Pourquoi une formation spécifiquement sur les préjugés envers les Autochtones?

Par Jennifer David, NVision Insight Group

« Faites de votre mieux, jusqu’à ce que vous compreniez mieux. Et quand vous comprendrez mieux, faites mieux encore. » Maya Angelou

« Nous devons arrêter de nous voiler la face sur les deux véritables solitudes dans ce pays – les citoyens autochtones et non autochtones – et nous engager à agir concrètement pour combler ce fossé par la sensibilisation, la compréhension et les relations. » Marie Wilson, commissaire, Commission de vérité et réconciliation.

Maintenant que la Commission de vérité et réconciliation (CVR) a remis son rapport, les Canadiens et Canadiennes doivent accepter d’avoir des discussions difficiles sur le racisme, et sur le racisme envers les Autochtones en particulier. Le titre provocateur du magazine Maclean’s (disponible uniquement en anglais) résume bien la question : « Le Canada a un plus gros problème de racisme que les États-Unis ». Selon presque tous les critères et tous les indicateurs, c’est une évidence aveuglante que les Premières Nations, les Inuits et les Métis du Canada souffrent d’une santé, d’un bien-être et d’une qualité de vie médiocres.

Les études et les statistiques sur le racisme envers les Autochtones et la suprématie blanche au Canada ne manquent pas, que ce soit la Commission royale sur les peuples autochtones, les diverses enquêtes menées par les provinces, la CVR ou l’Enquête nationale sur les femmes et les filles autochtones disparues et assassinées.

Comment en sommes-nous arrivés là? Suivez un cours de sensibilisation culturelle et vous découvrirez l’horrible vérité sur l’histoire du Canada.

Pourquoi ne pouvons-nous pas régler ce problème? Suivez un cours sur le racisme et les préjugés culturels envers les Autochtones et vous comprendrez à quel point les structures, les institutions, les politiques, les lois et les structures de ce pays sont fondamentalement racistes. Il n’existe pas de solution simple et rapide. Mais on ne peut pas résoudre un problème qu’on ne peut ni voir et ni comprendre. C’est pourquoi une formation sur le racisme et les préjugés culturels envers les Autochtones est si importante.

Nous devons regarder à la fois vers l’extérieur (pour comprendre l’histoire, les récits et le point de vue des Autochtones) et vers l’intérieur (pour comprendre notre propre participation aux préjugés, aux stéréotypes et aux systèmes d’oppression) si nous voulons vraiment défaire, décoloniser et démanteler ces structures au nom de l’égalité, de l’équité et de la justice.

PUIS, nous devons agir. Nous devons changer la dynamique du pouvoir, regarder en face les inégalités, restructurer nos organisations, décoloniser notre esprit, autochtoniser nos établissements d’enseignement et exiger plus de nos gouvernements.

Pourquoi les Autochtones en particulier?

Vous vous demandez peut-être : « Pourquoi pas une formation plus large sur le racisme envers les Noirs, les Autochtones et toutes les personnes de couleur? »

Parce que le Canada entretient une relation particulière avec les Autochtones, qui a commencé avec les traités de paix et d’amitié et s’est poursuivie avec la Proclamation royale de 1763, différents traités historiques, la Loi constitutionnelle de 1982 et de nombreux arrêts de la Cour suprême. La Couronne britannique a signé des traités avec les Premières Nations. La Couronne continue de signer, pour le gouvernement du Canada, des ententes sur les revendications territoriales globales et sur l’autonomie gouvernementale avec les administrations inuites, métisses et des Premières Nations. Ce n’est pas le cas avec les Noirs et les personnes de couleur.

Ce pays que nous appelons aujourd’hui le Canada est la terre natale des Premières Nations, des Inuits et des Métis. Ils l’habitent « depuis des temps immémoriaux ». Les Autochtones ne sont pas des immigrants. Ils n’ont aucune histoire, aucun souvenir rattaché à aucun autre lieu. Et il n’existe pas de récit de l’arrivée de ces peuples au Canada. Tous les Canadiens doivent réfléchir à ce rapport unique au foyer national et à ses implications.

Si on regroupe les Noirs, les Autochtones et les personnes de couleur dans une grande catégorie et qu’on parle simplement de racisme en général, on risque d’occulter les responsabilités spécifiques de l’État envers les Premières Nations, les Inuits et les Métis. Nous devons expressément et catégoriquement saisir l’occasion de comprendre les défis, les obstacles et l’histoire propres au Canada.

La formation ne suffit pas

Connaître les structures, les systèmes, les politiques et les institutions qui entretiennent le racisme au Canada n’est pas la même chose que de travailler à les démanteler. Pour reprendre les mots du sénateur Murray Sinclair (disponible uniquement en anglais) : 

Même si nous nous débarrassions de tous les racistes à tous les postes de l’administration, de la police, de la justice et de la santé, nous aurions toujours un problème. Parce que notre système et nos actions continueraient d’être déterminés par des politiques, des priorités et des décisions issues d’une époque où le racisme était criant.

S’il est important de comprendre comment le racisme systémique s’est insinué dans toutes les composantes de la société canadienne, cette compréhension à elle seule ne change pas nécessairement l’attitude ou le comportement des gens.

Une formation sur le racisme envers les Autochtones est une étape essentielle sur la voie de la réconciliation. Comme le souligne la Commission de vérité et réconciliation dans son appel à l’action numéro 27 :

Nous demandons à la Fédération des ordres professionnels de juristes du Canada de veiller à ce que les avocats reçoivent une formation appropriée en matière de compétences culturelles, y compris en ce qui a trait à l’histoire et aux séquelles des pensionnats, à la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones, aux traités et aux droits des Autochtones, au droit autochtone de même qu’aux relations entre l’État et les Autochtones. À cet égard, il faudra, plus particulièrement, offrir une formation axée sur les compétences pour ce qui est de l’aptitude interculturelle, du règlement de différends, des droits de la personne et de la lutte contre le racisme.

Mais il faut se rappeler que ces systèmes racistes et ces structures d’oppression ont été bâtis sur plusieurs générations. Ils ne pourront être démantelés et rebâtis que sur plusieurs autres générations.