Avocate en instance de divorce

  • 01 avril 2021

Chère Advy,

Je suis avocate exerçant le droit de la famille au sein d’un cabinet de taille moyenne. J’ai toujours aimĂ© ce domaine de pratique et je pense faire du bon travail. Le problème est que je vis actuellement un divorce très difficile et que, par consĂ©quent, je m’identifie un peu trop aux causes de mes clients et que leurs histoires m’Ă©branlent. Le droit de la famille est dĂ©jĂ  assez prenant et je n’ai vraiment pas besoin d’un bouleversement Ă©motionnel tous les après-midi. Avez-vous des idĂ©es sur la façon dont je pourrais continuer Ă  pratiquer efficacement (je ne changerai certainement pas de domaine!) sans prendre chaque cause trop personnellement?

- Avocate en instance de divorce


Chère Avocate en instance de divorce,

Mes conseils comportent trois volets :

  1. Limites
  2. Limites
  3. Limites

Je sais, vous dire de fixer des limites c’est un peu comme crier Ă  quelqu’un qui a une crise d’hyperventilation de respirer plus lentement. Alors, comment Ă©tablir des limites dans une situation bien rĂ©elle comme la vĂ´tre?

1. Limites

Il est normal que vous voyiez des points en commun entre ce que vos clients vivent et ce que vous traversez. Mon premier conseil est de ne pas vous autoflageller parce que vous remarquez ces choses. Le problème n’est pas lĂ . Le problème est votre rĂ©action au moment de les remarquer. Votre travail consiste d’abord et avant tout Ă  vous rendre compte de ces rĂ©actions.

Envisagez d’utiliser des outils de pleine conscience pour gĂ©rer ces rĂ©actions. Lorsque vous remarquez que le problème d’un client reflète l’un de vos propres problèmes, prenez-en note. Il peut ĂŞtre utile de garder un journal près de votre espace de travail pour prendre des notes afin d’y rĂ©flĂ©chir plus tard. Il est Ă©tonnant de voir Ă  quel point il est facile de dompter votre turbulent subconscient lorsque vous lui garantissez que vous vous pencherez sur ce qui le chicote au moment prĂ©sent. Comme outil d’autogestion, il est beaucoup plus efficace de se dire « je rĂ©flĂ©chirai plus tard Ă  mes inquiĂ©tudes, obsessions ou pensĂ©es sur ce sujet » que « je devrais toujours Ă©viter ces inquiĂ©tudes, obsessions ou rĂ©flexions ». Sinon, c’est un peu comme si vous vous lanciez dans un rĂ©gime Ă©clair alors que votre objectif est de perdre du poids. Votre subconscient enquiquinant trouvera le moyen de mettre la main dans le sac de biscuits cognitifs si vous le privez totalement de ce qu’il veut, alors qu’il est beaucoup plus simple de contrĂ´ler rationnellement la quantitĂ© de biscuits-pensĂ©es que vous pouvez manger.

Maintenant, afin de prĂ©server votre crĂ©dibilitĂ© auprès de votre subconscient, dĂ©veloppez l’habitude de prendre le temps d’analyser les rĂ©flexions que vous avez consignĂ©es dans un cadre appropriĂ©. La pensĂ©e elle-mĂŞme n’est pas mauvaise et elle pourrait mĂŞme vous donner un aperçu de votre vie ou de votre pratique. Le fait de noter les points en commun peut ĂŞtre un moyen de vous amĂ©liorer dans ce que vous faites si vous gĂ©rez la situation de la bonne manière. PrĂ©parez-vous une tasse de thĂ©, asseyez-vous dans un fauteuil confortable et ouvrez votre journal pour Ă©crire des rĂ©flexions supplĂ©mentaires sur votre rĂ©alisation. Vous trouverez probablement cela moins bouleversant et plus instructif que vous ne l’aviez d’abord cru.

Essayez de noter l’heure et les circonstances entourant cette pensĂ©e troublante. Si vous ne pouvez pas le faire au dĂ©but du processus, ne vous en faites pas, mais il ne fait aucun doute que cela vous aidera Ă  beaucoup mieux fixer vos limites au fil du temps.

2. Limites

Voici un autre avantage de vous donner une occasion de prendre du temps en votre compagnie et d’analyser le dĂ©clencheur : vous pouvez remarquer que les problèmes que vous rencontrez et les soucis dont vous font part vos clients ne sont pas les mĂŞmes. Aucune personne, aucune famille et aucun divorce n’est identique Ă  un autre. Si vous commencez Ă  remarquer que les Ă©motions qui se manifestent en premier lieu sont souvent erronĂ©es, il est possible que vous dĂ©veloppiez la capacitĂ© de voir ces diffĂ©rences au moment oĂą ces Ă©motions surgissent. Cela aura un effet salutaire sur votre capacitĂ© Ă  aider vos clients. Si vous leur donnez des conseils qui se fondent sur ce que vous vivez dans votre vie personnelle et non sur leurs besoins, vous leur donnerez probablement de mauvais conseils ou, Ă  tout le moins, vous ne les Ă©couterez plus. Tout ce qui peut vous nuire dans l’exercice de l’Ă©coute active peut constituer un problème.

Utilisez les réflexions de votre journal comme une façon de résister à cette petite voix intérieure qui tente de vous convaincre que tout tourne autour de vous.

3. Limites

Vous pouvez maintenant remarquer d’autres choses au sujet de ces Ă©motions qui surgissent. Existe-t-il un patron par rapport au moment oĂą elles apparaissent? Ă€ la façon dont elles apparaissent? Je remarque que vous avez parlĂ© de l’après-midi. Est-ce que vous vivez gĂ©nĂ©ralement ces situations vers la mĂŞme heure de la journĂ©e? S’agit-il normalement d’un type semblable d’appel tĂ©lĂ©phonique, de courriel ou de vidĂ©oconfĂ©rence? Y a-t-il un genre de cas ou de problème qui dĂ©clenche plus intensĂ©ment ces pensĂ©es? Recherchez des patrons. Si vous le pouvez, demandez Ă  une personne de confiance d’y jeter un coup d’Ĺ“il et de vous indiquer si elle remarque des patrons que vous ne voyez peut-ĂŞtre pas. Cela ne sera peut-ĂŞtre pas possible, mais si vous avez cette possibilitĂ©, assurez-vous d’y avoir recours.

Imaginons que vous constatez que ces situations se prĂ©sentent normalement vers 14 h 30 ou 15 h. Quand avez-vous l’habitude de dĂ®ner? Avez-vous faim, ĂŞtes-vous fatiguĂ©, avez-vous mal au cou lorsque vous avez des vidĂ©oconfĂ©rences tout au long de la journĂ©e?

Devenez votre meilleur ami et demandez-vous ce que vous pouvez faire pour vous assurer que vous ĂŞtes moins vulnĂ©rable Ă  l’anxiĂ©tĂ©, Ă  la dĂ©pression et au bouleversement Ă  ces moments-lĂ . Que pouvez-vous faire pour aider la personne que vous serez demain Ă  respecter ces limites?

  • ĂŠtes-vous en contact avec d’autres personnes en dehors du travail ou ĂŞtes-vous socialement isolĂ©?
  • Obtenez-vous suffisamment de sommeil de qualitĂ©?
  • Pourriez-vous rĂ©duire votre semaine de travail?
  • Pourriez-vous rĂ©duire le nombre d’heures que vous travaillez tous les jours?
  • Pourriez-vous prendre des vacances? 
  • Y a-t-il certains types de dossiers que vous devriez peut-ĂŞtre laisser de cĂ´tĂ© pendant une pĂ©riode parce qu’ils ressemblent trop Ă  ce que vous vivez personnellement? Comme l’a dit un jour un sage, pour Ă©viter de glisser, Ă©vitez les surfaces glissantes.

Prenez une collation devant l’ordinateur. Faites une sieste. Faites une promenade juste avant (ou juste après) cette pĂ©riode critique. Regardez des photos mignonnes de votre chien. Faites jouer du Gloria Gaynor sur votre lecteur de musique de prĂ©dilection, fermez votre porte et dansez en faisant du lip-sync. MĂŞme si vous pouvez seulement danser avec vos Ă©paules Ă  votre bureau, bougez d’une façon qui vous permet de dominer le rythme effrĂ©nĂ© de vos pensĂ©es.

Vous sentirez-vous ridicule au dĂ©but? Certainement! Imaginez le malaise que je ressens en vous avouant que j’Ă©coute de la musique disco des annĂ©es 70. [Ă€ ma dĂ©fense, j’ai renoncĂ© sans hĂ©siter Ă  installer une boule disco dans mon bureau. Il faut des limites, quand mĂŞme!] En fait, vous ne vous sentirez pas ridicule Ă  tout jamais et vous n’aurez pas Ă  recourir Ă  ce processus Ă  tout jamais. Il s’agit simplement d’une habitude pour garder la tĂŞte haute et vous n’aurez pas besoin de cette aide pour le reste de votre vie.

MĂŞme si c’Ă©tait le cas, vous aurez dĂ©couvert un nouveau talent innĂ© pour offrir des prestations spectaculaires de karaokĂ©. Ne recherchiez-vous pas justement une excuse pour prendre un bandeau de paillettes de toute façon? Peut-ĂŞtre que je m’Ă©loigne du sujet.

Bref, il vaut la peine de prendre soin de vous, mĂŞme si vous ĂŞtes maintenant la seule personne Ă  le faire. Pensez Ă  la version de vous qui est sur le point de se manifester et dĂ©cidez maintenant de la façon dont vous allez aider cette personne avec compassion. L’utilisation de ces techniques vous aidera Ă  soutenir plus efficacement cette future version de vous-mĂŞme.

Prenez bien soin de vous,
- Advy

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