Journée de l’arbitrage de l’IBA

  • 22 mai 2019
  • Alexandra Mitretodis

Introduction

L’Association internationale du barreau (IBA) a tenu sa 22e journée annuelle de l’arbitrage le 14 et le 15 mars 2019 à Montréal. Des centaines de juristes venus d’Amérique du Nord, d’Amérique latine, d’Europe, d’Asie, d’Afrique et d’Australie s’y sont rencontrés.

Le 14 mars, le sous-comité Arb 40 de l’IBA du Comité de l’arbitrage de l’IBA, le Young International Arbitration Group de la London Court of International Arbitration et les Jeunes praticiens canadiens de l'arbitrage ont organisé un symposium pour les jeunes praticiens de l’arbitrage portant sur la production de documents dans le contexte de l’arbitrage et autres sujets d’actualité tels que la nomination de juges à la retraite aux fonctions d’arbitre, la sécurité cybernétique, des conseils pour obtenir votre première nomination à titre d’arbitre, et la diversité.

Le 14 mars, le Tribunal international d'arbitrage de la Chambre de commerce internationale a tenu une discussion en table ronde sur les procédures relatives à l’arbitre d’urgence, les procédures accélérées, la disposition sommaire des demandes et des défenses, et le délai dans lequel les sentences arbitrales doivent être rendues.

La journée du 14 mars s’est terminée avec une réception de bienvenue organisée par l’ABI.

La conférence de l’IBA a eu lieu le 15 mars. Parmi les sujets abordés cette année figuraient l’arbitrage par opposition à la médiation, les règles obligatoires et les lois de police, les sanctions commerciales, l’ALÉNA, l’AEUMC et autres accords commerciaux, ainsi que la protection des données, la vie privée, la confidentialité et la sécurité cybernétique. Ian Binnie, c.r., a fait une allocution principale pendant le déjeuner. La journée s’est terminée avec une réception de clôture.

Parmi les divers sujets couverts pendant les deux jours, ce sont les principaux enseignements tirés des exposés sur la production de documents et la sécurité cybernétique que je vous résumerai brièvement. À mon avis, c’est le thème qui a fourni le plus de conseils pratiques pour les praticiens et pourrait intéresser le plus les membres de l’ABC.

Production de documents dans le cadre de l’arbitrage

Dans les pays de common law, l’enquête préliminaire est un élément essentiel de l’instance.  Les parties sont obligées de produire des documents, même s’ils leur sont défavorables. Dans les pays de droit civil, alors que chacune des parties doit recueillir les preuves nécessaires à l’appui des faits qu’elles allèguent, la partie opposée n’est pas tenue d’aider à la réalisation de cette étape. Il n’existe aucune obligation générale à la charge d’une partie de fournir des documents à la partie opposée qui pourraient nuire à son propre cas.

Le secret professionnel en particulier est traité de façon très différente par la common law et par le droit civil. Par conséquent, les parties à des arbitrages internationaux font face à des difficultés concernant le secret professionnel qui n’existent pas dans le contentieux national. Les questions liées au secret professionnel, telles que la protection du produit du travail des avocats, la communication de documents et la renonciation par inadvertance, et la question de savoir si le secret professionnel protège une personne ou le contenu de la communication, diffèrent d’un pays à l’autre. Ainsi, les communications avec les juristes d’entreprise sont protégées par le secret professionnel au Canada, aux États-Unis et au Royaume-Uni, mais ce n’est pas le cas dans certains pays de droit civil comme la France.

Si la norme du secret professionnel n’est pas traitée dans l’entente entre les parties (ce qu’elles pensent rarement à faire) le tribunal arbitral sera contraint d’appliquer la norme. Cependant, il y a un risque si la norme n’est pas celle à laquelle les parties s’attendaient au regard de leurs propres règles nationales. La plupart des tribunaux internationaux ne possèdent pas de règles établies en matière de secret professionnel auxquelles se reporter. En outre, les lois nationales, les règles institutionnelles ou les règles non contraignantes n’offrent que très peu d’assistance. Par conséquent, en matière de production de document dans le contexte d’un arbitrage international, il importe pour les parties de connaître les règles qui régissent le secret professionnel dans chacun des pays parties à l’instance pour bien comprendre les différences. Alors que les Règles de l’IBA sur l’administration de la preuve dans l’arbitrage international ne traitent pas la question du secret professionnel, elles fournissent des lignes directrices procédurales concernant la production de documents, particulièrement dans l’article 3 (Documents) et l’article 9 (Recevabilité et valeur probante de la preuve), qui pourraient s’avérer d’un grand secours lorsque les parties sont issues de cultures juridiques différentes.

Protection des données et sécurité cybernétique dans le contexte de l’arbitrage international

De nos jours, la protection des données et la sécurité cybernétique sont des sujets brûlants dans tous les domaines du droit. Cependant, les risques pourraient être encore plus grands dans le contexte des arbitrages internationaux en raison du fait que les parties, le tribunal et les institutions se trouvent fréquemment dans des pays différents et échangent de grandes quantités de données électroniques. En outre, à l’arbitrage international sont fréquemment parties des entreprises multinationales, des personnalités publiques et des gouvernements ciblés par des attaques cybernétiques.

Une atteinte aux données peut être une atteinte à la confidentialité, à l’intégrité ou à la disponibilité des données personnelles. Cela peut inclure la destruction, la perte ou la modification accidentelle ou illégale de documents, ou la divulgation des documents ou données personnelles ou l’accès sans autorisation auxdits documents ou données. Les cabinets juridiques sont devenus la cible de ce genre d’atteinte, les criminels cybernétiques les percevant comme ayant un faible degré de sécurité. Une atteinte aux données peut avoir de graves conséquences, y compris la violation du secret professionnel de l’avocat, le vol de données et l’usurpation d’identité, des pertes financières,  cas qui peuvent tous conduire à une déclaration de responsabilité et à l’accord de dommages-intérêts aux victimes.

La plupart des règles d’arbitrage ne contiennent que des obligations limitées en matière de confidentialité, et elles ne sont généralement opposables qu’aux arbitres et aux institutions, à l’exclusion des parties. Qui plus est, la question de savoir si vous devez informer les tiers pouvant être touchés, et dans quels délais, dépend des lois des pays respectifs.

L’International Council for Commercial Arbitration, la New York City Bar Association et l’International Institute for Conflict Prevention and Resolution ont formé un groupe de travail sur la sécurité cybernétique dans le contexte de l’arbitrage international. Le groupe de travail rédige un ensemble de directives qui apporteront une assistance pratique aux avocats, arbitres et institutions, ainsi que des protocoles qui peuvent être adoptés par les parties à un arbitrage. L’IBA a elle aussi des directives sur la sécurité cybernétique à l’intention des praticiens du droit et des cabinets juridiques.

Il n’est à l’heure actuelle pas clair si c’est aux arbitres qu’il incombe de faire en sorte que les données soient protégées et la sécurité cybernétique assurée ou si cela relève de la responsabilité de l’institution ou des parties. L’inclusion de mesures de base pour la protection des données et la sécurité cybernétique dans une ordonnance portant sur la procédure ou dans un protocole accepté par tous est une bonne pratique à suivre pour éviter une atteinte aux données. L’ordonnance procédurale ou le protocole devrait inclure une procédure pour le transfert et le stockage des données confidentielles, la limitation de la divulgation et de l’utilisation des données confidentielles, et la communication des atteintes aux données.

Conclusion

Un conseil à ne pas oublier lorsque vous travaillez sur des dossiers internationaux : les règles dont vous avez l’habitude dans votre pays pourraient ne pas être les mêmes dans celui des autres parties. Pour éviter toute surprise, traitez ces questions dans la convention d’arbitrage ou s’il est trop tard pour le faire, convenez d’un protocole ou d’une ordonnance procédurale dès le début de l’affaire.

Alexandra Mitretodis est avocate dans le cabinet Fasken à Vancouver.