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3.7. Capacité

 

Le concept des « capacités évolutives » reconnaît les enfants « en tant qu’agents actifs dans leur propre vie, autorisés à prétendre à l’écoute, au respect et à une autonomie croissante dans l’exercice de leurs droits, et en même temps à la protection conforme à leur jeune âge et à leur relative immaturité ».
[...]
Il est nécessaire de comprendre et d’examiner les capacités évolutives de l’enfant à partir de trois structures conceptuelles :
  • Premièrement, en tant que concept de développement établissant dans quelle mesure la mise en œuvre des droits énoncés dans la Convention favorise le développement, les compétences et l’autonomie personnelle des enfants. Les États parties se voient ainsi imposer l’obligation d’exécuter ces droits.
  • Deuxièmement, en tant que concept de participation ou d’émancipation soulignant les droits des enfants au respect de leurs capacités et transférant les droits des adultes aux enfants conformément à leur niveau de compétences. Les États parties se voient imposer l’obligation de respecter ces droits.
  • Troisièmement, en tant que concept de protection reconnaissant aux enfants, du fait de leurs capacités encore en évolution, le droit d’être protégés tant par les parents que par l’État de toute participation ou exposition à des activités susceptibles de leur nuire, tout en convenant que les niveaux de protection nécessaires doivent diminuer conformément aux capacités évolutives. Les États parties se voient imposer l’obligation de protéger ces droits. »

Gerison Lansdown, Les capacités évolutives de l’enfant
Centre de recherche Innocenti de l’Unicef, 2005

Les jeunes possèdent la capacité, la compétence et les droits voulus pour prendre certaines décisions par eux-mêmes. Ils ont le droit de participer aux processus décisionnels qui les concernent et ils ont le droit de donner leur propre consentement dans de nombreux contextes, y compris en contradiction avec ce que leurs parents ou tuteurs sont susceptibles de vouloir pour eux.

Y a-t-il une différence entre capacity (capacité) et competency (compétence ou habileté)?

Au Canada, les termes anglais capacity (capacité) et competency (compétence ou habileté) sont souvent utilisés de façon interchangeable. Par exemple, dans la version anglaise de la Loi sur la preuve au Canada, L.R.C. 1985, ch. C-5, les termes competency/incompetency et capacity sont employés sans être définis et sans qu’une distinction soit faite entre eux. En outre, une recension de dictionnaires anglais que l’on consulte en ligne - Black’s, Merriam-Webster, Cambridge English, The Free Dictionary ou Wikipedia - indique l’absence de distinction claire entre ces notions. Dans les documents des Nations unies, on a tendance à employer capacity  pour désigner les capacités d’une personne telles qu’on les interpréterait dans un contexte juridique; en revanche, on tend à réserver le terme competency, dans les affaires juridiques, à la désignation de l’autorité juridictionnelle d’un décisionnaire et autres organes politique, et dans d’autres contextes en relation avec les attentes professionnelles ou du programme. Pour les besoins de la présente section de la trousse, le terme privilégié sera capacity en anglais (et l’équivalent français « capacité ») et aucune distinction ne sera établie entre capacity et competency (ni entre les équivalents français « capacité », d’une part, et « compétence » et « habileté », d’autre part).

La capacité dans la pratique juridique canadienne

Il peut être utile de consulter à ce propos les textes de loi, la jurisprudence et la documentation dans d’autres domaines de la pratique. Dans le Code type de déontologie professionnelle élaboré à l’échelle nationale par la Fédération des ordres professionnels de juristes du Canada, ainsi que dans les codes mis en vigueur par les organes directeurs provinciaux, la capacité des mineurs est explicitement assimilée à celle de tous les « clients ayant une capacité amoindrie », cet amoindrissement de la capacité pouvant découler du fait que le client n’a pas l’âge de la majorité ou qu’il est atteint d’un handicap mental ou autre (voir par exemple le Code of Conduct de la Law Society of Alberta (règle 3.02-15) et le Code type de déontologie professionnelle (règle 3.2-9) du Barreau de l’Ontario).

La capacité et la Convention relative aux droits de l’enfant

On trouve des mentions expresses de la capacité de l’enfant aux articles 5 et 14 et à l’alinéa 40(3)(a) de la Convention relative aux droits de l’enfant des Nations unies (« la Convention »). Toutefois, de façon générale, la Convention ne prescrit pas qu’un enfant doit être capable ou avoir atteint un certain âge pour pouvoir exercer ses droits. Les articles 5 et 14 font référence au développement des capacités de l’enfant, ce qui reconnaît qu’à mesure que l’enfant grandit et acquiert de la maturité, il devient apte à exercer progressivement ses droits. La Convention reconnaît également que les enfants peuvent ne pas avoir certaines capacités, et, en conséquence, nécessitent une protection spéciale, par exemple à l’alinéa 40(3)(a) traitant des jeunes enfants et de l’âge minimum de la responsabilité criminelle.

Les articles 9, 12, 21, 26, 37 et 40 traitent de la participation et de la représentation de l’enfant dans divers processus et diverses instances, par exemple sous les formes suivantes : exprimer son opinion, donner son consentement en connaissance de cause et demander des prestations.

L’article 21 stipule que les personnes qui ont le droit de consentir à une adoption, y compris un enfant dont l’adoption est envisagée, ont droit au consentement en connaissance de cause. « En connaissance de cause » impose aux personnes qui veulent adopter un enfant le fardeau d’obtenir le consentement en connaissance de cause de cet enfant. Le langage utilisé implique à la fois une participation et une capacité de l’enfant, car le consentement en connaissance de cause ne peut être donné que par une personne ayant la capacité requise, c’est-à-dire comprenant ce à quoi elle consent. C’est la seule disposition de la Convention où la « participation » de l’enfant dépend de sa capacité. Cependant, un enfant dont l’adoption est envisagée, ou qui se trouve dans toute autre situation exigeant sa capacité ou sa compréhension, peut recevoir une assistance afin d’atteindre le degré de compréhension nécessaire pour pouvoir donner son consentement en connaissance de cause.

La capacité est-elle une condition préalable de l’exercice des droits de participation conférés par la Convention?

La Convention reconnaît que les capacités de l’enfant sont en évolution (p. ex. article 5) et, exception faite de l’article 21, elle ne prescrit pas que l’enfant est tenu d’avoir la capacité requise pour participer et pour jouir des droits énoncés. Même l’article 21 ne constitue pas une exigence, mais bien une protection pour toutes les personnes qui participent à une adoption, et le « consentement en connaissance de cause » est un droit en soi. Cela contribue à réduire les obstacles à la participation de l’enfant.

À l’article 12 (et, implicitement, au paragraphe 9(2)), l’enfant « qui est capable de discernement » se voit conférer le droit d’exprimer librement son opinion sur toute question l’intéressant. L’Observation générale n° 12 explique que les États parties sont obligés « d’évaluer la capacité de l’enfant de se forger une opinion de manière autonome dans toute la mesure possible » et que les enfants ont la capacité de se forger une opinion propre et reconnaître qu’il a le droit de l’exprimer. De façon intéressante, l’article 12 est rédigé de telle sorte que l’enfant doit seulement être « capable » de se forger une opinion, plutôt que de démontrer qu’il a les « capacités » requises pour le faire. Le seuil fixé pour la participation est donc bas. L’article 12 prescrit simplement qu’une opinion doive être formulée, sans que l’enfant doive démontrer qu’il comprend la manière dont il s’est formé cette opinion, les raisons pour lesquelles il l’a fait, la justification de l’opinion ou les conséquences possibles de l’expression de l’opinion ou des actes posés pour y donner suite. L’article 12 précise que les opinions de l’enfant doivent être dûment prises en considération eu égard à son âge et à son degré de maturité. Cela laisse penser qu’un plus grand poids sera accordé à l’opinion de l’enfant à mesure qu’il grandira et gagnera en maturité, ce qui suppose un plus grand degré de compréhension, de sa part, de la nature et des conséquences de l’opinion formulée. (Observation générale no 12, aux par. 20-21)

L’absence de seuil minimum concernant la « capacité » réduit les obstacles à la participation des enfants. Historiquement, l’application de critères à la capacité a limité les possibilités de participation des enfants à la prise des décisions à leur sujet. La Convention établit explicitement que la capacité ne doit pas être un obstacle à la participation de l’enfant et qu’en soi, la formulation d’une opinion, sans exigence concernant la « possession des capacités requises », est suffisante pour permettre la participation des enfants dans les affaires qui les concernent.

La capacité de quoi faire?

Comme nous l’avons déjà mentionné, la Convention reconnaît que les capacités d’un enfant se développent. Lorsqu’une question litigieuse est soulevée concernant la capacité d’un enfant, il est important de se demander quelle est l’action visée par cette capacité, puisque la réponse fournira le contexte, ainsi que la capacité correspondante requise. Il faut prendre en considération l’ensemble des droits de l’enfant pour assurer le respect des éléments liés au développement, à la participation et à la protection qui sont associés à l’évolution de la capacité. 

Une question clé pour déterminer la capacité est la suivante : la capacité de… quoi faire? Est-ce l’une des actions suivantes?

  • Donner des instructions à un avocat
  • Accepter ou refuser un traitement médical
  • Établir une relation avocat-client
  • Renoncer au secret professionnel
  • Accepter ou refuser la publication d’un dossier
  • Témoigner ou fournir des éléments de preuve
  • Subir un procès
  • Accepter ou refuser un traitement pour troubles mentaux
  • Accepter ou refuser d’être admis à l’hôpital
  • S’inscrire à l’école
  • Déterminer dans quelle école s’inscrire
  • Ouvrir un compte en banque
  • Faire une demande de permis de conduire 
  • Signer un contrat
    • pour acheter une voiture
    • pour acheter un téléphone cellulaire
    • pour louer un appartement
  • Accepter ou refuser d’être soumis à une évaluation
  • Faire des arrangements de visite avec un parent n’habitant pas avec soi
  • Accepter ou refuser de se soumettre à des tests
  • Se rendre dans un pays étranger en tant que réfugié
  • Voyager en tant que mineur non accompagné
  • Consentir à des activités sexuelles
  • Consentir au mariage
  • Voter
  • Consentir à une mort médicalement assistée 

L’approche actuellement admise en matière de capacité n’est pas de la considérer comme étant d’application générale, mais bien comme étant propre à un domaine ou à une décision en particulier. De là, la nécessité de se demander quelle action est visée par la capacité en l’occurrence, car il n’y a, et il ne saurait y avoir, aucun critère universel applicable à la capacité.

Souvent, pour des raisons d’efficacité, on applique un critère basé sur l’âge comme seuil déterminant de la capacité – par exemple pour le droit de vote, le consentement à des activités sexuelles, le mariage, le droit de conduire une voiture, voire l’âge de la majorité. Toutefois, il est impossible d’évaluer la capacité d’un enfant en particulier sans définir le contexte dans lequel cette capacité sera exercée, car chaque contexte sera associé à un degré différent de capacité, le cas échéant.

L’application d’un critère de capacité précis en fonction du contexte est une notion familière à la profession juridique. Par exemple, la détermination du moment où une personne a la capacité requise pour faire un testament, subir un procès, témoigner, refuser ou accepter un traitement médical nécessite dans chaque cas l’application d’un critère différent. L’évaluation de la capacité d’un enfant suppose la même diversité potentielle et l’application du même processus. Comme dans le cas des adultes, si la question à trancher dans le cas d’un enfant nécessite une décision qui met la vie en jeu, le critère applicable à la capacité de prendre cette décision est susceptible d’être assorti d’un seuil beaucoup plus élevé que celui que l’on appliquerait, par exemple, à l’ouverture d’un compte en banque ou au choix de l’école à fréquenter. Un examen des critères de capacité dans divers contextes montre invariablement qu’un élément de compréhension est requis. (Voir le document de Hensley, indiqué dans la section Ressources ci-dessous, pour un exemple de critère précis applicable à la capacité d’un enfant de donner des instructions à un avocat.)

Doctrine du « mineur mature »

La capacité des enfants de prendre des décisions par eux-mêmes, même lorsque ces décisions sont contraires aux positions de leurs parents, est étayée par la doctrine du « mineur mature », qui est souvent invoquée pour la prise de décisions à caractère médical : lorsqu’un mineur [TRADUCTION] « est capable de comprendre ce qui est proposé et d’exprimer ses propres désirs » en ce qui concerne un traitement, les droits des parents cèdent le pas au « droit de l’enfant de prendre ses propres décisions » (Gillick v. West Norfolk and Wisbech Area Health Authority, [1985] (1985) 3 All ER 403). La doctrine a vu le jour initialement dans la décision de la Chambre des Lords dans l’affaire Gillick, et a été depuis adoptée au Canada dans l’affaire de la Cour Suprême du Canada, A.C. c. Manitoba (Directeur des services à l’enfant et à la famille), 2009 R.C.S. 30 (voir la section des jurisprudences qui suit).

L’« émancipation », à titre de statut juridique ou de statut global pour les jeunes, n’existe pas au Canada, sinon au Québec. Toutefois, dans la pratique, les jeunes peuvent acquérir un pouvoir sur certaines questions avant d’atteindre l’âge de la majorité, ce pouvoir variant d’un domaine à l’autre.

  • Les contrats de « nécessités » :
    En common law, les jeunes ne sont pas généralement liés par les contrats conclus; toutefois, ils peuvent entrer dans des contrats pour des nécessités, c’est-à-dire des biens ou des services essentiels à leur survie ou à leur besoin de base (par exemple, la nourriture, les vêtements, le logement, les soins médicaux).
  • Les documents gouvernementaux :
    Au Canada, les jeunes peuvent demander leur propre passeport dès l’âge de 16 ans. Le consentement des parents n’est pas requis, car la loi leur accorde une certaine autonomie dans ce domaine. En revanche, pour obtenir un permis de conduire temporaire, les jeunes doivent normalement obtenir le consentement parental jusqu’à ce qu’ils aient atteint l’âge de la majorité (18 ou 19, selon la province). Cela s’explique par le fait que la conduite automobile touche à la sécurité publique, et que la loi reconnaît le besoin de l’implication parentale jusqu’à ce que les enfants aient atteint l’âge de la majorité.
  • Compétence provinciale :
    Les questions qui concernent les autorisations liées à l’âge – comme la capacité de conclure un contrat, de consentir à un traitement médical ou de conduire – relèvent généralement du droit provincial, et non du droit fédéral. En Colombie-Britannique, la Infants Act (RSBC c. 223), régit la capacité juridique des mineurs et précise leurs droits et restrictions en matière de contrats, de consentement, et de gestion de biens. En Alberta, les jeunes qui démontrent qu’ils sont financièrement autonomes peuvent demander à leur administration scolaire d’obtenir le statut d’élève indépendant. Ce statut leur permet de prendre leurs propres décisions sur les cours à suivre et la participation aux activités parascolaires, ainsi qu’à décider de la non-communication des dossiers à leurs parents ou tuteurs.

Droit international

Articles de la Convention dans lesquels le terme « capacité » est utilisé

Article 5 – Respecter les responsabilités et les droits des parents de donner à l’enfant, d’une manière qui corresponde au développement de ses capacités, l’orientation et les conseils appropriés à l’exercice de ses droits.

Article 14 – Respecter le droit de l’enfant à la liberté de pensée, de conscience et de religion, et respecter le droit et le devoir des parents, ou des représentants légaux de l’enfant, de guider celui-ci dans l’exercice de ce droit d’une manière qui corresponde au développement de ses capacités.

Alinéa 40(3)(a) – Les États parties doivent établir un âge minimum pour la responsabilité criminelle, ainsi que la présomption que les enfants n’ayant pas atteint cet âge n’ont pas la capacité d’enfreindre la loi pénale.

Les articles 5 et 14 n’exigent ou n’escomptent pas une capacité de la part de l’enfant; ils reconnaissent plutôt que les personnes responsables d’un enfant ont l’obligation de subvenir à ses besoins d’une façon compatible avec ses processus de croissance, de développement et de maturation. Ce concept se trouve reflété dans la décision pionnière Gillick v. West Norfolk and Wisbech Area Health Authority, [1986] AC 112, p 185 :

[TRADUCTION]
Le principe est que le droit ou le pouvoir d’un parent d’exercer un contrôle sur la personne et les biens de son enfant existe principalement pour permettre au parent de s’acquitter de sa responsabilité d’entretien, de protection et d’éducation jusqu’à ce que l’enfant ait atteint l’âge où il pourra s’occuper de lui-même et prendre ses propres décisions.

La Cour Suprême du Canada, dans l’Affaire AC c. Manitoba (Direceur des servcices à l’enfant et à la famille), 2009 R.C.S. 30, par. 46-63 a approuvé l'interprétation de l'affaire Gillick ainsi que la notion selon laquelle les droits parentaux existent, mais cèdent aux droits des enfants de prendre leurs propres décisions, en fonction de leur maturité et de leur compréhension croissante. La référence à la capacité dans l’alinéa 40(3)(a) est destinée à protéger les jeunes personnes en contact avec le système de justice pénale. en proposant un critère basé sur l’âge pour déterminer la capacité, plutôt qu’une analyse de la compétence, de la cognition ou du raisonnement.

Articles de la Convention qui soutiennent la participation des enfants ou dans le cadre desquels la capacité peut être mise en question

Article 9Dans les cas où l’enfant peut être séparé de ses parents, comme le détermine son intérêt supérieur, il doit avoir la possibilité de participer aux délibérations et de faire connaître ses vues.

Article 12L’enfant qui est capable de discernement a le droit d’exprimer librement son opinion sur toute question l’intéressant, ses opinions étant dûment prises en considération eu égard à son âge et à son degré de maturité, et l’on doit notamment lui donner la possibilité d’être entendu dans une procédure judiciaire ou administrative l’intéressant, soit directement, soit par l’intermédiaire d’un représentant ou d’une organisation appropriée.

Article 26L’enfant a le droit de bénéficier de la sécurité sociale et les prestations doivent être accordées compte tenu des ressources et de la situation de l’enfant et des personnes responsables de son entretien, ainsi que de toute autre considération applicable à la demande de prestations faite par l’enfant ou en son nom.

Alinéa 37(d)Tout enfant privé de liberté a le droit d’avoir rapidement accès à l’assistance juridique ou à toute autre assistance appropriée, ainsi que le droit de contester la légalité de sa privation de liberté devant un tribunal ou une autre autorité compétente, indépendante et impartiale, et à ce qu’une décision rapide soit prise en la matière.

Sous-alinéas 40(2)(b)(ii), (iii) et (vi) – Tout enfant ayant des démêlés avec la loi a au moins droit aux garanties suivantes :

  • bénéficier d’une assistance juridique ou de toute autre assistance appropriée pour la préparation et la présentation de sa défense;
  • que sa cause soit entendue selon une procédure équitable aux termes de la loi, en présence de son conseil juridique ou autre et, à moins que cela ne soit jugé contraire à l’intérêt supérieur de l’enfant en raison notamment de son âge ou de sa situation, en présence de ses parents ou représentants légaux;
  • se faire assister gratuitement d’un interprète s’il ne comprend pas ou ne parle pas la langue utilisée. 

Sources d’interprétation

Droit canadien

Lois fédérales

  • Loi sur la preuve au Canada, L.R.C. 1985, ch. C-5 – Par. 16(4) : La personne visée au par. (1) qui ne comprend pas la nature du serment ou de l’affirmation solennelle et qui n’est pas capable de communiquer les faits dans son témoignage ne peut témoigner. Par. 16.1(5) : Le tribunal qui estime avoir des motifs de douter de la capacité de témoigner d’un enfant de moins de 14 ans procède, avant de permettre le témoignage, à une enquête pour vérifier si le témoin a la capacité de comprendre les questions et d’y répondre.

Lois provinciales et territoriales

  • Adult Guardianship and Trusteeship Act, SA 2008, ch. A-4.2, al. 1(d) : [traduction] « ‟Capacité” s’entend, relativement à la prise d’une décision sur une question, de l’aptitude à comprendre l’information pertinente par rapport à la décision et à apprécier les conséquences raisonnablement prévisibles (i) d’une décision et (ii) de l’omission de prendre une décision. »
  • L’Infants Act ([RSBC 1996] c. 223), article 17(2), dispose que, sous réserve du paragraphe (3), un enfant peut consentir à des soins de santé, que ces soins, en l’absence de consentement, constituent ou non une violation de l’intégrité physique de l’enfant. Si l’enfant donne ce consentement, celui-ci est valide et il n’est pas nécessaire d’obtenir le consentement d’un parent ou d’un tuteur pour ces soins. Le paragraphe 19(1) précise que, sous réserve des dispositions de la présente partie, un contrat conclu par une personne qui était mineure au moment de sa conclusion est inapplicable à son encontre, sauf (a) s’il s’agit d’un contrat spécifié par une autre loi comme étant applicable contre un mineur, (b) si le contrat est confirmé par le mineur lorsqu’il atteint l’âge de la majorité, (c) s’il a été exécuté ou partiellement exécuté par le mineur dans l’année suivant l’atteinte de la majorité, ou (d) s’il n’a pas été répudié par le mineur dans l’année suivant l’atteinte de la majorité.
  • Le Code type de déontologie professionnelle des juristes énonce les obligations des conseils à l’égard de leurs clients en général et de leurs clients dont les capacités sont « amoindries ». Voir également le Law Society of Alberta Code of Conduct

Pour davantage informations sur le consentement en matière de soins de santé et la prise de décision par procuration dans les provinces et les territoires, veuillez consulter l’annexe Age and Healthcare Rights (Droits en matière d’âge et de soins de santé) et l’annexe Minimum Age for Healthcare Directives (Dispositions sur l’âge requis pour consentir à un traitement de soins de santé).

Jurisprudence

  • Gillick v. West Norfolk and Wisbech Area Health Authority, [1985] 3 All ER 402, [1986] AC 112 : Le droit ou le pouvoir d’un parent d’exercer un contrôle sur la personne et les biens de son enfant existe principalement pour permettre au parent de s’acquitter de sa responsabilité d’entretien, de protection et d’éducation jusqu’à ce que l’enfant ait atteint l’âge où il pourra s’occuper de lui-même et prendre ses propres décisions. Cette décision procure un fondement qui a été accepté au Canada pour la notion voulant que, lorsqu’un mineur [traduction] « est capable de comprendre ce qui est proposé et d’exprimer ses propres désirs » en ce qui concerne un traitement médical, les droits des parents cèdent le pas au « droit de l’enfant de prendre ses propres décisions ». Cela est communément appelé la question de la « compétence Gillick » de l’enfant.
  • A.C. c. Manitoba (Directeur des services à l’enfant et à la famille), 2009 R.C.S. 30 : La Cour a examiné les cas les plus graves de consentement à un traitement médical dans le contexte où l’intérêt supérieur de l’enfant est le facteur déterminant. Plus précisément, on a demandé à la Cour de déterminer si le Directeur des services à l’enfant et à la famille était autorisé à ordonner un traitement médical non voulu dans le cas d’un adolescent pris en charge sous le régime de la Loi sur les services à l’enfant et à la famille. La Cour a conclu que la détermination de l’intérêt supérieur en vertu de la loi sur le bien-être de l’enfance du Manitoba s’effectue sur une échelle variable, l’opinion de l’adolescent devenant de plus en plus déterminante selon sa maturité. En ce sens, l’affaire AC c. Manitoba est l’affaire de référence qui reconnaît la doctrine du « mineur mature » au Canada, qui est extrapolé de la notion de « compétence Gillick ». Les mineurs matures ont droit à une autonomie décisionnelle personnelle qui est « le reflet de leur intelligence et de leur compréhension évolutives ».
  • Pyett v. Lampman, (1922) 53 OLR 149 (voir pour plus de détails sur le website; effectuer la recherche suivante : « Can a youth enter into a contract? ») Les jeunes peuvent conclure des contrats concernant les nécessités de la vie.
  • J.S.C. v. Wren, 1986 ABCA 249 : L’affaire concernait une fille de 16 ans qui est tombée enceinte, qui voulait se faire avorter et qui a donné au médecin son consentement éclairé. Ses parents ne voulaient pas qu’elle se fasse avorter; ils ont poursuivi le médecin, et la jeune fille de 16 ans est intervenue. Le tribunal a conclu : [traduction] « La jeune fille a suffisamment d’intelligence et de compréhension pour prendre sa décision par elle-même, et c’est ce qu’elle a fait. À son âge et à son niveau de compréhension, la loi veut qu’elle soit autorisée à le faire » (par. 16).
  • Puszczak v. Puszczak, 2005 ABCA 426 : Lorsqu’on examine cette affaire, il faut prendre garde de ne pas se fonder sur le critère de la capacité de l’enfant de donner des instructions à l’avocat, car le tribunal a fait erreur dans sa référence à un commentaire du Code of Professional Conduct de l’Alberta en s’appuyant sur l’avis d’auteurs savants qui avaient mal interprété les dispositions du Code. Il revient finalement à l’avocat de l’enfant d’évaluer divers facteurs et de déterminer la capacité de l’enfant à donner des instructions à un avocat (voir les considérations spéciales ci-dessous).
  • B.J.G. c. D.L.G., 2010 YKSC 44 - La Cour suprême du Yukon a affirmé que le droit interne canadien doit être conforme à la Convention, qui est « très claire » en ce sens qu’elle garantit à tous les enfants, dès lors qu’ils sont capables de former leurs opinions, le droit légal d’être entendus sur toute question les intéressant. Dans chaque cas, une enquête devrait être menée au début du processus pour déterminer si (i) l’enfant est capable de former ses propres opinions, (ii) si l’enfant souhaite participer et exprimer ses opinions, et (iii) par quel moyen l’enfant participera. Au paragraphe 27, la Cour a affirmé que « l’objet essentiel de cette disposition est de s’assurer que l’enfant a la capacité requise, c’est‑à‑dire qu’il a la capacité cognitive de se former sa propre opinion et de la communiquer.
  • Starson c. Swayze [2003] 1 R.C.S. 722- – La Cour a interprété la capacité d’un adulte dans le contexte de la Loi sur le consentement aux soins de santé de l’Ontario et a conclu qu’à la suite de la prise en compte des deux critères que le premier facteur dans l’évaluation de la capacité d’une personne est qu’elle soit « apte à comprendre les renseignements pertinents à l’égard de la prise d’une décision » et « apte à évaluer les conséquences raisonnablement prévisibles d’une décision ». La Cour a souligné que « la seule question dont était saisie la Commission consistait à déterminer si le professeur Starson était capable de prendre une décision quant au traitement médical qu’on lui proposait. La sagesse de cette décision n’a aucune pertinence à cet égard ». La Cour a également établi qu’afin de respecter le droit du patient de prendre une décision si personnelle concernant un traitement, un tribunal de révision devait accepter que, même si un choix pouvait paraître « insensé », si le patient avait la capacité requise, son choix devait être respecté, conformément au droit à la dignité individuelle et à l’autonomie. Une approche similaire pourrait être adoptée dans le cas des enfants et elle a été adoptée par le juge Binnie, dans ses motifs dissidents, dans l’arrêt A.C. c. Manitoba. Elle souligne que les jeunes devraient avoir le droit de refuser un traitement médical qu’ils ne souhaitent pas obtenir, conformément à leur autonomie individuelle. Pourtant, la majorité dans l’affaire A.C. c. Manitoba, a affirmé que, si un tribunal détermine qu’une décision de traitement d’un mineur mature n’est pas dans son intérêt, cette décision peut être annulée.

Considérations spéciales

  • Ne fixez pas un seuil de capacité plus rigoureux que ce que l’on attendrait d’un adulte dans des circonstances similaires.
  • La capacité n’est pas requise pour que l’on prenne en compte les opinions d’un enfant ou que l’on plaide en faveur de ces opinions. L’enfant doit seulement être capable de se forger une opinion.
  • Voici un exemple de critère adapté possible concernant la capacité d’un enfant à donner des instructions à un avocat (seuil bas) :
    1. L’enfant comprend ou est capable de comprendre que l’avocat peut obtenir ses instructions d’un mineur : la plupart des jeunes comprennent lorsque leur avocat leur dit : « Tu es mon patron. »
    2. L’enfant comprend ou est capable de comprendre une ou plusieurs conséquences de la divulgation d’informations qu’il communique à l’avocat. La plupart des enfants peuvent avoir une opinion claire sur le fait que certaines des informations qui les concernent peuvent être communiquées à certaines personnes. Cela indique qu’ils comprennent qu’il peut y avoir des conséquences à la divulgation d’informations qu’ils ont communiquées à leur avocat, et qu’ils veulent qu’au moins une partie des renseignements en question demeure confidentielle et soit protégée par le secret professionnel, ce qui est le trait caractéristique de la relation avocat-client.
    3. Le jeune est en mesure de communiquer sa compréhension de la situation à l’avocat. L’avocat a la responsabilité d’établir un rapport, de créer un climat propice et de fournir des outils qui aideront l’enfant à communiquer avec lui. Cette divulgation ne relève pas uniquement de la responsabilité de l’enfant.
  • C’est l’avocat, et non pas le tribunal, qui doit déterminer en premier lieu la capacité de l’enfant. Cette détermination incombe à l’avocat, et celui-ci doit être en mesure d’étayer son évaluation de la situation.

Pratiques essentielles

  • Lorsque la question de la capacité d’un enfant est soulevée, posez-vous la question suivante : « la capacité de… quoi faire? » La réponse déterminera le contexte, ainsi que la capacité correspondante requise.
  • Prenez en considération l’ensemble des droits de l’enfant pour assurer le respect des éléments liés au développement, à la participation et à la protection qui sont associés à l’évolution de sa capacité.
  • Ne substituez pas votre propre opinion à celle de l’enfant en vous fondant sur votre avis, celui d’un autre avocat ou celui d’une quelconque autre personne, sur le bien-fondé des points de vue ou des opinions de l’enfant.
  • Le fait d’être en désaccord avec l’opinion d’un jeune ou d’avoir une opinion différente n’est pas suffisant pour écarter les points de vue et les opinions de ce jeune.
  • La détermination de la capacité d’un jeune est à la fois un processus et une question de fond : un critère de capacité est la question de savoir si la réponse du jeune satisfait à ce critère.
  • Le jeune doit avoir une certaine compréhension, mais la nature et la profondeur de cette compréhension seront déterminées par le contexte de la décision à prendre ou de l’action à entreprendre.
  • La qualité ou la nature de la position ou de la décision d’un jeune n’est pas déterminante. Il faut plutôt évaluer ses réponses à un critère de capacité correspondant à un seuil bas, établi pour les besoins de la situation en cause.
  • Il n’y a pas lieu de s’attendre à ce que votre jeune client se présente devant vous la première fois en ayant déjà acquis une compréhension, et il n’est pas obligatoire qu’un jeune fasse la démonstration de sa capacité dans les quelques premières minutes d’interaction.
  • Une partie de votre responsabilité à titre d’avocat d’un enfant est de l’amener à un certain degré de connaissance et de compréhension, de telle sorte qu’il puisse vous donner des instructions sur l’affaire en cause.
  • L’avocat ne doit pas substituer son opinion à celle de son jeune client. Cela ne veut pas dire qu’il doit accepter aveuglément les opinions et les décisions de son client s’il n’est pas d’accord avec la voie dans laquelle le jeune semble se diriger. Comme avec n’importe quel client, l’avocat a l’obligation de donner des conseils avisés, d’indiquer au jeune la probabilité que ses désirs deviennent réalité dans la présente situation, de lui exposer d’autres options, solutions et raisonnements possibles, et/ou d’énoncer ce qui pourrait constituer une autre meilleure solution de rechange. En d’autres termes, comme avec tous ses autres clients, l’avocat doit faire son travail et faire bénéficier son client, enfant ou adolescent, de l’avantage de ses conseils juridiques.

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