L’« effet Trump » sur l’immigration commerciale : défis et possibilités pour les sociétés canadiennes

Remarque : Cet article a initialement été publié, en anglais, sur le site Web de Gowlings; sa reproduction est autorisée.

Par Bill MacGregor

Défis auxquels sont confrontées les entreprises canadiennes

Compte tenu de l’importance du marché américain pour les sociétés canadiennes, il est impératif que les entrées aux États-Unis se fassent sans heurt et de façon efficace. Il est tout aussi important que les Canadiens et Canadiennes ainsi que les travailleurs établis au Canada qui ont besoin d’une autorisation pour mener des activités commerciales aux États-Unis aient accès à des options transparentes et prévisibles lorsque vient le temps de demander un permis de travail.

Les citoyens et citoyennes du Canada sont souvent en mesure d’obtenir une autorisation de séjour sous le régime de l’ALENA. Cet accord comprend une série de dispositions liées à leur mobilité à titre de visiteurs commerciaux (catégorie B-1, lorsqu’un permis de travail n’est pas requis), ou de professionnels ou personnes mutées à l’intérieur d’une même société (L-1).

L’administration Trump affirme vouloir renégocier l’ALENA. Même si les négociations s’articuleront autour des affaires commerciales, elles nuiront aux citoyens et citoyennes du Canada qui ont besoin d’un permis de travail américain si des restrictions s’appliquent aux dispositions relatives à la mobilité. Certaines sociétés canadiennes s’intéresseront de près aux développements touchant ces dispositions. Bien que nous ne nous attendions pas à ce que les permis de travail ou la catégorie des visiteurs commerciaux fassent l’objet de restrictions lors de la renégociation de l’ALENA, il n’est pas possible de prédire le résultat final.

À titre d’exemple, la possibilité qu’il puisse être plus ardu pour des Canadiens et Canadiennes d’obtenir un permis de travail à certains points d’entrée des États-Unis soulève des préoccupations, même si les dispositions de l’ALENA demeurent inchangées. Est-ce que la rhétorique concernant les autorisations de séjour plus restrictives, la protection des emplois et les pratiques commerciales déloyales pourrait déborder sur les octrois de permis? Est-ce que cela ne pourrait pas mener à des interprétations plus fermées ou moins souples des dispositions actuelles? Les Canadiennes et Canadiens qui cherchent à obtenir un permis aux États-Unis devront s’assurer de présenter une demande solide et complète pour maximiser leurs chances de réussite.

Une autre modification potentielle à surveiller sera la possibilité que les États-Unis imposent des restrictions ou apportent des changements aux catégories de visa L-1B (personnes mutées à l’intérieur d’une même société possédant des connaissances spécialisées) et H-1B (professions spécialisées). Bien que les Canadiennes et Canadiens présentent normalement une demande de visa aux États-Unis sous le régime de l’ALENA, la catégorie H-1B en est une à laquelle des gens d’autres citoyennetés (comme ceux qui ont la résidence permanente ou le titre de travailleur qualifié canadien) pourraient tenter d’avoir recours s’ils ont besoin d’un visa de travail. Un nombre limité de visas de travail de la catégorie H-1B sont délivrés tous les ans et un système de loterie est utilisé pour atteindre le quota, car la demande surpasse de beaucoup le nombre de visas offerts.

En considération d’une rhétorique émanant des États-Unis, la question se pose à savoir si de nouvelles restrictions s’appliqueront aux catégories H-1B et L-1B dans un effort de protéger davantage le marché du travail américain. Conséquemment, il serait plus difficile pour les entreprises américaines d’accéder à des compétences essentielles dans les domaines où il y a pénurie de main-d’œuvre, comme les hautes technologies. Le quota de la catégorie H-1B et le système d’octroi de visas des États-Unis, qui ne permet pas à des diplômés étrangers d’universités américaines d’obtenir sans encombre des visas à plus long terme ou la résidence permanente, font en sorte que les sociétés américaines doivent déjà surmonter des obstacles pour accéder à ces talents.

Une modification récemment annoncée (le 31 mars 2017) au programme H-1B laisse pressentir une possible tendance à restreindre cette catégorie. Comme le mentionne un article paru dans le New York Times, l’administration américaine a pris des mesures pour préciser que les emplois liés à la programmation informatique ne seront pas nécessairement considérés comme des « professions spécialisées » admissibles à l’obtention d’un visa H-1B.

De tels changements ont une incidence négative sur les hautes technologies aux États-Unis, car ce secteur a recours dans une grande mesure au programme H-1B pour pallier les pénuries de main-d’œuvre qui sévissent.

Cet aspect met en relief un autre point important à aborder. Compte tenu du « ton » qu’adoptent certains secteurs américains en ce qui a trait au protectionnisme accru et aux restrictions qui s’appliquent aux autorisations de séjour aux États-Unis, il sera intéressant de voir si, à la lumière de l’incertitude que cela crée pour les sociétés et travailleurs étrangers, ces mesures auront une incidence négative sur les décisions que prendront les entreprises par rapport à la construction d’installations aux États-Unis ou les décisions d’étudiants et de travailleurs qualifiés étrangers d’étudier ou de travailler aux États-Unis. D’autres pays, comme le Canada, dont les programmes de résidence permanente et de permis de travail sont plus accessibles et prévisibles, pourraient se trouver dans une position favorable et être considérés comme des destinations à envisager.

Possibilités d’attirer des talents pour les sociétés canadiennes

Certaines tendances qui prévalent aux États-Unis peuvent rimer avec des possibilités pour les entreprises canadiennes ou les sociétés internationales qui cherchent à accroître leur présence en Amérique du Nord en s’établissant au Canada.

Pour les sociétés canadiennes qui souhaitent embaucher de la main-d’œuvre hautement qualifiée de partout au monde afin de réagir aux pénuries qui touchent le Canada, la combinaison du protectionnisme accrue des États-Unis, des options moins nombreuses de visa de travail et de la transition plus pénible vers la résidence permanente suppose des avantages concurrentiels lorsqu’il est question d’attirer des talents étrangers, notamment les suivants :

  • Il n’existe aucun quota de main-d’œuvre temporaire ou loterie des visas de travail de la catégorie H-1B au Canada, ce qui rend plus prévisibles l’établissement et la croissance d’un réservoir de main-d’œuvre.
  • Plus d’options et de catégories de permis de travail sont offertes au Canada.
  • Les conjoints et conjointes étrangers des travailleurs étrangers peuvent obtenir un permis de travail, ce qui n’est pas le cas de ceux et celles qui accompagnent les travailleurs aux États-Unis.
  • En plus d’être relativement rapide et prévisible, le système de résidence permanente du Canada est très transparent. Il s’agit d’un système de points qui facilite l’analyse de l’admissibilité de toute personne qui souhaite présenter sa candidature. Puisque la plupart des travailleurs temporaires peuvent éventuellement passer du statut de résident permanent à celui de citoyen canadien, il est possible de mettre en œuvre des plans de croissance commerciale et de ressources humaines à plus long terme.
  • Les étudiantes et étudiants étrangers qui obtiennent un diplôme d’un établissement d’enseignement postsecondaire canadien peuvent obtenir un permis de travail postdiplôme à plus long terme (d’une durée maximale de trois ans), ce qui leur donne plus de temps pour demander la résidence permanente.

De futures modifications au programme des permis de travail du Canada permettront également aux sociétés canadiennes de profiter de plus vastes possibilités. En novembre 2016, le gouvernement canadien a annoncé qu’il mettrait en œuvre une nouvelle Stratégie en matière de compétences mondiales en juin 2017. Ce programme se composera de plusieurs volets. Les détails n’ont pas encore été annoncés. Toutefois, l’objectif est de réduire le temps de traitement dans certaines catégories de permis pour travailleurs hautement qualifiés.

Consultez l’énoncé :

La Stratégie en matière de compétences mondiales du Canada permettra aux sociétés canadiennes d’attirer plus facilement les talents dont elles ont besoin pour connaître du succès. Qu’elles aient besoin de professionnels pour former de la main-d’œuvre canadienne ou d’embaucher partout au monde des gens qui possèdent des compétences spécialisées en demande, l’objectif ambitieux de la nouvelle stratégie, consistera, dans le cas des sociétés qui font des affaires au Canada, à traiter en deux semaines les demandes de visa et de permis des travailleurs qualifiés présentant de faibles risques.

Nous publierons de plus amples détails lorsque de nouveaux renseignements seront disponibles. Il est évident que la Stratégie en matière de compétences mondiales du Canada donnera aux entreprises canadiennes un avantage concurrentiel qui leur permettra d’attirer des talents recherchés. Elle devrait réduire le temps de traitement, ce qui augmentera la prévisibilité pour les sociétés qui cherchent à faire plus d’affaires au Canada.

Conclusion

Les développements et les modifications potentielles qui ont lieu aux États-Unis ont toujours des conséquences sur les entreprises canadiennes. C’est également le cas dans le domaine de l’immigration commerciale. Malgré ces changements potentiels, les citoyens et sociétés du Canada continuent de jouir d’un accès privilégié aux États-Unis, même si l’ALENA fait l’objet de modifications.

Selon la tournure des événements, il pourrait aussi y avoir davantage d’occasions pour les sociétés canadiennes d’être concurrentielles au moment d’attirer des talents de partout au monde dans des domaines où il y a des pénuries de mains-d’œuvre et de capital humain. Le fait d’avoir un système d’immigration et d’octroi de permis de travail efficace, prévisible et transparent devrait aider les entreprises canadiennes (ou les multinationales qui construisent des installations au Canada) à être concurrentielles dans la chasse aux talents. La nouvelle stratégie, pressentie pour entrer en vigueur en juin 2017, devrait contribuer à rendre plus prévisibles les processus et le temps de traitement des permis de travail.

Bill MacGregor est un associé chez Gowlings.