L’arrêt Gladue et la Loi sur les Indiens – Un bref survol historique

Les origines de l’arrêt Gladue – Chronologie

1994 Adoption de l’al. 718.2e) du Code criminel, qui oblige les juges à envisager des solutions de rechange à l’emprisonnement et à porter attention à la situation propre aux délinquants autochtones.

1995 Jamie Tanis Gladue, une femme crie de 19 ans, poignarde et tue son conjoint de fait. Elle est condamnée à trois ans d’emprisonnement.

1999 Dans l’arrêt R. c. Gladue, la Cour suprême du Canada examine l’interprétation à donner à l’al. 718.2e) et enjoint au tribunal d’envisager des pratiques de justice corrective plutôt que l’emprisonnement, comme des cercles de guérison avec les membres de la communauté autochtone de la personne délinquante afin de déterminer et de mettre en application des moyens de remédier à ses actions.

2012 Dans R. c. Ipeelee, la Cour suprême vient renforcer davantage les conclusions tirées dans l’arrêt Gladue, affirmant que les juges ont une obligation légale de tenir compte des circonstances particulières propres au délinquant autochtone, quelle que soit l’infraction en cause.

Aujourd’hui L’arrêt Gladue a mené à l’apparition des « rapports Gladue », un historique personnel préparé par ou pour le délinquant qui met en évidence les facteurs atténuants pour les juges chargés de déterminer la peine. Ces rapports sont devenus la norme en Ontario, en Alberta, en Colombie-Britannique, au Manitoba et en Nouvelle-Écosse.

En 1995, le gouvernement fédéral a adopté le projet de loi C-41, qui proposait des modifications aux dispositions encadrant la détermination de la peine du Code criminel. Le projet de loi créait l’alinéa 718.2e), qui dispose ainsi :

718.2 Le tribunal détermine la peine à infliger compte tenu également des principes suivants :

[…] e) l’examen, plus particulièrement en ce qui concerne les délinquants autochtones, de toutes les sanctions substitutives qui sont raisonnables dans les circonstances et qui tiennent compte du tort causé aux victimes ou à la collectivité.

Ces modifications sont uniques, car pour la première fois, une disposition enjoint directement aux juges de tenir compte de la situation des délinquants autochtones.

Le ministre de la Justice de l’époque a parlé du rôle précis que le gouvernement espérait voir jouer l’alinéa 719.2e) :

[S]i l’on mentionne expressément les délinquants autochtones, c’est parce qu’ils sont malheureusement surreprésentés dans la population carcérale du Canada. Si je me rappelle bien, l’enquête sur le système judiciaire au Manitoba a révélé que si les autochtones ne représentent que 12 p. 100 de la population du Manitoba, ils représentent plus de 50 p. 100 de la population carcérale dans cette province. À l’échelle nationale, les autochtones constituent environ 2 p. 100 de la population canadienne, mais 10,6 p. 100 de la population carcérale du Canada. De toute évidence, il y a un problème ici.

Ce que nous voulons faire, particulièrement dans le contexte des initiatives permettant aux communautés autochtones de se doter d’une justice communautaire, c’est encourager les tribunaux à recourir à des mesures de rechange dans la mesure où celles‑ci sont compatibles avec la protection du public ‑‑ je parle des mesures de rechange préférables à l’emprisonnement ‑‑ et non pas à recourir simplement à ce moyen facile dans tous les cas. [Nous soulignons] R. c. Gladue, par. 47

Essentiellement, l’alinéa 718.2e) a été adopté pour remédier à la discrimination systémique et aux désavantages historiques vécus par les peuples autochtones au Canada (R c. Gladue [1999] 2 CNLR 231 [Gladue]). Plus précisément, l’alinéa 718.2e) du Code criminel invite à la reconnaissance de la surreprésentation des Autochtones au sein du système de justice pénale canadien et vise à améliorer cette situation. (R. c. Gladue)

La Loi sur les Indiens – Chronologie

1850 Acte pour mieux protéger les terres et les propriétés des Indiens dans le Bas-Canada

Le précurseur de la Loi sur les Indiens est l’Acte pour mieux protéger les terres et les propriétés des Indiens dans le Bas-Canada de 1850. Cet Acte définit les droits détenus par les Autochtones du Bas-Canada à l’égard de leurs terres et des ressources qui se trouvent sur leurs terres. Il définit qui à l’époque est considéré comme un « Indien » :

  • toutes personnes de sang indien, réputées appartenir à la tribu ou peuplade particulière d’Indiens intéressés dans les terres du Bas-Canada, et leurs descendants;
  • toutes les personnes mariées à des Indiens et résidant parmi eux, et les descendants des dites personnes;
  • toutes personnes résidant parmi les Indiens, dont les parents des deux côtés étaient ou sont des Indiens de telle tribu ou peuplade, ou ont droit d’être considérés comme tels;
  • toutes personnes adoptées dans leur enfance par des Indiens et résidant dans le village ou sur les terres de telle tribu ou peuplade d’Indiens, et leurs descendants.

(Gouvernement du Canada, Renseignements généraux sur l’inscription des Indiens)

1867 Acte de l’Amérique du Nord britannique

  • Au paragraphe 91(24), le gouvernement fédéral se voit confier la responsabilité des « Indiens et [d]es terres réservées pour les Indiens ».

1869 Modifications législatives

  • Les Indiennes qui épousent des non-Indiens ne sont plus considérées comme des Indiennes et les enfants issus du mariage ne sont plus considérés comme des Indiens au sens de la loi.

  • Les Indiennes qui épousent un Indien appartiennent désormais à la bande de leur mari.

(Gouvernement du Canada, Renseignements généraux sur l’inscription des Indiens)

1869 Acte pour encourager la civilisation graduelle

L’Acte pour encourager la civilisation graduelle conférait au gouvernement certains pouvoirs sur les Autochtones, comme :

[TRADUCTION] le pouvoir de déterminer qui était « de bonne moralité » et pouvait donc jouir de certains avantages, comme celui de décider si la veuve d’un Indien civilisé « vivait de façon respectable » et pouvait donc conserver la garde de ses enfants au décès de leur père. L’Acte imposait en outre de grandes limites au pouvoir de gouvernance des conseils de bande, réglementait la consommation d’alcool et déterminait qui avait droit aux avantages accordés aux bandes et aux avantages issus des traités. Il a également marqué le début des restrictions législatives fondées sur le genre. (Indigenous Foundations [en anglais]).

1876 Loi sur les Indiens

  • L’année 1876 marque l’entrée en vigueur de la Loi sur les Indiens. Cette loi attribue à Affaires autochtones et Développement du Nord (qui s’appelait à l’époque le ministère des Affaires indiennes) de vastes pouvoirs sur la gouvernance, les pratiques culturelles, l’éducation, les soins de santé et l’identité des Premières Nations. En ce qui concerne l’identité, la Loi sur les Indiens définit clairement un « Indien » comme « tout homme de sang indien réputé appartenir à une bande particulière ». (L’Encyclopédie canadienne)

1879 Pensionnats

Les pensionnats sont devenus une politique officielle.

  • Le but des pensionnats autochtones était d’assimiler les Indiens dans la société.
  • Le gouvernement canadien gérait des pensionnats autochtones en partenariat avec les églises anglicane, catholique, méthodiste et presbytérienne, entre autres.
  • Le gouvernement canadien était responsable du financement des pensionnats autochtones.
  • Des pensionnats autochtones ont été en activité dans toutes les provinces et tous les territoires du Canada, sauf à l’Île-du-Prince-Édouard, au Nouveau-Brunswick et à Terre-Neuve.
  • Des pensionnats autochtones ont été en activité au Canada entre les années 1870 et les années 1990.
  • Le dernier pensionnat a fermé ses portes en 1996.
  • Des enfants âgés de 4 à 16 ans ont fréquenté ces pensionnats.
  • On estime que plus de 150 000 enfants indiens, inuits et métis ont fréquenté les pensionnats autochtones. (An Overview of the Indian Residential School System [en anglais])

1884 à 1951 Cérémonies interdites par la Loi sur les Indiens

  • La Loi sur les Indiens a interdit les cérémonies comme les cérémonies religieuses, les pow-wow, la danse du soleil et d’autres types de rassemblements culturels. S’ils célébraient de telles cérémonies, les Autochtones se faisaient arrêter.

1918 Loi modifiant la Loi sur les Indiens

« 122. A (1) Quand un [Indien] qui ne détient aucune terre sur une réserve, ne réside pas sur une réserve et ne suit pas le mode de vie des [Indiens], fait une demande d’être admis à jouir des droits et privilèges de citoyen et qu’il établit à la satisfaction du Surintendant général qu’il a des moyens de subsistance et a des titres légitimes à ces droits et privilèges; quand en outre il abandonne toutes prétentions quelconques à tout intérêt dans les terres de la bande à laquelle il appartient et accepte sa part de fonds au crédit de la bande, y compris le principal des annuités de bande auxquelles il aurait eu droit de participer s’il eût été admis à jouir des droits et privilèges de citoyen sous l’empire des articles précédents de la loi, en plein et entier acquit de tous droits aux biens de la bande; ou, advenant que la bande à laquelle il appartient ne possède pas de fonds ni de principal d’annuités, quand il abandonne toutes prétentions quelconques à tous biens de la bande, le Gouverneur en conseil peut ordonner que ledit [Indien] soit admis à jouir des droits et privilèges de citoyen et reçoive au besoin sa dite part, et à compter de la date de pareille ordonnance ledit [Indien] ainsi que sa femme et ses enfants mineurs non mariés doivent être considérés comme admis à jouir des droits et privilèges de citoyen.

(2) Toute femme [indienne] non mariée de l’âge de vingt et un ans, et toute veuve [indienne] et ses enfants mineurs non mariés peuvent être admis à jouir des droits et privilèges de citoyen de même manière, à tous égards, qu’un [Indien] de sexe masculin.

(3) Le présent article s’applique aux [Indiens] de partout au Canada. »

(Gouvernement du Canada – document archivé)

1927 Il devient illégal pour les Autochtones de présenter une revendication territoriale ou de retenir les services d’un avocat pour le faire

La Loi sur les Indiens rend illégal le fait pour des personnes et communautés autochtones de présenter des revendications territoriales sans le consentement du gouvernement ou de retenir les services d’avocats pour le faire. Il est interdit aux Autochtones de se réunir en groupes.

1951 Loi concernant les Indiens

  • Le registre des Indiens est établi en vue de recenser toutes les personnes qui ont le droit d’être inscrites.
  • Le registraire des Indiens peut ajouter ou supprimer des noms (s’il s’agit de personnes inadmissibles) dans le registre.
  • Il est possible de contester l’ajout ou la suppression de noms dans le registre.
  • Lorsqu’un homme est admis au registre ou retranché de celui-ci, sa femme et ses enfants sont également admis ou retranchés.
  • Les femmes qui épousent un non‑Indien n’ont pas le droit d’être inscrites et elles sont retranchées des listes de bande à la suite du mariage.
  • Chaque personne peut demander l’émancipation volontaire sous certaines conditions.
  • La femme et les enfants d’un homme qui procède à une émancipation doivent être clairement désignés dans l’ordonnance d’émancipation pour être retranchés du registre, sinon ils conservent leur statut.
  • La règle de la mère grand-mère est introduite en vue de retirer le statut des petits-enfants ayant atteint 21 ans dont la mère et la grand-mère paternelle ont acquis le statut d’Indien par mariage à un Indien.

​(Gouvernement du Canada – Renseignements généraux sur l’inscription des Indiens)

1985 Projet de loi C-31, Loi modifiant la Loi sur les Indiens

  • Les femmes ne se joignent pas automatiquement à la bande de leur mari quand elles se marient.
  • Les dispositions liées à l’émancipation, volontaire ou non, sont retirées et des dispositions sont créées en vue de permettre à des personnes, notamment les femmes qui ont perdu leur statut, d’être réintégrées au registre des Indiens.
  • L’article 10 permet aux bandes indiennes de déterminer leurs propres codes et règles d’appartenance.
  • Les enfants sont traités de la même manière, qu’ils soient nés dans les liens du mariage ou en dehors de ceux-ci, ou qu’ils soient des enfants biologiques ou des enfants adoptés.
  • La définition d’un « enfant » à l’article 2 de la Loi sur les Indiens est modifiée afin d’inclure tout enfant légalement adopté (et plus seulement les enfants indiens légalement adoptés) et tout enfant adopté selon la coutume indienne.

(Gouvernement du Canada – Renseignements généraux sur l’inscription des Indiens)

Ce projet a été financé par le ministère de la Justice du Canada.

Ministère de la Justice Canada