L’isolement ne devrait pas constituer une peine cruelle et inusitée

  • 28 novembre 2023

La Section du droit pĂ©nal de l’Association du Barreau canadien et son ComitĂ© sur l’emprisonnement et la libĂ©ration ont Ă©crit une lettre (disponible uniquement en anglais; les citations qui en sont tirĂ©es sont des traductions) avertissant que la politique proposĂ©e par Service correctionnel Canada ne respecte pas les normes internationales relatives Ă  l’isolement cellulaire et viole la Charte des droits et libertĂ©s.

Selon les règles Nelson Mandela des Nations Unies, l’isolement cellulaire est dĂ©fini comme 22 heures ou plus par jour en isolement sans contact rĂ©el. La lĂ©gislation actuelle au Canada dit que les unitĂ©s d’intervention structurĂ©e, ou UES, exigent quatre heures par jour hors de la cellule, dont au moins deux avec un contact humain rĂ©el.

Les dĂ©tenus dans des UES ont souvent subi un traumatisme et peuvent souffrir des effets de l’isolement. Cette rĂ©alitĂ© est importante, car si la politique vise Ă  rĂ©pondre aux besoins de ces dĂ©tenus plutĂ´t que de simplement ĂŞtre punitive, elle devrait favoriser plus de deux heures de contacts humains rĂ©els par jour. Elle devrait Ă©galement veiller Ă  ce que les personnes dĂ©tenues dans des UES aient accès Ă  des journĂ©es complètes de contacts humains rĂ©els, y compris Ă  des services indĂ©pendants, comme du counseling, leur permettant de composer avec les consĂ©quences d’un isolement prolongĂ© et d’un traumatisme, indique la section dans le mĂ©moire.

Les règles Nelson Mandela stipulent aussi qu’une pĂ©riode de plus de 15 jours consĂ©cutifs d’isolement constitue de la torture. Dans l’affaire Canadian Civil Liberties Association v Canada, la Cour d’appel de l’Ontario a conclu que cette pratique contrevenait Ă  l’article 12 de la Charte des droits et libertĂ©s, et Ă©quivalait Ă  une peine cruelle et inusitĂ©e.

Selon le rapport annuel 2021-2022 du ComitĂ© consultatif sur la mise en Ĺ“uvre des unitĂ©s d’intervention structurĂ©e, plus de la moitiĂ© des sĂ©jours dans des UES Ă©taient de plus de 15 jours. La Section du droit pĂ©nal de l’ABC est prĂ©occupĂ©e par cette situation et recommande que la politique interdise clairement l’utilisation d’UES pendant plus de 15 jours pour quiconque.

Elle recommande Ă©galement dans son mĂ©moire que les politiques du SCC utilisent la dĂ©finition de « contact humain rĂ©el » reconnue Ă  l’Ă©chelle internationale plutĂ´t que des « possibilitĂ©s d’interagir avec les autres ». Les politiques devraient exiger que les possibilitĂ©s d’interagir soient souhaitĂ©es par la personne dĂ©tenue dans l’UES et que le contact soit rĂ©el pour elle.

Les Autochtones dans les UES

Le rapport susmentionnĂ© indique Ă©galement que, bien que les Autochtones reprĂ©sentent 4,2 % de la population du Canada, ils constituent 32 % de la population carcĂ©rale des prisons fĂ©dĂ©rales et 40 % des dĂ©tenus dans les UES. Les proportions sont encore pires pour les femmes autochtones, qui reprĂ©sentent 76 % des dĂ©tenues dans les UES.

L’Ă©bauche de la politique traite de l’obligation de documenter la façon dont des facteurs liĂ©s Ă  l’histoire sociale autochtone d’une personne ont influencĂ© le comportement ayant menĂ© au recours Ă  une UES. La section croit que, pour se conformer Ă  la Loi sur le système correctionnel et la mise en libertĂ© sous condition, l’Ă©bauche de la politique doit ĂŞtre modifiĂ©e et faire rĂ©fĂ©rence Ă  l’histoire sociale autochtone uniquement dans le but de rĂ©pondre aux besoins de ces personnes en offrant des solutions de rechange aux UES, de dĂ©cider de ne pas avoir recours Ă  un transfert Ă  une UES ou de sortir quelqu’un d’une UES.

Problèmes de santé mentale

Afin de se conformer aux règles Nelson Mandela, les personnes ayant des problèmes de santĂ© mentale ne devraient pas ĂŞtre placĂ©es dans des UES. Aussi, les dĂ©cisions sur la question de savoir si un dĂ©tenu devrait ĂŞtre considĂ©rĂ© comme apte Ă  un sĂ©jour dans une UES doivent ĂŞtre prises par des professionnels de la santĂ©, et que ces dĂ©cisions ne doivent pas ĂŞtre contremandĂ©es par du personnel non mĂ©dical.

Dans son mĂ©moire, la section souligne que le rapport du SCC indique que 29 % des hommes et 64 % des femmes se trouvant dans des UES ont des problèmes de santĂ© mentale. La section est prĂ©occupĂ©e par le fait que « l’Ă©bauche de la politique permet la dĂ©tention de personnes dans des conditions que les Nations Unies considèrent comme de la torture ou comme un traitement cruel, et que les professionnels de la santĂ© ne sont pas enjoints de respecter leurs obligations Ă©thiques en vertu du Code d’Ă©thique et de professionnalisme de l’Association mĂ©dicale canadienne (AMC), de la jurisprudence canadienne et des règles Nelson Mandela, qui les obligent Ă  signaler les signes de torture ou de traitement cruel et Ă  formuler des recommandations visant Ă  Ă©viter de telles pratiques ».

La section croit Ă©galement que le SCC doit modifier sa politique de rĂ©action Ă  l’automutilation qui permet aux agents correctionnels de recourir Ă  la force, et que les personnes susceptibles d’automutilation ou de suicide ne devraient pas ĂŞtre placĂ©es en isolement. De plus, s’il veut faire sortir des gens des UES, le SCC doit s’attaquer Ă  la culture prĂ©occupante du personnel des UnitĂ©s Ă  sĂ©curitĂ© maximale et des UES.

Droit Ă  l’assistance d’un avocat

Enfin, la section est d’avis que la politique relative au droit Ă  l’assistance d’un avocat doit ĂŞtre renforcĂ©e afin que les gens aient le droit de retenir les services d’un avocat et de leur donner des instructions lorsqu’ils font l’objet d’une autorisation de transfert Ă  une UES, une norme plus Ă©levĂ©e que « l’accès raisonnable » ou « le droit de communiquer avec un avocat ou de rencontrer un avocat ».

« Le droit Ă  l’assistance d’un avocat exige que LE SCC communique directement avec le conseiller juridique de la personne dĂ©tenue, indique la section dans le mĂ©moire. La personne visĂ©e par la mesure ne devrait pas ĂŞtre contrainte Ă  remplir des formulaires de consentement Ă  la divulgation ou Ă  prĂ©ciser les documents Ă  transmettre Ă  son avocat. »