Diversité chez les dirigeants : que peuvent faire les grandes organisations?

N.D.L.R. : Article publiĂ© Ă  l’origine dans l’Ă©dition d’avril 2016 du magazine Juste, abrĂ©gĂ© et reproduit avec la permission des auteurs.

Par Bob Tarantino et Juliet Knapton

« Le manque de diversitĂ© est un mĂ©fait Ă  dĂ©noncer, et non une simple rĂ©alitĂ© Ă  dĂ©crire. »

Cette phrase a Ă©tĂ© prononcĂ©e par Lorne Sossin, doyen de la FacultĂ© de droit Osgoode Hall, lors d’une table ronde* rĂ©unissant six figures de proue du mouvement pour la diversitĂ© et l’inclusion.

Une fois exprimĂ©s, les avantages des mesures concrètes augmentant la diversitĂ© et l’inclusion semblent Ă©vidents. Terrie-Lynne Devonish, responsable de la conformitĂ© en AmĂ©rique du Nord d’Aon Corporation, souligne que la diversification des points de vue entraĂ®ne la diversitĂ© des rĂ©flexions et des idĂ©es, ce qui attĂ©nue les dysfonctionnements causĂ©s par la pensĂ©e de groupe et aide Ă  surmonter les effets nĂ©gatifs des partis pris implicites.

Pour promouvoir les politiques de diversitĂ© et d’inclusion, il peut ĂŞtre utile de souligner leurs avantages internes et externes pour les organisationsFootnote1. Les politiques efficaces confèrent divers avantages concurrentiels, comme une meilleure reprĂ©sentation des clients, une comprĂ©hension interculturelle accrue et des occasions d’affaires Ă  l’Ă©tranger plus avantageuses, le tout rendant les organisations plus attirantes pour les employĂ©s et les clients. Elles sont aussi un atout pour la gouvernance interne, car elles stimulent l’engagement (et la productivitĂ©) des employĂ©s et facilitent la planification de la relève dans un contexte de diversification croissante de la population active.

Michael Bach, fondateur et directeur gĂ©nĂ©ral du Centre canadien pour la diversitĂ© et l’inclusion (CCDI), affirme que des politiques vigoureuses de diversitĂ© et d’inclusion aident Ă  surmonter les obstacles systĂ©miques. Toutefois, selon Mme Devonish, la mise en Ĺ“uvre de telles politiques nĂ©cessite plus que de bonnes intentions : elles doivent avoir l’appui de la direction. Le rapport du CCDI, Examen des pratiques actuelles dans le domaine de la dotation de la diversitĂ©, publiĂ© en 2013, abonde dans ce sens et conclut que plus les responsables de la mise en Ĺ“uvre des politiques sont haut placĂ©s, plus celles-ci seront efficaces et prises au sĂ©rieux. Selon Kenneth J. Fredeen, avocat gĂ©nĂ©ral chez Deloitte Canada, traiter l’Ă©tablissement des politiques comme une initiative personnelle et non officielle ouvre la porte aux partis pris implicites : « Un membre de l’organisation dĂ©vouĂ© Ă  l’intĂ©gration des groupes sous-reprĂ©sentĂ©s peut faire avancer Ă©normĂ©ment la cause de la diversitĂ©. »

Cela dit, comme l’a soulignĂ© M. Sossin, la diversitĂ© doit ĂŞtre visible Ă  tous les Ă©chelons de l’organisation. Le CCDI recommande une mĂ©thode en cinq Ă©tapes pour mettre fin Ă  la rĂ©sistance organisationnelle : mobiliser tous les employĂ©s, les faire participer, leur faire comprendre que la diversitĂ© constitue un atout sur le marchĂ©, leur apprendre Ă  utiliser la diversitĂ© pour amĂ©liorer l’efficacitĂ© de l’organisation et leur rappeler que la capacitĂ© Ă  gĂ©rer la diversitĂ© est une compĂ©tence recherchĂ©eFootnote2.

Les personnes provenant de groupes sous-reprĂ©sentĂ©s ont Ă©galement besoin de mentors et de parrains. Comme l’explique M. Bach, un mentor vous parle, tandis qu’un parrain parle de vous, s’occupe de votre avancement et vous loue auprès de vos collègues. En outre, alors qu’un mentor vous aide Ă  dĂ©cider si vous devriez vous joindre Ă  l’Ă©quipe de tel ou tel client, un parrain s’adresse directement Ă  ceux qui peuvent vous faire une place dans cette Ă©quipe. Les mentors sont nĂ©cessaires, mais les parrains – qui font valoir l’individu – sont essentiels au succès des initiatives de diversitĂ© et d’inclusion.

La mise en Ĺ“uvre peut ĂŞtre difficile, malgrĂ© les meilleures intentions des responsables. Comment une organisation peut-elle Ă©valuer l’atteinte de ses objectifs de diversitĂ©? La table ronde Ă©tait unanime : les donnĂ©es brutes sont indispensables, mais sont insuffisantes seules. La sensibilisation et la responsabilisation sont essentielles, affirme M. Fredeen. L’un des mĂ©canismes de responsabilisation possibles est la pondĂ©ration des donnĂ©es de mesure de la diversitĂ© et de l’inclusion au fur et Ă  mesure que les employĂ©s visĂ©s gravissent les Ă©chelons. Pour bien mesurer ses progrès, une organisation doit non seulement collecter des donnĂ©es, mais aussi dĂ©cider des donnĂ©es Ă  collecter. Heureusement, le CCDI offre gratuitement des conseils pratiques et accessibles pour aider les organisations Ă  lancer ce processusFootnote3.

La rĂ©ussite d’une stratĂ©gie de diversitĂ© et d’intĂ©gration repose en outre sur l’Ă©tablissement d’objectifs stratĂ©giques Ă  long terme. Ceux-ci peuvent ĂŞtre simples, comme la crĂ©ation de programmes officiels de mentorat et de parrainage, ou complexes, comme une augmentation mesurable de la reprĂ©sentation de certains groupes Ă  des Ă©chelons prĂ©cis de l’organisation et Ă  une date donnĂ©eFootnote4. Le CCDI recommande le populaire indicateur SMART, qui prĂ©conise des objectifs spĂ©cifiques, mesurables, atteignables, rĂ©alistes et temporels. Ă€ titre d’exemple d’objectifs, pensons Ă  des stratĂ©gies de communication interne, Ă  la nomination de mentors et de parrains et Ă  des formations en savoir-faire culturel.

Les mises en Ĺ“uvre rĂ©ussies reposent sur un processus itĂ©ratif visant la collecte de commentaires pertinents des parties prenantes, l’Ă©valuation qualitative des politiques, des pratiques, des activitĂ©s et des progrès rĂ©alisĂ©s. Le plus important, c’est que la diversitĂ© et l’inclusion ne soient pas que des slogans, mais bien des principes mis en pratique pour amĂ©liorer la vie des personnes visĂ©es. Comme le rappelle Monica Kowal, prĂ©sidente intĂ©rimaire de la Commission des valeurs mobilières de l’Ontario, « l’inclusivitĂ© et la diversitĂ© sont bĂ©nĂ©fiques pour la sociĂ©tĂ© : plus nous sommes inclusifs, plus notre sociĂ©tĂ© sera juste et dĂ©mocratique ».

Ă€ propos des auteurs

Juliet Knapton est avocate, mĂ©diatrice et maĂ®tre de confĂ©rences Ă  l’UniversitĂ© d’Ottawa et Ă  l’Advocacy Club. Elle a Ă©galement Ă©tĂ© prĂ©sidente du ComitĂ© sur l’Ă©galitĂ©, de la Division des jeunes juristes et du groupe de travail Pro Bono de l’ABO.

Bob Tarantino, de Dentons Canada, est membre du bureau d’administration et du conseil de l’ABO, et aussi le prĂ©sident sortant du comitĂ© exĂ©cutif de la Section du divertissement, de l’information et des communications de l’ABO. Il est Ă©galement maĂ®tre de confĂ©rences auxiliaire Ă  l’Osgoode Hall Law School.

* Cette table ronde sur la diversitĂ© chez les dirigeants s’est tenue en dĂ©cembre 2015, durant la rĂ©union du conseil de l’ABO. La modĂ©ratrice Ă©tait Charlene Theodore, prĂ©sidente du ComitĂ© sur l’Ă©galitĂ© de l’ABO.