Les meilleures pratiques pour déterminer le salaire des associés directeurs

  • 05 janvier 2009
  • Peter A. Giuliani

La firme Smock Sterling a récemment mené un sondage informel auprès des cabinets d’avocats auquel ont répondu vingt-huit cabinets dont la taille varie entre 75 et 1250 avocats. Quarante-six pour cent des cabinets sondés ont déclaré que leurs postes d’associé directeur étaient à temps plein. En moyenne, les associés directeurs (AD) à temps plein sont payés environ le double de ce que gagne l’associé moyen et environ 80 % de ce que gagne l’associé le plus élevé dans la hiérarchie. Environ la moitié des répondants ont déclaré qu’ils n’avaient pas de procédure formelle pour déterminer la rémunération des AD, en dehors du processus normal pour déterminer la rémunération des associés en général. La conclusion qui se dégage des résultats de ce sondage est que plusieurs cabinets ne prennent pas suffisamment au sérieux la question de la rémunération des AD. La question de savoir si l’AD fait du bon travail est habituellement laissée à un comité qui en discute sans suivre de lignes directrices et sans faire appel à des critères précis.

Dans le milieu des services juridiques, la plupart des gens croient que la plus grande valeur d’usage d’un avocat est le service offert aux clients, la facturation d’heures et la production de revenus. Par conséquent, la « direction » est très souvent perçue comme une occupation secondaire, avec la confusion qui en résulte autour de la rémunération des associés pour leur temps de gestion.

Les meilleures pratiques : définir les responsabilités et perfectionner les compétences

Pour déterminer cette rémunération, la meilleure approche consiste à évaluer la manière dont l’AD s’acquitte de ses responsabilités à l’interne et à l’externe et sa performance dans les domaines essentiels suivants :

  • la planification et la croissance stratégiques;
  • l’éthique du cabinet, les normes de qualité de la pratique, la prévention des pertes, etc.;
  • la gestion financière du cabinet, notamment la gestion des objectifs de profit;
  • l’élaboration et la mise en Å“uvre des politiques en matière de ressources humaines, notamment la supervision de la planification et de la mise en Å“uvre de changements importants aux avantages du cabinet;
  • la supervision de la planification et de la mise en Å“uvre d’initiatives importantes en matière de technologies et de marketing;
  • l’administration courante du cabinet, avec l’aide d’une équipe de non-juristes;
  • faire office de personne-ressource pour toutes les décisions importantes du cabinet;
  • amener les autres associés à travailler ensemble pour l’intérêt commun du cabinet;
  • faire office de figure de proue du cabinet et représenter le cabinet tant dans la communauté juridique que dans les milieux d’affaires, communautaires et des évènements caritatifs;
  • faire office de porte-parole principal du cabinet pour les communiqués de presse et les relations avec les médias;
  • agir comme force motrice dans le recrutement latéral, les acquisitions de groupes, les fusions et les groupements.
  • D’autre part, un ou une AD doit développer des compétences spéciales qui jouent sur le rendement du cabinet, par exemple :
  • savoir bien communiquer, et surtout bien écouter;
  • savoir créer un consensus au sein d’un groupe de professionnels très indépendants;
  • savoir développer efficacement la clientèle, bien qu’il ne s’agisse probablement pas de la compétence la plus importante;
  • avoir une vision pour l’avenir du cabinet et la force de caractère nécessaire pour amener le reste du cabinet à partager cette vision;
  • enfin, avoir le courage de prendre et mettre en Å“uvre des décisions difficiles — une compétence qui l’emporte sur toutes les autres.

Il est important de se rappeler, bien entendu, que ces critères mesurent le degré d’aptitude d’une personne pour un travail donné, pas le niveau de succès du cabinet dans son ensemble.

Les AD à temps partiel : concilier les responsabilités de gestionnaire avec celles de praticien

Les choses se compliquent quand vient le temps de déterminer la rémunération d’un associé ou d’une associée ayant un pied dans la gestion du cabinet et un autre dans l’exercice de son métier. Les cabinets qui se distinguent dans la détermination de la rémunération de leurs associés et associées qui sont également directeurs et directrices à temps partiel procèdent en deux étapes :

  • Dans un premier temps, les AD à temps partiel sont évalués et classés de la même manière que les autres associés, c’est-à-dire en fonction de leur rendement comme avocats et avocates, comme s’ils avaient exercé le droit à temps plein au cours de l’année. En gros, il s’agit de répondre à la question : « Compte tenu du temps que l’associé ou l’associée a consacré à l’exercice du droit, quel est son niveau de rendement comme avocat ou avocate? »
  • Dans un deuxième temps, on évalue les qualités de directeur ou de directrice des AD relativement aux compétences énumérées ci-haut, telles que perçues à la fois par le comité chargé de la rémunération et par l’ensemble des autres associés. Chiffrer la performance d’une personne dans ce domaine relève davantage de l’art que de la science. Il semble que la plupart des cabinets visent un régime de rémunération globale plaçant l’AD dans le quartile supérieur de la rémunération des associés.

Des pratiques exemplaires : savoir administrer le processus

Dans toute la panoplie des systèmes de rémunération, peu de cabinets excellent vraiment dans l’art d’évaluer et de récompenser les réalisations de leurs AD. La clé du succès réside dans un processus d’évaluation bien défini, inspiré des systèmes de rémunération au rendement des grandes sociétés fondés sur les notions de reddition de comptes et de dialogue.

Dans ces cabinets, les AD doivent établir périodiquement un programme (annuel ou bisannuel) décrivant ce qu’ils ou elles espèrent réaliser en termes d’objectifs de profit, de croissance et d’améliorations ou de projets importants. C’est l’aspect reddition de comptes.

Les AD doivent également présenter leur programme aux autres associés, au comité de gestion, au conseil d’administration ou toute autre chose du genre et obtenir l’approbation unanime de leur programme, de sorte que tout le monde le comprend et y adhère. C’est l’aspect dialogue.

Chaque année, le succès des AD dans la réalisation de leur programme est évalué par le comité d’associés chargé d’établir la rémunération des AD. Dans le cadre de ce processus, les AD doivent préparer un rapport d’auto-évaluation sur leur propre performance.

En fin de compte, une partie de l’information devant servir à l’évaluation est objective, fondée sur des preuves statistiques et des renseignements recueillis sur le terrain; mais une grande partie de l’évaluation est subjective, celle qui porte sur les compétences de l’associé ou de l’associée pour la direction, la planification, la mise en Å“uvre, la communication, etc.

À la fin de la journée, le comité doit, à partir de l’ensemble de ces facteurs, arriver à un chiffre qui reflète la qualité du travail de gestion de l’AD (par opposition à la qualité de son travail comme avocat ou avocate). En dernière analyse, les éléments déterminants de ce processus sont l’établissement des objectifs, l’auto-évaluation, la reddition de comptes et le dialogue.

Le meilleur résultat possible

En définitive, le rôle que peuvent jouer les AD, la portée de leur autorité et les attentes du cabinet varieront en fonction des qualités, des compétences et du caractère de la personne choisie pour faire le travail et en fonction de la culture du cabinet. L’équilibre entre les facteurs internes et externes, la question de savoir si la personne évaluée continue d’exercer le droit ou non, son rôle dans le succès du cabinet, etc., dépend réellement de la personne et des attentes du cabinet.

La chose essentielle est de s’assurer que l’AD et le cabinet s’entendent sur ces attentes — et que ces attentes sont intégrées au processus d’évaluation de la performance et de détermination de la rémunération. Le meilleur moyen d’y parvenir, pour les cabinets de toute taille, est de faire appel à un système de rémunération au rendement inspiré des pratiques des grandes sociétés, un système fondé sur les notions de reddition de comptes et de dialogue. Il faut du temps et de la réflexion pour trouver les critères qui correspondent à un cabinet donné, mais cela en vaut la peine, parce qu’une telle approche ouvre une voie à double sens très productive, et c’est tout ce qui compte.

Peter Giuliani est associé chez Smock Sterling, une firme de gestion stratégique. Il a été impliqué dans la gestion de cabinets d’avocats pendant trente-six ans, dont sept ans à titre de directeur général d’un cabinet réputé de la côte Est. Cet article est une version légèrement condensée d’un article d’abord publié dans le numéro de décembre 2008 duLaw Practice Magazine. Copyright 2008©, American Bar Association. Reproduction autorisée.