cabinets respectifs. Les deux premiers ont poursuivi leur carrière dans les mĂŞmes cabinets. Le troisième a effectuĂ© toute sa carrière en pratique privĂ©e au sein du cabinet Bennett Jones.

« La connaissance du cabinet est très importante, insiste Stephen Sibold. Pour ĂŞtre efficace, vous devez comprendre l’activitĂ© de l’organisation que vous conseillez. Les cabinets d’avocats ont des cultures très diffĂ©rentes. Pour ĂŞtre efficace, vous devez connaĂ®tre votre client et votre client doit aussi vous connaĂ®tre. »

Les avocats gĂ©nĂ©raux sont accueillis au sein de la Canadian Association of Law Firm Risk Management (l’association canadienne de la gestion du risque dans les cabinets d’avocats), fondĂ©e par Jamie Dunbar, de Fraser Milner, un avocat-plaideur qui a Ă©tĂ© le premier avocat gĂ©nĂ©ral au Canada (bien que son cabinet ait depuis lors supprimĂ© le poste, du moins provisoirement). « Un des avantages a Ă©tĂ© de pouvoir discuter ensemble, de partager notre expertise, dit Malcolm Mercer. Il n’est pas rare, quand survient un problème, de discuter avec des avocats gĂ©nĂ©raux d’autres cabinets. »

Les trois avocats trouvent leurs postes gratifiants. Glenn Leslie apprĂ©cie le fait que la plupart des problèmes puissent ĂŞtre rĂ©glĂ©s en un jour ou une semaine. « J’aime rĂ©gler des problèmes, dit-il, et ce travail permet de le faire. En outre, il me permet d’entretenir le contact avec mes associĂ©s. »

« C’est un rĂ´le juridique intĂ©ressant, estime Malcolm Mercer. Les questions juridiques qui sont soulevĂ©es par un cabinet d’avocats sont souvent très intĂ©ressantes sur le plan intellectuel. Je touche depuis longtemps aux activitĂ©s d’un cabinet, et j’aime pouvoir travailler avec divers groupes de pratique et divers bureaux, m’occupant de la formation et de problèmes, selon les cas. » Il ajoute qu’il donne habituellement des conseils sur trois ou quatre questions par jour, et ce, Ă  des membres de l’ensemble du cabinet, qui a des bureaux au Canada et au Royaume-Uni.

Stephen Sibold, qui est encore en voie de s’adapter Ă  ses nouvelles responsabilitĂ©s, dĂ©clare que c’est le meilleur travail qu’il n'ait jamais eu. « Il combine le travail juridique et le travail d’affaires... Vous ĂŞtes près du cabinet, mais vous fournissez aussi des services. »

Et de conclure, « Il y a si peu d’avocats gĂ©nĂ©raux au Canada, et je suis enchantĂ© de faire ce travail. »

Elizabeth Raymer est une rédactrice pigiste de Toronto.