Autoriser les témoignages par télévision en circuit fermé en l’absence de preuve donnée sous serment

  • 22 mai 2019
  • James A. Gumpert, c.r.

Le 23 janvier 2019, la Cour d’appel de la Nouvelle-Écosse a publiĂ© sa dĂ©cision dans l’affaire R. v N.M., 2019 NSCA 4 (disponible uniquement en anglais).

Dans l’affaire N.M., l’appelant faisait valoir que le juge de première instance avait errĂ©, en s’appuyant sur le pouvoir discrĂ©tionnaire que lui accorde l’article 486.2, pour autoriser la plaignante, âgĂ©e de 19 ans au moment du procès, Ă  tĂ©moigner par voie de tĂ©lĂ©vision en circuit fermĂ©. Le tĂ©moignage de N.M. portait sur les agressions sexuelles que lui avait infligĂ©es son père dès son enfance jusqu’Ă  son adolescence. L’appelant allĂ©guait que le juge ne possĂ©dait pas un fondement probatoire appropriĂ© sur lequel fonder sa dĂ©cision d’accorder l’ordonnance en vertu de l’article 486.2.

Au dĂ©but du procès, le procureur de la Couronne avait dĂ©posĂ© une requĂŞte en autorisation pour que la plaignante puisse tĂ©moigner par voie de tĂ©lĂ©vision en circuit fermĂ©. Or, il n’avait dĂ©posĂ©, pour appuyer sa demande d’ordonnance en autorisation de tĂ©moigner par voie de tĂ©lĂ©vision en circuit fermĂ©, ni requĂŞte officielle ni affidavit Ă©manant de la plaignante ou de toute autre personne. Lors du procès, l’avocat reprĂ©sentant l’appelant s’est opposĂ© Ă  la requĂŞte, allĂ©guant que le procureur de la Couronne n’avait pas dĂ©posĂ© de preuve Ă  l’appui de sa requĂŞte.

Le juge de première instance a fait droit Ă  la requĂŞte et a autorisĂ© la jeune femme de 19 ans Ă  tĂ©moigner par voie de tĂ©lĂ©vision en circuit fermĂ©. Dans sa dĂ©cision, le juge de première instance a indiquĂ© que la victime aurait des difficultĂ©s Ă  tĂ©moigner Ă©tant donnĂ© sa proximitĂ© familiale avec l’agresseur.

L’appelant avait allĂ©guĂ© que le juge de première instance n’aurait pas dĂ» faire droit Ă  la requĂŞte en l’absence de fondement probatoire. En appel, le procureur de la Couronne a rĂ©pondu que la preuve donnĂ©e sous serment n’Ă©tait pas nĂ©cessaire en l’espèce pour que le juge puisse, Ă  bon escient, avoir recours Ă  son pouvoir discrĂ©tionnaire.

La Cour d’appel de la Nouvelle-Écosse a accueilli l’appel pour des motifs sans rapport avec le motif d’appel fondĂ© sur l’article 486.2.

Cependant, la Cour a rejetĂ© le motif d’appel fondĂ© sur l’article 486.2 et affirmĂ© que le juge de première instance n’avait pas errĂ© lorsqu’il avait eu recours Ă  son pouvoir discrĂ©tionnaire pour autoriser une dĂ©position par voie de tĂ©lĂ©vision en circuit fermĂ© sans entendre de tĂ©moignage officiel sous serment. Le juge avait autorisĂ© la dĂ©position par voie de tĂ©lĂ©vision en circuit fermĂ© Ă  la lumière de dĂ©clarations faites, en l’absence de serment, par l’avocat de la poursuite selon lesquelles la victime aurait des difficultĂ©s Ă  tĂ©moigner si son père se trouvait en face d’elle dans la mĂŞme pièce.

Aux paragraphes 67 Ă  69 de l’arrĂŞt, la Cour d’appel de la Nouvelle-Écosse a fait une distinction avec l’arrĂŞt R. v S.D.L., 2017 NSCA 58 (disponible uniquement en anglais) qui portait sur l’article  714.1. Elle a indiquĂ© que l’article 714.1 Ă©nonce un critère et a des objectifs totalement diffĂ©rents de ceux de l’article 486.2.

Il importerait de se pencher de près sur le paragraphe 70 de l’arrĂŞt si vous avez besoin de dĂ©poser une demande en vertu de l’article 486.2.

Si le procureur de la Couronne connaĂ®t Ă  l’avance la nĂ©cessitĂ© de prĂ©senter une demande en vertu de l’article 486.2, si l’on applique la dĂ©cision de la Cour d’appel de la Nouvelle-Écosse, il devrait donner avis de la requĂŞte faite en vertu de l’article 486.2 et y joindre les affidavits pertinents.

En revanche, si la victime dans votre dossier vous dit pour la première fois le jour du procès qu’elle ne peut pas relater les faits entièrement et en toute franchise, veillez Ă  indiquer au dossier, autant que faire se peut, les raisons pour lesquelles vous dĂ©posez la demande fondĂ©e sur l’article 486.2 au dĂ©but du procès. Dans la demande fondĂ©e sur l’article 486.2, le procureur de la Couronne devrait indiquer autant de renseignements que possible au dossier au sujet des raisons pour lesquelles la victime ne peut tĂ©moigner correctement sans avoir recours Ă  la tĂ©lĂ©vision en circuit fermĂ©, par exemple, ce que confie la victime Ă  l’avocat de la poursuite concernant son incapacitĂ© Ă  relater les faits entièrement et en toute franchise. L’arrĂŞt N.M. devrait aider dans ces cas Ă  obtenir gain de cause Ă  l’Ă©gard d’une demande fondĂ©e sur l’article 486.2 en l’absence d’un fondement probatoire donnĂ© sous serment.

James A. Gumpert, c.r., est procureur principal de la Couronne au sein du Nova Scotia Public Prosecution Service. Il est membre du ComitĂ© de direction de la Section du droit pĂ©nal de l’Association du Barreau canadien.